Chapitre CXIX (1/2)
Cette nuit-là fut assez irréelle : j’oscillais entre la sensation brute, presque tranchante, d’un bonheur tant attendu et la crainte sourde, insidieuse, de me réveiller en réalisant que tout cela n’était qu’un rêve. A plusieurs reprises, j’ouvris les yeux dans la pénombre, m’empressant de refermer les doigts sur le corps d’Orcinus, tout habillé, qui se pressait contre le mien. Il était bien là… Par réflexe, à chacun de mes mouvements, il resserrait son étreinte et cela m’apaisait infiniment.
J’avais quand même dans un coin de ma tête la question de savoir si, après tout, il me désirait encore. Cela m’inquiétait… Car mon corps avait changé depuis la grossesse, même si je n’y avais pas vraiment prêté attention ! Orcinus, lui, avait dû voir quelques différences sous ses doigts. J’avais certes senti son souffle s’échauffer contre le mien, son corps onduler sous mes caresses, son cœur accélérer ses battements. J’avais bien lu le désir dans ses yeux et tout le reste de son être (enfin, presque tout !) me l’avait confirmé. Alors… Je m’accrochai à mon ressenti et à la confiance que j’avais toujours eue en lui pour me dire que ce n’était rien, que les lendemains seraient différents. Mais ma nuit fut quand même un peu agitée.
Lorsque le jour pointa le bout de son aube, Orcinus était toujours fidèle au poste. Ce fut un immense soulagement tant j’avais craint qu’il ne s’évapore ou se carapate ! Il était chaud comme une tisane dans le vent d’hiver, doux comme un soleil de printemps, appétissant comme les crêpes au caramel que préparaient les cuisinières de mon enfance, à Champarfait. Je me retournai pour lui faire face, non sans mal tant il me tenait fort ! Et je me collai tout contre lui, de tout mon long et de toutes mes forces.
Je le sentis alors s’éveiller tranquillement… D’abord d’un sourire déposé contre mon front, tout doucement. Puis d’un frémissement sous le clos de ses paupières. Et d’une ondulation impatiente, possessive, de ses hanches vers les miennes. Je me pressai encore plus fort contre lui avec un soupir ridicule tandis qu’il embrassait mes cheveux en murmurant dans le noir.
« - Bonjour, Lumi. Bien dormi ?
- Bonjour, Orci. Pas trop mal, disons. Et toi ?
- Comme un loir…
- …
- Tu sais que tu ne peux pas venir plus près, inutile de te coller à moi comme ça… Sauf si tu as des intentions, évidemment.
- J’ai tout plein d’intentions, justement.
- Vraiment ?
- Oui.
- …
- Mais si tu veux attendre…
- Peut-être. Je sais très bien que c’est grâce à ma retenue héroïque que j’ai finalement réussi à te séduire, la première fois.
- Tu crois ?
- Oui. Et je crois aussi que les mêmes causes pourraient avoir les mêmes effets.
(Je souris en silence tout en lui caressant les bras.)
- Tu n’as plus tellement besoin de me séduire, tu sais. Je suis cuite. Et depuis longtemps !
(Il sourit à son tour, oeil de feu, gestes fauves, sexe ferme, et me fit passer en position allongée tandis qu’il venait me surplomber en moins d’une seconde. Mes craintes quant à son désir s’envolèrent instantanément.)
- Tu sembles moins ému qu’hier, dis-moi ?
- Disons que c’est un émoi très différent…
(Il pressa son érection contre ma cuisse et je faillis hurler d’impatience.)
- Je t’aime, Orcinus.
- Moi aussi, Lumi, je t’aime.
- …
- Est-ce que c’est vraiment très tordu d’avoir envie de te faire l’amour comme un fou alors que nos enfants dorment juste à côté ?
- Peut-être. Mais alors, nous sommes deux tordus !
(Ses lèvres quittèrent les miennes pour partir en exploration au fil de ma peau : il ôta ma tunique et dévora mon cou, mes épaules, mes seins, mon ventre, mes cuisses, mes mollets… Je sentais des bulles de feu ou de soleil s’allumer partout où il passait, ses doigts éveillaient en moi des sensations profondes et délicieuses que j’avais presque fini par oublier.)
- En fait, il faut que tu saches que tes enfants ont le sommeil très, très lourd.
- Tu en es sûre ?
- Sûre et certaine.
- Alors je pourrais continuer à grignoter leur maman sans risquer de les traumatiser à vie ?
- Je crois que c’est moi qui serais traumatisée à vie si tu ne continuais pas ! »
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