Chapitre CXIX (2/2)
Il eut alors un sourire de prédateur des mers et il précisa ses caresses. Ses gestes étaient pressants, précis, comme on retrouve une habitude longtemps délaissée mais profondément ancrée, instinctive, animale. Notre étreinte fut courte et intense, mélange d’urgence et de repossession, et lorsqu’il me pénétra avec impatience, allant et venant en moi comme un émerveillement, ni lui ni moi ne mîmes plus de trois minutes à laisser exploser notre plaisir. J’en eus le cerveau coupé tant les émotions étaient brutes et nues. Puis ce fut à mon tour de m’allonger sur lui. Il n’était qu’à moitié déshabillé tandis que j’étais entièrement nue. Et ce fut délicieux de le sentir reprendre son souffle sous mes doigts comme si nous ne nous étions jamais quittés, dans une intimité profonde, confiante, indélébile.
« - Je t’aime, Orci.
- Tu l’as déjà dit…
(Je lui pinçai la peau de l’avant bras en lui tirant la langue.)
- Moi aussi, je t’aime, Lumi.
- Ah ! Tu vois, toi aussi, tu radotes.
(Il ne dit rien mais je sentis son sourire s’étendre sur ses lèvres.)
- Bon, si nous sommes séniles tous les deux, ce n’est pas grave. On n’a qu’à rester là, comme ça, jusqu’à la fin des temps.
- Tu rêves ! Et tu oublies que nous avons désormais deux sirènes matinales pour nous empêcher de traîner au lit.
- …
- Orcinus…
- Oui ?
- Promets-moi que tu ne repartiras jamais.
- Je n’avais pas demandé à partir, la dernière fois.
- Je sais.
- Et je suis revenu dès que j’ai pu !
- Juste le temps de fabriquer deux petits monstres.
- Voilà.
- J’ai eu tellement peur, quand j’ai su que j’étais enceinte !
(Il me serra contre lui dans un petit soupir.)
- Moi c’est maintenant que j’ai peur… Peur de ne pas savoir m’y prendre.
- Je t’aiderai… Et je me moquerai peut-être un peu, aussi.
- Eh ! Ce n’est pas gentil… Vivement que les petits grandissent pour voir comment tu traites leur papa. Je suis sûr qu’ils me défendront, eux.
-…
-…
- Tu m’as tellement manqué… Si tu savais.
- Mais je le sais ! Tu m’as manqué exactement de la même façon. Et après ces deux nuits que nous avions partagées, que nous avions volées, c’était encore pire. Parce que je n’avais plus aucun espoir que les loyalistes me laissent partir.
- Mon chéri…
(Sa main parcourut mon dos de haut en bas.)
- …
- Mon cœur…
(Ses doigts firent exactement le même chemin que précédemment, mais en sens inverse.)
- Mon amour…
- Dis, tu es sûre que ça va ? Tu me donnes plus de surnoms en trente secondes que pendant toutes ces années… Tu as avalé de la guimauve ? Un grand bol de fleurs bleues ?
- Gnagnagna… Je vais bien. Tout va bien. Et tout ira bien, je crois.
- Je l’espère.
- Et si tu continues à te moquer de mes élans de sentimentalisme, je sais comment je vais t’appeler.
- Comment ?
- Mon prince ! »
Il rit comme une étoile filante dans l’escarcelle de mon oreille et je l’embrassai sans préavis. C’était si bon de l’avoir ainsi à portée de mains et de taquineries ! Je finis de déboutonner sa tunique pour sentir sa peau tout contre la mienne, laissant mes doigts partir à l’assaut de son ventre, de ses tétons, de ses épaules. Mes hanches rythmaient les siennes comme des vagues sur une plage et il se tortillait sous mes caresses sans filtre ni pudeur.
Qu’il était beau dans ces moments-là, quand il ne déguisait plus rien, quand il me laissait donner la cadence et prendre mon plaisir… Je lui fis l’amour comme si le monde n’existait plus, chaque sensation était décuplée, chaque souffle résonnait dans mes veines et chaque baiser n’était que brasier. Je le dévorai de toutes mes forces et le plaisir fut dense, intense, effervescence.
Puis je retombai sur son torse, l’oreille collée contre son cœur qui semblait m’envoyer directement de grandes pulsions de vie ou d’eau de rose. Nos enfants dormaient comme des anges, le temps était doux et clair, et malgré les obstacles, les royaumes, les civilisations qui s’entrechoquaient, j’eus pour la première fois depuis longtemps l’impression que j’allais survivre à cette immense tempête qui avait secoué nos vies.
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