Chapitre CXX (2/2)

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(Orcinus) - Tu étais enceinte, Lumi. Je ne le savais pas, mais je regrette d’autant moins de les avoir empêchés de vous tirer comme des lapins !

(Lumi) - C’est vrai.

- …

- Je peux toucher ? Ou bien ça te fait mal ?

- Non, tu peux y aller.

(Je posai une main sur chacune de ses brûlures, comme un baume tardif, mais bienveillant, et je caressai doucement les reliefs étranges, tourmentés, qu’avait adoptés à ces endroits-là sa peau si douce partout ailleurs.)

- Et après, Orcinus ?

- Après, nous avons pris la mer. C’était plus facile, pour moi. J’étais de nouveau libre de mes mouvements, du moins sur le navire. Ce n’est qu’à l’issue des pourparlers qu’ils sont vraiment devenus méfiants. Évidemment, lors de cette satanée conférence, j’ai dit devant tout le monde que je ne voulais pas régner. Que je voulais partir avec toi…

- J’aurais tellement voulu pouvoir te suivre !

- Tu ne le pouvais pas. J’ai compris, maintenant. Et j’aurais fait la même chose à ta place ! Mais le résultat était là : les loyalistes me surveillaient comme du lait sur le feu. Ils m’ont à nouveau conduit dans leur forteresse, tout au Nord. Je ne pouvais rien faire sans être accompagné par deux gardes, c’était pénible et oppressant. C’est comme ça qu’est venue cette idée des fiançailles qui n’en étaient pas vraiment, mais qui m’ont permis de regagner leur confiance. Ils me pensaient amoureux de Lumi, au point de ne plus jamais vouloir quitter leur peuple. Alors qu’elle ne demandait que ça : quitter ce peuple qui l’avait rejetée à cause du crime d’un autre.

- …

- Juste après la soirée des fiançailles, nous nous sommes enfuis tous les deux. Il faisait nuit noire… Mais les veilleurs nous ont vus quand même. Et ils ont tiré.

- Sur leur prince ?

- Un prince qui ne veut pas régner, ce n’est pas si précieux, finalement ! Enfin, je n’en sais rien. Le soldat qui s’en était pris à moi précédemment, celui qui m’a poussé, a été puni pour m’avoir mis en danger. Peut-être que ceux qui nous ont visés avec leurs mousquets, ce soir-là, ont connu le même sort ? Je n’en ai aucune idée. Nous avons volé le bateau, nous sommes partis droit devant nous. C’est tout.

- Sans être blessés par les soldats ?

- Presque. En me baissant pour m’abriter des tirs, j’ai heurté une pièce métallique qui m’a griffé le visage, assez profondément.

- Ta petite cicatrice, sur la joue ?

- Oui.

- Que Lumi a soignée.

- Oui. C’est une fille bien, tu sais.

- Je n’en doute pas…

- J’ai fait pour elle ce que j’aurais aimé que quelqu’un fasse pour toi, si… Si tu étais restée coincée entre les griffes de Rotu, à l’époque.

- Je sais. C’est un peu tordu, mais je sais.

- …

- Regarde-moi, Orcinus.

(Il se tourna de nouveau sur le dos, dissimulant ses vilaines brûlures à la curiosité de mes mains et de mes yeux, et je m’allongeai complètement sur lui, sans me soucier de son avis, comme on envahit une île paradisiaque qui n’avait rien demandé, mais qui ne se défend pas. Et je posai mes lèvres sur cette petite griffure qui redessinait son sourire sans le dénaturer.)

- …

- Moi aussi, mon amour, j’aurais voulu t’épargner toute cette souffrance… Mais ce n’est plus possible. Alors je n’ai pas envie de rester bloquée là-dessus. Je veux avancer. Avec toi. Avec nos enfants. Et aujourd’hui, il y a une seule chose au monde dont je sois certaine.

- Laquelle ?

- Fille bien ou pas, je ne veux plus entendre parler de cette autre Lumi !

- Mais…

- Mais rien du tout ! C’est non, Orcinus. Je te laisse deux heures pour trouver une solution. N’importe laquelle... Le compte-à-rebours commence maintenant.

- …

- Euh, en fait, attends un peu…

- Quoi ?

- D’abord, je veux bien un autre câlin. Ensuite, le compte-à-rebours commencera.

- Tu as le sens des priorités, au moins. Et tu tiens ton cap…

- Toujours ! Je suis Lointaine, maintenant. J’ai le compas dans l'œil. Et dans le cœur.

- Alors… Je me rends à tes arguments. J’ai bien fait, apparemment, de prendre la fameuse potion de Milos pour ne pas lancer le numéro trois tout de suite…»

Je lui souris. Lui non plus n’avait pas perdu le Nord ! Et en guise d’arguments, j’usai de toutes les parties de mon corps disponibles pour titiller le sien. Nous fîmes l’amour tout doucement, souffles et membres au diapason… Nous finîmes apaisés, trempés, emmêlés. Et c’est pile à ce moment-là que Tempeta donna de la voix pour réclamer son biberon du matin, imitée dans la seconde par Delphinus.

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