Chapitre 5 : Kanonmar
Surface de Mars
Campement Terrien
Lorsque les trois officiers Terriens et leur prisonnier Martien sortirent de la navette de commandement, le colonel Taizhong était en train de coordonner un réaménagement du campement. Une partie des scientifiques et des techniciens avait récupéré des morceaux d'épaves de véhicules et tentait de les remettre en état de fonctionnement, ou au moins d'en analyser les composants. Les explorateurs continuaient à guetter tout mouvement suspect, tandis que les militaires avaient fait le plein d'armes et de munitions prises sur le champ de bataille. Le capitaine Tenson s'avança vers son supérieur pour l'informer de ce qu'il avait appris.
« Mon colonel ?
-Ah, enfin. Vous l'avez enfin convaincu ?
-Affirmatif. Il semblerait que nous soyons attendus par le chef de cette planète, dans leur base. Il est censé pouvoir nous éclairer sur tout ce qui se passe ici.
-Ah oui ? Ils ont un chef maintenant. Et bien, si nous avons des explications, c'est une excellente nouvelle. Combien de personnes puis-je envoyer en délégation ? »
Le gouverneur Martien, qui se trouvait à côté, hésita quelques secondes puis se décida à répondre au colonel.
« En théorie, quelques officiers pourraient faire l'affaire, mais j'aimerais voir plus grand.
-Qu'entendez-vous par là ?
-Nous devons oublier ce qui vient de se passer et le roi est extrêmement curieux. Vous êtes désormais chez nous mais nos deux parties doivent travailler ensemble. J'aimerais que l'intégralité de votre équipe puisse venir rencontrer notre souverain.
-Je suis navré de vous décevoir mais je ne compte pas laisser le campement sans défense.
-Rassurez vous, personne ne l'occupera. En revanche, je vous propose de débarrasser le terrain de toutes ces épaves et de nettoyer un peu la zone. Nos machines d'infirmerie peuvent traiter rapidement vos blessés et nos transports peuvent vous emmener à notre base sans problème.
-Si vous vouliez conduire des intrus droit dans un piège, c'est ce que vous diriez, répondit le colonel en haussant un sourcil.
-Entièrement d'accord. Mais si vous pensez être des intrus, je vous arrête. En tant que véritables Terriens, vous êtes nos invités. Vous verrez que nous sommes de bons hôtes. Pour commencer, nous n'attachons pas les gens pour les frapper, nous.
-Savez-vous que vous serez notre prisonnier pendant toute la visite ? Si votre peuple tente quelque chose d'hasardeux...
-Il n'y aura rien, assura le Martien. Vous avez ma parole. Quand vos hommes seront-ils prêts ?
-Donnez nous une heure. »
Malgré les doutes premiers de l'expédition, le colonel accepta de partir avec tout le monde. Chacune et chacun laissa de côté ce qu'il était en train de faire et ils se rassemblèrent avec leur équipement. Les blessés étaient pansés et effectivement, les machines martiennes remettaient vite sur pied ceux qui à priori devaient encore se reposer. Les quelques blessés plus graves qui devaient rester allongés étaient installés dans des civières flottantes. Les deux journalistes, conscients de l'importance du moment, tentèrent d'interroger le colonel Taizhong. Ce dernier les renvoya vers le capitaine Tenson, qui lui-même les renvoya vers ses lieutenants. Quelques minutes après, de nouveaux véhicules à répulseurs arrivaient devant le campement. Ceux-ci faisaient plutôt office de camions et les terriens montèrent dans les transports martiens. Le gouverneur décida de monter dans le même que le capitaine Tenson et ils se mirent assis côte à côte. L'officier Terrien était surpris de ce choix :
« Ne devriez-vous pas être dans le même véhicule que notre colonel ? C'est le plus haut gradé que nous ayons.
-Je souhaitais accompagner l'homme qui a dirigé mon interrogatoire. Nous ne sommes pas habitués à ces méthodes. Pour tout vous dire, c'est totalement interdit. La violence directe entre individus est extrêmement condamnée, ici. Je voulais vous demander en toute franchise ce que vous en pensiez.
-Comprenez notre position, rassura Tenson. Nous ne pensions trouver personne et nous avons été attaqués. Un homme seul est déjà surprenant, mais vos révélations sur un gouvernement central... Dites moi gouverneur, êtes-vous nombreux sur Mars ?
-En tant que Martiens ? Et bien nous sommes un peu plus d'un milliard. Il y a bien plus de machines sur cette planète que d'habitants. »
Le capitaine marqua une pause, pour réfléchir. S'il y avait un gouverneur et un chef suprême, il était évident que la planète était peuplée. Cela bouleversait absolument tous les plans du gouvernement. Il continua néanmoins de se renseigner :
« Et comment se fait-il que l'on ne voie rien à perte de vue, que du sable et des rochers ?
-Les martiens ont abandonné depuis très longtemps la surface. A vrai dire, on ne sait même plus à quelle époque notre civilisation était établie de la sorte.
-Je vois. Nous avons dû également nous replier sous terre. L'air est beaucoup plus respirable ici que chez moi.
-Que s'est-il passé avec votre planète ?
-C'est malheureusement assez simple. Nous avions une planète nous fournissant tout ce dont nous avions besoin pour survivre, mais nous avons été incapables de la traiter comme notre foyer. Tout le monde a contribué à cette catastrophe, mais ce sont bien sûr nos dirigeants, financiers, industriels, actionnaires, qui ont frappé les coups les plus violents. Pendant ce temps, notre tâche est de les protéger envers et contre tout.
-N'avez-vous pas un discours assez séditieux pour un militaire ? Sur Mars, c'est difficilement toléré.
-Etre militaire n'est pas une question de soumission totale, gouverneur. Il s'agit pour moi d'obéir à un code de valeurs, de convictions qui nous sont attachées. Sur Terre, ce genre de discours n'est pas plus apprécié qu'ici. Si mes supérieurs m'entendaient, ils me relèveraient de mes fonctions, le colonel Taizhong y compris. »
Les hommes de l'équipe de l'Anglais souriaient et hochaient la tête pour confirmer ses propos. Ils avaient déjà dû en discuter des dizaines de fois avec leur officier. Arrivés à la même position où était apparue la grosse formation de troupes martiennes auparavant, les transports marquèrent l'arrêt. Un roulement métallique résonna et ce qui était en réalité une plateforme s'enfonça dans le sol, pendant une ou deux minutes. Lorsque l'ascenseur s'arrêta, les transports ouvrirent leurs portes et les terriens se regroupèrent à nouveau. Ils avaient l'impression d'être dans une caverne immense, le sommet formant presque un ciel rougeâtre tant il était haut. Plusieurs machines montaient la garde devant l'ascenseur et une route menait droit à de grandes portes d'un gris très foncé, flanquées de tours avec d'autres machines au sommet.
Le colonel Taizhong voulant faire bonne impression, il décida de se mettre en ordre de marche. Ils adoptèrent la même formation que lors de l'embarquement sur Terre, les trois équipages formant trois colonnes distinctes. Le colonel Taizhong se plaça devant, au centre. Les deux journalistes étaient chacun derrière une équipe, prenant des notes sur leur tablette, tandis que le gouverneur était derrière celle du capitaine. En deux minutes de marche, la compagnie arriva devant les portes de la base martienne. Les machines ne réagirent pas. Les colonnes terriennes s'arrêtèrent devant et une trentaine de secondes plus tard, une grande porte coulissa sur la droite. Le reste de la garnison robotique était alignée à gauche et à droite, faisant une haie d'honneur aux nouveaux arrivants. Cette allée vide et lugubre traversait la base et menait jusqu'aux marches du plus gros bâtiment, probablement le poste de commandement.
Le colonel fit un geste de sa main droite et le groupe se remit en marche, suivant la voie préparée pour eux. Les membres d'équipages en profitaient pour observer le lieu dans lequel ils étaient entrés. L'architecture était assez différente de celle sur Terre, mais on pouvait deviner qu'elle se faisait vieille. Certains bâtiments donnaient l'impression de peiner à se tenir debout. Tout était terne et une odeur de souffre planait sur les lieux. Aucun bruit n'était audible hormis les pas de l'équipage sur la terre poussiéreuse. Pour la base d'un gouverneur régional, l'endroit laissait quelque peu à désirer. Lorsqu'ils arrivèrent en bas des marches, ils s'arrêtèrent de nouveau. La porte au sommet des escaliers s'ouvrit alors, et un homme apparut. Un peu rond mais pas petit, aux cheveux noirs, avec un grand sourire. Toutes les machines se tournèrent vers lui et celles sur son chemin s'écartèrent pour le laisser passer. Il descendit avec ferveur jusqu'au colonel et lui serra la main, les yeux pétillants.
« Monsieur, sachez que je suis fou de joie de vous recevoir dans cette modeste base ! Vous n'imaginez pas à quel point vous étiez attendus.
-Nous l'étions tellement que nous sommes arrivés en avance, visiblement.
-Ah, le gouverneur vous a déjà tout expliqué ?
-Pas tout, seulement un résumé. Il paraît que vous êtes mieux placé pour le faire, c'est pourquoi nous sommes venus.
-Oh, vous me faites tellement plaisir ! Où est-il d'ailleurs ?
-En fin de colonne, en bonne compagnie.
-Très bien, très bien. Venez, suivez-moi, vous allez tout comprendre ! »
D'un air tout aussi enjoué, l'homme remonta les escaliers, rapidement suivi par les terriens. La première pièce était très sobre, avec à peine quelques décorations sur de grands murs foncés, et peu d'éclairage. Puis un long couloir parsemé de virages suivait. Quelques hommes étaient visibles dans des portes à demi ouvertes, scrutant les nouveaux venus. Ceux-ci semblaient toujours sévères et tranchaient avec l'attitude enfantine de leur hôte. L'homme se déplaçait rapidement, et bientôt les terriens durent arrêter de marcher pour le suivre en courant. Les membres d'équipage l'entendaient parler mais il était trop loin pour distinguer ce qu'il disait. Lorsqu'il s'arrêta devant une porte, il remarqua la distance et attendit qu'on le rejoigne.
« Pourriez-vous ralentir un peu ?, s'agaça le colonel Taizhong.
-Pardonnez moi, pardonnez moi, mais j'ai tant de hâte ! »
Il sortit de sa poche ce qui ressemblait à une carte électronique et la déposa contre une paroi, ce qui fit coulisser la porte. Cette fois, c'était une pièce remplie de consoles, de commandes, de boutons lumineux qui les attendaient. Tous entrèrent, puis la porte se referma. Des machines et d'autres humains les attendaient. Tandis que les robots commençaient à s'affairer autour des consoles, des Martiens qui ressemblaient à des dignitaires vêtus de longues tuniques bleues, s'approchaient des Terriens et les saluèrent avec respect. Le roi se tourna vers ses invités et déclara :
« Messieurs, préparez vous au décollage !
-Quel décollage ? »
Taizhong porta la main à son pistolet et le pointa sur son hôte. En une fraction de seconde, les autres Terriens levaient leurs fusils et se dispersaient dans la pièce. Les machines, sans remarquer, continuaient de programmer quelque chose mais les dignitaires paniquaient et reculaient avec un visage d'effroi. Les officiers Terriens dégainèrent aussi leurs pistolets et les pointèrent à bout portant sur les machines, qui cette fois stoppèrent leur programmation. Le roi Martien prit peur et se mit à glapir.
« Arrêtez ! Que faites vous ?
-Personne ne fait décoller quoi que ce soit sans que nous soyons parfaitement au courant de ce qui se passe.
-C'est en décollant que vous pourrez comprendre, je vous en supplie, faites moi confiance !
-Qu'est-ce qui me garantit que tout va bien se passer ?
-Votre nombre monsieur. Et le fait qu'aucun Martien dans cette salle ne possède d'arme, contrairement à chacun de vous. »
Le colonel se retourna et observa le contraste saisissant. Des dizaines d'hommes et de femmes prêts à en découdre, face à une poignée de diplomates et de machines non équipées.
« Un point pour vous. » lança t-il.
Taizhong rangea son arme, immédiatement imité par les membres de l'expédition. Le roi retrouva des couleurs et reprit la parole en direction de ses dignitaires :
« Excusez nos amis Terriens, ils sont dépaysés et réagissent farouchement, mais ils ne sont pas mauvais. Bien, préparez vous au décollage !
-Réacteurs prêts, Majesté.
-Bien, bien ! Je tourne la clé, et c'est parti ! »
Le sol se mit alors à trembler, et les Terriens eurent la même sensation que dans un ascenseur. Un choc fit trembler les gens, puis plus rien.
« Altitude : 300 mètres au dessus de la surface, Majesté.
-Ouvrez tout je vous prie ! »
Le plafond fit dès lors le tour de la pièce pour se retrouver sous le plancher, laissant apparaître une immense vitre, transformant la pièce en une bulle flottante. Ils étaient en vol stationnaire et on distinguait d'ici le campement Terrien. La Terre, d'un brun repoussant, attira les regards de ses habitants. Ils se rapprochèrent tous de la vitre, l'air grave. La plupart n'avait pas encore pris le temps de s'attarder sur cette sinistre vue depuis leur arrivée. L'hôte se plaça devant eux et reprit la parole.
« Chers amis, chers Terriens. Laissez-moi enfin me présenter plus convenablement : on me nomme le Grand Kanonmar. Je suis monarque de droit du sang sur cette planète depuis exactement 47 ans. Le gouverneur vous a expliqué rapidement notre planète, enfin je pense, du moins je l'espère, mais ce qu'il ne vous a pas expliqué, c'est pourquoi nous vous attendions. Mes explications seront peut-être un peu confuses, peu claires, voire même compliquées, mais n'ayez crainte, tout va s'éclaircir ! Pour commencer, veuillez vous concentrer sur cette carte. »
Sur une grande table au centre de la pièce, quatre machines vinrent déposer un socle circulaire, surmonté d'un tube vertical. Lorsque les serviteurs s'éloignèrent, leur maître réutilisa sa carte pour faire fonctionner l'engin. Le sommet s'illumina alors de bleu, et un trait de lumière s'éleva jusqu'au plafond translucide. Puis, un autre trait se mit à jaillir de ce trait principal. Un second, puis des dizaines et enfin une multitude de traits bleus couraient dans tous les recoins de la bulle. Les jets de lumière filaient avec vitesse, opéraient des virages serrés et lorsque deux traits se croisaient, une boule plus ou moins grosse se formait, et celles-ci finir par apparaître en nombre. Ce qui ressemblait à une addition chaotique finissait par se transformer en un système tout à fait ordonné. Le roi reprit ensuite la parole.
« Ce que vous voyez se former devant vous est une carte, une carte de la galaxie. L'énorme sphère au centre représente le Système Central : c'est le plus ancien et le plus sacré de tous les sanctuaires. Personne n'y a jamais mis les pieds et personne n'y oserait, tant ce serait sacrilège. Autour de lui, trois grands satellites qui faisaient jadis partie de la surface se sont détachés : nous les nommons N-1, N-2 et N-3. Leur caractère les rend presque aussi importants que le système d'origine, mais quelques rares personnes sont autorisées à rendre visite aux gardiens des sanctuaires. Bref ! Cet ensemble primordial est regroupé sous le nom de Noyau. Puis viennent les mondes du Foyer. Vous pouvez observer ici cinq systèmes différents : dans l'ordre, Namaria, Zavodar, Orthor, Kolbarba et Vexamans.
-Attendez, attendez, stop, s'exclama le colonel suivi par la troupe. Qu'est-ce que c'est que cette carte ? De quels systèmes et de quelles planètes parlez-vous ? Qu'est-ce que vous êtes en train de nous raconter ?
-Oh mais oui, pardonnez moi, j'ai oublié le principal, le plus amusant. Ecoutez moi bien : oubliez votre galaxie, vos études de l'espace, du cosmos, oubliez les découvertes que vous avez cru faire durant des siècles, car tout est faux ! »
Les yeux du souverain pétillaient et il trépignait d'excitation. Les dignitaires qui était méfiants ou apeurés au début arboraient maintenant un large sourire. Cela n'était évidemment pas le cas pour les terriens dont certains commençaient à chuchoter entre eux avec mépris. Les officiers se rapprochèrent du colonel, comme pour manifester leur soutien envers lui. Taizhong respira un grand coup, plissa les yeux et ordonna froidement :
« Expliquez-vous, clairement et directement.
-Tout ce que les Terriens ont vu dans l'espace depuis des siècles est faux, hormis ce système solaire. La Lune, Mars, Jupiter, tout cela existe, mais au-delà, plus rien. Tout est fictif !
-Vous racontez n'importe quoi. Faites nous descendre, j'en ai assez entendu.
-Mais non, enfin, quand je vous demande de me laisser vous expliquer... Il y a plusieurs milliers d'années, les peuples galactiques ont découvert l'existence de la Terre et de ses habitants. Vous étiez bien sûr considérés comme une sous-espèce de par votre manque de développement et surtout d'unité. Mais, votre ressemblance en tous points avec mon peuple martien a suscité la curiosité chez les scientifiques, les biologistes, tout le monde ! Il a donc été décidé que votre peuple ne devait pas être confronté trop tôt au reste de la galaxie. Pour cela, il a été isolé.
-Isolé ? Le peuple Terrien et sa planète ?
-Précisément. Une multitude de satellites a été disposée partout autour de votre système solaire, afin de... projeter un univers !
-On ne peut pas projeter un univers !, protesta la lieutenante Federico.
-Bien sûr que si car la preuve en est faite, répondit le roi en haussant les épaules. Bon, cela a mis beaucoup de temps avant d'être mis au point, mais ça marche depuis tout ce temps. Et vous n'êtes pas les seuls à qui nous l'ayons fait. C'est comme si lorsque vous regardiez l'espace, vous pouviez voir votre système solaire mais qu'au delà, ce n'était que des images de synthèse. Je sais que c'est un peu étrange de se dire cela, mais vous vous y ferez très rapidement, j'en suis certain. Donc voilà la vraie carte de la galaxie !
-Je ne vous crois toujours pas. Vous me dites que tous ces points sont des systèmes différents ? Réellement ? Habités ou non ?
-Laissez moi le temps de vous expliquer ! Je vais vous en parler dès maintenant. Chaque système possède au moins une planète principale et en porte le nom. Le premier système est Namaria. C'est ce qui ressemble le plus à la Terre dans notre galaxie. Elle possède une faune et une flore très variées mais est inhabitée. »
Tandis que le roi Kanonmar détaillait la planète, une vue de celle-ci s'affichait au centre de la pièce grâce au projecteur installé plus tôt. Même s'il n'y avait que des nuances de la même couleur, on distinguait aisément de grandes mers et un environnement assez classique. Malgré l'incompréhension et les doutes des terriens, ceux-ci ne purent s'empêcher de la contempler avec envie. Le lieutenant Henri s'avança :
« Nous appelons cela une exo-planète. Celle-ci pourrait éventuellement abriter la vie. Elle est vierge d'occupation ?
-Totalement, mais nous en parlerons plus tard. Le deuxième système est Zavodar. C'est un des mondes les plus industrialisés et il est peuplé par les Zévoskys : ils axent toutes leurs compétences sur le progrès technologique. Oh, deux remarques sur eux. La première est qu'ils sont ce que vous appelez chez vous des aliens. Et la seconde, c'est qu'ils se sont améliorés au fil du temps. »
Tandis que le roi continuait de parler avec passion et que ses semblables l'écoutaient avec attention, le colonel se retourna vers ses officiers et leur demanda conseil. Les élucubrations de prétendus aliens -bien que leur ressemblant- troublaient totalement la mission et la vision qu'ils se faisaient de leur environnement. Si Henri confessait ne pas comprendre, il recommandait d'écouter jusqu'au bout. Federico plaidait quant à elle pour utiliser la manière forte et obtenir des aveux honnêtes sur ce qui se passait. Le capitaine Tenson, en revanche, continuait d'écouter le roi. Lorsque le colonel s'adressa directement à lui, il répondit simplement "Jouez le jeu". Le colonel décida donc de faire comme s'il croyait sans souci aux affirmations du martien.
« Vous parliez à l'instant de peuple amélioré, qu'entendez-vous par là ?
-Ah, vous êtes plus attentif que vous ne voulez le montrer ! Rien de bien méchant, mais quelques membres électroniques, deux ou trois puces cérébrales, ce genre d'améliorations.
-Des cyborgs ?
-Peut-être oui. Des aliens cyborgs si vous voulez, fous d'industrie et de recherche. Pas la peine de vous les décrire physiquement, vous saurez les reconnaître. Aux suivants ! Orthor est recouverte de deux types de terrains : soit des vallées désertiques, soit des vallées volcaniques. Ce n'est déjà pas une planète accueillante, mais ses habitants n'arrangent rien. Les Catysmopes sont assez bellicistes et basent la culture sur la guerre, l'honneur, le sang et caetera, ils sont très ennuyants. Et ce n'est pas leur ouverture d'esprit qui va compenser ce penchant de leur personnalité.
-Et que passerait t-il si nous venions à en rencontrer ?
-Lorsque l'on a découvert la Terre, les Catysmopes ont proposé l'envoi de missions colonisatrices. Ils voulaient à la fois posséder vos ressources et vos aïeuls.
-Oh. Je vois.
-A éviter le plus longtemps possible. Mais trêve de gens peu sympathiques ! Penchons nous désormais sur les Kolbarba. Du système de Kolbarba. Dirigés par le Sublime Descendant de Kolbarba. Le seul conseil que je peux vous donner, c'est de respecter ce nom en leur présence. Mais pas d'inquiétude, ce qui fait la force et la beauté de ce peuple, c'est son attrait pour l'art. La planète entière est tant un lieu d'exposition que de création. Art pictural, littéraire, musical, architectural, tout est profondément marqué. Il paraît que même leur façon de cuisiner est artistique, mais je n'ai jamais compris ce que ça voulait dire.
-Je vous remercie sincèrement pour vos explications, Grand Kanonmar, mais tout cela fait énormément d'informations pour nous, en très peu de temps. Je ne sais pas quoi penser. Je n'ai pas bien compris ce que tout cela signifie et il va être dur de nous présenter toute une galaxie. Nous n'avons pas même commencé la mission pour laquelle nous avons été envoyés.
-Oh, vous ne voulez déjà plus écouter ? Si vous vouliez bien me faire plaisir, pourriez-vous me laisser évoquer le dernier système du Foyer ? Ce sera très court.
-Seulement le dernier, si vous y tenez tant, répondit le colonel avec un faux sourire.
-Ah, vous m'en voyez ravi ! Habitée depuis quelques siècles seulement par les Vexamans exilés de leur planète détruite, Upton s'est rapidement imposée comme la place financière, boursière, banquière dans toute la galaxie. C'est le centre principal de tous les échanges monétaires, et n'importe quel personnage illustre se doit d'y posséder des intérêts, voire des biens. Moi-même... Enfin, ce n'est pas le sujet. Voilà, rien de plus !
-Je vous remercie encore une fois. Je crains que nous ne devions repartir à notre campement. Nous devons faire un rapport complet de ce que nous avons vu et entendu grâce à vous tous.
-Je peux parfaitement comprendre. J'étais si enthousiaste de vous expliquer tout cela, alors si vous avez la moindre question, revenez sans souci. Oh, je vais mettre à disposition des transports, ce sera plus pratique pour vous. Peut-être avez vous besoin d'autre chose ?
-Juste d'une réponse à vrai dire. Pourquoi la pesanteur et l'atmosphère sont identiques ?
-Oh, voilà que vous m'embarrassez. Les deux satellites de Mars sont en panne, ce sont eux qui créent des conditions défavorables pour les non Martiens. J'avais bien dit qu'il fallait les remettre en état plus rapidement. Désolé de cette surprise ! »
Interloqués par ces dernières phrases mais remerciant le souverain Martien, les terriens remercièrent également les autres dignitaires qui n'avaient fait que murmurer depuis le début. Mais leur attitude et leurs visages semblaient amicaux et bienveillants, alors tout le monde accepta qu'il n'y avait pas besoin de se méfier outre mesure. Le colonel libéra en gage de bonne foi le gouverneur avant de repartir. Les membres de l'expédition Columbus s'installèrent dans les transports appelés par Kanonmar. Taizhong réfléchissait déjà à comment allait-il bien pouvoir expliquer à ses supérieurs que la galaxie pouvait être différente, peuplée et qu'ils avaient été accueillis par des humains qui pouvaient être des martiens.
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