Prologue
Navette scientifique, Vangelis II,
Hors de la Confédération Astrale des Nation Unis
Cela faisait des mois que la navette spatiale Vangelis II avait quitté la planète Proxima B du système Alpha Cantauri pour se rendre dans une zone encore inexplorée. Ni la Confédération Astrale des Nations Unies ni les autres groupements et espèces galactiques n’avaient pu tout visiter ! L’univers était si vaste et complexe qu’il était impossible d’en connaître tous les aspects et encore moins de tout explorer. Dans la noirceur opaque et glaciale de l’espace, voyageait une dizaine d’âmes désireuses de percer les secrets de l’univers.
La mission Explora Nova avait pour but de trouver de nouvelles régions dans l’univers et d’en apprendre davantage sur son fonctionnement. Depuis que l’homme a quitté la Terre, toutes les plus grandes nations se sont unies dans un même objectif : partir à la découverte de l’espace et prospérer dans la paix. Régulièrement, des missions telles qu’Explora Nova sont développées et mises en œuvre afin de faire avancer la science, la technologie et les relations entre nations. Certaines sont purement exploratoires, visant à trouver de nouvelles planètes habitables, tandis que d’autres cherchent de nouvelles ressources et des réponses scientifiques. Explora Nova en faisait partie. Elle avait été pensée et orchestrée par un éminent chercheur, le docteur Albert E. Winkos.
Il faisait partie du centre de recherche astral Terra Centauri basé dans une station spatiale aux abords de la planète. Sa mission était de rassembler le plus d’informations possible sur l’univers, de l’explorer et de rapporter un maximum de ressources utilisables. Comme beaucoup de personnes originaires de la Terre, il avait été mis en cryostase avant son départ pour un voyage de plusieurs millions d’années-lumière afin de trouver une nouvelle maison. L’opération Genesis visait à regrouper les personnes les plus brillantes et dotées de capacités uniques pouvant servir cette incroyable expédition.
Quand Albert quitta la Terre, il n’avait que vingt ans. À peine diplômé en astrophysique appliquée et en étude des minerais, il s’envola avec d’autres hommes et femmes pour la galaxie Alpha Centauri. Aux yeux du monde, ils étaient tous l’avenir de l’humanité, l’espoir d’un renouveau, d’une renaissance dans un nouveau monde.
Quelques années plus tard, avec plus d’expérience, Albert parcourait l’univers en quête de nouvelles civilisations, technologies et matières premières. Même si le temps passait plus vite, il avait conscience qu’il n’avait pas assez de temps pour tout explorer. Âgé de trente ans en âge terrestre, il avait en réalité plus de neuf cents ans et pourtant, quand il se regardait dans son écran de bord, il paraissait bien trente ans.
— Ici le docteur Albert Winkos. Nous approchons de notre destination après une longue période de cryostase. Mon équipe et moi avons été réveillés depuis maintenant une semaine. Nous menons des études sur l’environnement qui nous entoure, et qui semble différent de ce que nous connaissons à ce jour. Les relevés indiquent une forte activité magnétique et un taux de radiation vertigineux. En outre, je note également des hausses et des baisses de températures anormales. Le baromètre indique en une minute cinq cent cinquante degrés et quelques minutes après, moins deux cents. Je n’ai jamais vu ça avant ! Il faudrait envoyer une sonde pour faire des relevés plus détaillés.
— Albert, tu devrais venir avec nous dans la salle de réception pour fêter notre réveil et notre arrivée imminente à destination sans encombre ! déclara Vladimir Brown, spécialiste en chimie.
— Je termine mon rapport et j’arrive, prépare-moi une coupe ! rétorqua Albert, concentré sur son enregistrement.
Tous les jours, chaque passager devait effectuer un rapport vidéo sur la situation de leur voyage et de leurs recherches, à envoyer à la station.
— Attends, Vladimir, regarde ces relevés ! C’est étrange, tu ne trouves pas ? interrogea Albert en montrant un autre écran à son collègue.
De nombreux graphiques et courbes mesuraient et analysaient l’espace et la matière invisible qui les entouraient.
— Tu vois là, montra Albert du doigt une fine courbe rouge sur l‘écran, « c’est la matière présente dans l’espace. Mais c’est vague, et cet écran permet de séparer les matières. Je peux donc savoir ce qu’il y a à l’extérieur.
— Super, j’adore ton cours sur les écrans, mais que dois-je voir, Albert ? rétorqua Vladimir, impatient.
— Regarde ces relevés ! On dirait des cristaux, et ils constituent 80 % de la matière détectée. C'est du jamais vu ! Selon les courbes et les données, nous fonçons droit vers un amas gigantesque de cristaux !
— L’ami, il faut arrêter la cryostase, ça ne te réussit pas ! Il n’y a rien devant nous ! Regarde l’écran principal : devant nous, il n’y a que l’obscurité, le vide.
— Pourtant, c’est clair, on fonce vers un amas de cristaux et c’est du solide !
Au même moment, la navette fut plongée dans l’obscurité, seules les lumières de sécurité éclairaient le bâtiment. Les moteurs furent automatiquement immobilisés sans aucune intervention humaine. L’alarme générale rugissait dans toute la navette qui flottait dans l’espace, perdue à des années-lumière d’Alpha Centauri. Des cris se firent entendre de part et d’autre de l’appareil en perdition.
*
Les heures passaient et plus personne n’avait de nouvelles de Vangelis II. Au milieu de nulle part, la navette dérivait dans un champ de cristaux noirs, brillants comme s’ils étaient recouverts de paillettes. Chaque cristal devait faire des kilomètres de diamètre, certains s’entremêlaient, formant des sculptures géométriques. De l’extérieur, on n’entendait pas les cris désespérés de l’équipage. Il y avait seulement des traînées de sang sur les vitres, à peine éclairées par les LED rouges de sécurité.
Après un long moment, les cris s’estompèrent, ne laissant qu’un pesant silence, oppressant et macabre. Les murs étaient recouverts de sang, des corps éparpillés un peu partout dans le vaisseau. Les caméras de surveillance avaient été débranchées, les portes menant aux capsules de secours bloquées. Il était évident qu’il s’agissait d’un sabotage, d’un acte délibéré.
Enfermé dans la salle des commandes, Albert, maculé de sang, se recroquevillait dans un coin de la pièce, affolé. Il tenait une tablette, caméra activée. Il enregistrait un message pour la station en espérant être entendu.
— Ici Albert Winkos, je me trouve dans la navette scientifique Vangelis II en destination de XV384 Onixis pour une exploration. Nous sommes tombés sur un amas de cristaux gigantesques. Matière inconnue, position inconnue également, rien ne s’affiche sur les écrans. J’ai perdu connaissance et mon dieu… (Des larmes coulaient sur ses joues blafardes) Je crois que je les ai…
Albert, le visage et les mains en sang, tremblait de tous ses membres sous le choc. Il tentait de reconstituer ce qui venait de se passer dans sa tête. Il avait des bribes de souvenirs, lointains, diffus. Il se voyait courir, couvert de sang. Il entendait les cris de ses collègues cherchant à fuir. À mesure qu’il tentait de se souvenir, les images devenaient de plus en plus précises. Il se vit alors donner des coups de ciseaux à Vladimir, étendu au sol dans une mare de sang. De retour à la réalité, Albert, sous la violence du souvenir, vomit le peu qu’il avait dans l’estomac, horrifié par ce qu’il semblait avoir fait.
— J’ai une perte de mémoire de quelques heures et je crois que… J’ai tué tout l’équipage ! déclara-t-il en pleurant. Je n’ai pas eu le choix, ça me l’a dicté, je l’entendais dans ma tête.
En se relevant d’un bond, Albert changea de visage. Il était sans expression, le regard vitreux, comme métamorphosé. Il tenait dans une de ses mains l’arme du crime ensanglantée.
— Je les ai tous tués, mais je n’avais pas le choix, il est là ! Il est partout ! Il ne faut pas aller dans les constellations noires ! Arrêtez tout ! Ne cherchez pas à explorer ! Il faut y mettre un terme !
Sans rien ajouter, Albert se planta les ciseaux dans le cou et s’effondra au sol en se vidant de son sang. La navette en perdition flottait dans l’espace, entourée d’immenses cristaux noirs à des milliers d’années-lumière de toute forme de vie.
Personne pour venir en aide.
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