chapitre 2 Dérive et singularité

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Espace, lieu inconnu

Cela faisait des mois qu’Artémis Fitzgerald errait dans les méandres de l’espace sans savoir où elle allait. Elle était en sommeil cryogénique, elle n’avait plus le contrôle du vaisseau spatial ni de sa destination. Elle pouvait être en perdition sans le savoir et se réveiller sans possibilité de revenir à son point d’origine. L’immensité froide et obscure l’entourait. Aucun retour n’était envisageable ; elle ne pouvait que continuer, vers l’inconnu, vers un monde qu’elle n’avait jamais vu. Bien que son véhicule spatial puisse errer pendant un temps indéfini, son oxygène était limité.

Quelques mois s’étaient écoulés depuis son départ de la Terre pour retrouver la trace de son père, disparu en 2001. William, son père, était parti dans l’espace des années plus tôt sans jamais revenir. Artémis avait passé son adolescence avec ses grands-parents, espérant toujours le revoir, mais en vain. Un jour, alors qu’elle travaillait au CNES, son équipe capta un message provenant des confins de l’espace. Ce message avait été envoyé en 2001, l’année de la disparition de William. Artémis comprit, ou du moins espérait, qu’il s’agissait de son père tentant de reprendre contact. Elle décida alors de partir retrouver l’origine du message, espérant retrouver l'appareil de son père.

Sans réfléchir aux risques, Artémis prit un engin et s’élança dans les ténèbres spatiales. Elle quitta sans hésiter sa maison, sa famille du moins, ce qu’il en restait et ses amis, dans l’espoir de retrouver son père. Par chance, elle avait assez de ressources et d’oxygène pour survivre des années dans l’immensité. Mais un jour, elle manquerait de tout, et cela pourrait lui coûter la vie. Tout comme son père, Artémis était déterminée et extrêmement intelligente. À 20 ans, elle était l’une des plus jeunes chercheuses du CNES, consacrant sa vie à la science et à la recherche. Depuis son enfance, elle rêvait d’aller dans l’espace, de découvrir des mondes inconnus. Mais une fois confrontée à l’immensité des ténèbres, tout était différent. Les premiers mois, elle nota chaque donnée pour les analyser une fois rentrée sur Terre avec son équipe. Elle prit aussi des photos des étoiles et planètes aperçues. Cependant, aucun signal de son père ne parvint à elle ; plus le temps passait, plus l’espoir de le retrouver et de rentrer s’amenuisait. Avant de se mettre en animation suspendue, elle enregistra un message dans l’espoir qu’il soit reçu.

« Ici Artémis Fitzgerald. Cela fait quelques mois que j’ai quitté la Terre pour retrouver mon père. Mon équipe et moi avons intercepté un message envoyé des années plus tôt par William Fitzgerald, mon père. Malheureusement, ce message est incomplet et de mauvaise qualité. J’ai décidé de suivre son origine dans l’espoir de le retrouver. Je sais que partir seule, sans aide, était imprudent, mais je devais essayer. Même si les chances sont minces, je devais tenter, pour lui, pour moi. Si quelqu’un reçoit ce message, je suis en cryo-sommeil. J’ai programmé les coordonnées de la Terre, mais je ne sais pas si je parviendrai à destination. J’ai activé ma balise, vous pourrez me localiser. Fin de transmission, Artémis terminée. »

Les semaines devinrent des mois, puis des années. Personne ne vint la chercher. Les cadrans restaient en veille ; seul celui du poste de pilotage était allumé. Malheureusement, il n’indiquait pas la Terre comme destination. Alors qu’elle dormait toujours, elle dérivait dans les ténèbres, inconsciente qu’elle ne reviendrait jamais chez elle.

Par chance, elle avait laissé les caméras et appareils photos en fonction ; chaque image était stockée sur un cloud pouvant contenir des millions de données. L'aéronef approchait de Saturne, et Artémis ratait ce spectacle incroyable. Les anneaux de glace s’étendaient devant elle. Par le hublot, on aurait dit qu’ils étaient à quelques centimètres de distance. Ces anneaux, gigantesques et mortels pour quiconque tenterait de les approcher, créaient un spectacle féerique. Personne n’était jamais allé aussi près de cette géante gazeuse. Et pourtant, Artémis l’avait fait, sans le voir.

Plus loin, une masse noire et compacte se dressait dans l’immensité. Ce n’était ni une planète, ni un satellite, ni un trou noir. Ce qui était sûr, c’est que la capsule se dirigeait droit dessus. À mesure qu’elle se rapprochait, la gravité augmentait. Comme elle était attirée inexorablement vers cet amas d’énergie, les caméras captaient chaque image. Quand elle arriva à quelques centimètres de cette boule noire, tout le module s’illumina. Une alarme retentit, et le caisson de stase s’ouvrit, libérant Artémis de son sommeil artificiel.

*

Alors qu'elle était plongée dans un profond sommeil, des bruits stridents la firent tressaillir. L'état d'hibernation la tenait prisonnière, son corps complètement paralysé. Elle ne pouvait que ressentir des soubresauts, des spasmes musculaires. Elle savait que la sortie du sommeil cryogénique pouvait être difficile, mais pas à ce point. Elle était tremblante et luttait contre la douleur et le froid. Sa vision était floue, son ouïe déformée; seuls des échos lui parvenaient, alors que l’alarme retentissait juste au-dessus d’elle. Une voix féminine, celle de l’assistance de navigation, hurlait dans les haut-parleurs pour l’aider à gérer la situation.

« Nous entrons dans un trou de ver. Les chances de survie sont faibles. Si possible, changez de cap. »

— Merci du conseil ! tenta de répondre Artémis, encore crispée.

Peu à peu, elle retrouvait la sensation de son corps. Elle essaya de se relever, mais ses jambes semblaient faites de plomb. Elle devait agir rapidement avant d’être aspirée dans l’inconnu. Même si elle connaissait la théorie des trous de ver, la vivre était bien différent. « Le trou de ver est un raccourci vers une autre partie de l’univers, un pont entre deux espaces », pensa-t-elle pour se rassurer, bien que la situation paraisse hors de contrôle.

« Entrée dans trente secondes », annonça la voix encore une fois.

— J’ai horreur des IA, lâcha Artémis en s’efforçant de se redresser.

Elle progressait lentement, son corps était encore engourdi par la cryostase. À chaque pas, elle manquait de chuter, mais finit par atteindre le poste de commande.

« Il est trop tard, Artémis », lança l’IA d’une voix presque empathique.

Le vaisseau tremblait de partout. Les commandes ne répondaient plus. Comme elle était aspirée par le trou de ver, elle se voyait entraînée dans un tourbillon de matière. Dans la cabine, chaque impact contre la coque résonnait avec violence. L’IA continuait de rappeler que l’intégrité du véhicule était compromise. Sans prêter attention, Artémis ordonna à l’IA d’enregistrer toutes les données.

Des éclairs déchiraient l’obscurité totale, des rayons de lumière jaillissaient alors qu’elle s’enfonçait plus profondément. Les impacts devenaient de plus en plus violents, et la vitesse atteignait des sommets. Elle se sentait aspirée, les entrailles retournées, luttant contre la douleur. La vitesse, les secousses, tout cela finit par la faire sombrer dans l’inconscience.

Enfin, le calme se fit.

L'appareil flottait dans le vide, plongée dans l’obscurité. Sur le tableau de commande, un mot apparut : Système Alpha Centauri.

*

Alors qu'elle était plongée dans un profond sommeil, des bruits stridents la firent tressaillir. L'état d'hibernation la tenait prisonnière, son corps complètement paralysé. Elle ne pouvait que ressentir des soubresauts, des spasmes musculaires. Elle savait que la sortie du sommeil cryogénique pouvait être difficile, mais pas à ce point. Elle était tremblante et luttait contre la douleur et le froid. Sa vision était floue, son ouïe déformée; seuls des échos lui parvenaient, alors que l’alarme retentissait juste au-dessus d’elle. Une voix féminine, celle de l’assistance de navigation, hurlait dans les haut-parleurs pour l’aider à gérer la situation.

« Nous entrons dans un trou de ver. Les chances de survie sont faibles. Si possible, changez de cap. »

— Merci du conseil ! tenta de répondre Artémis, encore crispée.

Peu à peu, elle retrouvait la sensation de son corps. Elle essaya de se relever, mais ses jambes semblaient faites de plomb. Elle devait agir rapidement avant d’être aspirée dans l’inconnu. Même si elle connaissait la théorie des trous de ver, la vivre était bien différent. « Le trou de ver est un raccourci vers une autre partie de l’univers, un pont entre deux espaces », pensa-t-elle pour se rassurer, bien que la situation paraisse hors de contrôle.

« Entrée dans trente secondes », annonça la voix encore une fois.

— J’ai horreur des IA, lâcha Artémis en s’efforçant de se redresser.

Elle progressait lentement, son corps était encore engourdi par la cryostase. À chaque pas, elle manquait de chuter, mais finit par atteindre le poste de commande.

« Il est trop tard, Artémis », lança l’IA d’une voix presque empathique.

Le vaisseau tremblait de partout. Les commandes ne répondaient plus. Comme elle était aspirée par le trou de ver, elle se voyait entraînée dans un tourbillon de matière. Dans la cabine, chaque impact contre la coque résonnait avec violence. L’IA continuait de rappeler que l’intégrité du véhicule était compromise. Sans prêter attention, Artémis ordonna à l’IA d’enregistrer toutes les données.

Des éclairs déchiraient l’obscurité totale, des rayons de lumière jaillissaient alors qu’elle s’enfonçait plus profondément. Les impacts devenaient de plus en plus violents, et la vitesse atteignait des sommets. Elle se sentait aspirée, les entrailles retournées, luttant contre la douleur. La vitesse, les secousses, tout cela finit par la faire sombrer dans l’inconscience.

Enfin, le calme se fit.

L'appareil flottait dans le vide, plongée dans l’obscurité. Sur le tableau de commande, un mot apparut : Système Alpha Centauri.

Une lumière aveuglante me submergea, accompagnée d'une alarme stridente qui résonnait sans répit. Le son bourdonnait dans mes oreilles et un sifflement intense martelait mon crâne. Des flashs lumineux heurtaient mon esprit et, prise d'un violent mal de tête, je tentais de me relever en m'accrochant fermement à mon fauteuil. Quelques secondes plus tard, je vomis, sous le choc du réveil et du traumatisme que je venais de subir. Les lumières de sécurité, qui clignotaient dans toute la capsule, créaient une ambiance lourde et sinistre. Mon cœur battait à tout rompre, mon estomac se tordait et de grosses gouttes de sueur coulaient de mon front. Je n'arrivais pas à m'orienter. Ma vue, brouillée par le manque de lumière, m'empêchait de voir clairement. Morte d'inquiétude, je sentais la panique s'emparer de moi à mesure que l'alarme hurlait dans le vaisseau.

— Que s'est-il passé ? Où suis-je ? dis-je, affolée, en cherchant mes repères.

Une voix robotique résonna, ce qui me fit sursauter et presque tomber.

— Qui me parle ? hurlai-je, seule dans la cabine.

Je regardai autour de moi, mais il n'y avait personne. Je fouillai les autres compartiments, mais il n'y avait aucune autre présence vivante que la mienne.

— Je suis Ava, intelligence artificielle. Je suis votre assistante de navigation et votre amie, ici pour vous aider dans vos missions. Vous avez traversé un trou de ver et vous êtes évanouie pendant un long moment. Je vous avais conseillé de faire demi-tour, mais je dois reconnaître que votre exploit mérite d'être salué !

Tant de questions me traversaient l'esprit : pourquoi étais-je dans un véhicule spatial ? Pourquoi avais-je traversé un trou de ver ? Et où étais-je ? Mon mal de tête s'intensifiait, la lumière des panneaux de sécurité m'éblouissait et la lumière extérieure accentuait cette sensation de douleur.

— C'est quoi, cette lumière dehors ? demandai-je, confuse, le corps endolori et la vue encore trouble.

— Il semble que ce soit un soleil, plus massif et puissant que celui de votre système. Cela pourrait expliquer votre mal de tête et la modification de votre vision. Je vais teinter les vitres pour atténuer la lumière.

Désorientée, je fouillais dans mes souvenirs pour comprendre ma présence ici. Mais mon dernier souvenir me paraissait si lointain... C'était impossible ! J'avais perdu une partie de ma mémoire, mais comment ? Cela devait être dû au choc, pensais-je pour tenter de me rassurer.

— Qu'est-ce qui se passe, bordel ? criai-je à l'IA.

— Vous êtes sortie de cryo-sommeil il y a quelques heures et vous avez traversé un trou de ver. Félicitations ! Vous êtes la deuxième humaine à réussir cet exploit sans mourir ! Je vais l'inscrire dans le journal de bord, annonça la voix avec une certaine fierté, comme si j'avais réalisé un exploit extraordinaire.

— Je sais que je sors de l'animation suspendue. Je reconnais les symptômes...

En prononçant ces mots, je me figeai un instant: comment pouvais-je savoir cela, alors que je n'avais jamais pris place dans un engin spatial auparavant et que je n'avais fait aucune étude dans ce domaine ? Tout se mélangeait dans ma tête. Je ne savais plus qui j'étais. Si je me fiais à mes souvenirs, j'étais encore au lycée. La situation devenait frustrante et effrayante. Je sentais que mon identité s'effritait. Cependant, une photo de mon père fit naître un sourire sur mes lèvres. Je ne l'avais pas oublié ! Mais il semblait que la moitié de ma vie s'était effacée. En me regardant dans le miroir, je voyais une femme de trente ans. Pourtant, la dernière fois que j'étais au lycée, je n'avais que dix-huit ans ! Et j'avais les cheveux courts à l'époque. Maintenant, de longues boucles rousses descendaient sur ma nuque. J'avais toujours ce teint pâle parsemé de taches de rousseur. Ma taille n'avait pas changé : je mesurais toujours un mètre soixante-dix. Je me souvenais avoir rêvé de correspondre aux modèles que je voyais dans les magazines, mais la nature en avait décidé autrement. J'ai toujours su que je ne brillerais pas par mon physique, mais par mon esprit.

William, mon père, était un chercheur reconnu au CNES, où il menait des études sur l'univers. Enfant, j'étais fascinée par ses histoires d'exoplanètes et de trous noirs. Quant à ma mère, elle nous avait quittés quand je n'avais pas dix ans. William ne m'avait jamais donné toutes les explications, mais, avec le temps, j'avais compris qu'elle ne supportait plus l'absence de mon père, toujours pris par ses recherches. Je l'accompagnais souvent à ses conférences et nous pouvions parler des heures de science. Il était non seulement brillant, mais aussi généreux et humble, ce qui faisait de lui un modèle pour moi.

Depuis toute petite, je rêvais de suivre ses traces. Mais il avait disparu lors d'une mission en 1994, me laissant seule. Je savais que son départ représentait quelque chose de grand pour l'humanité, mais je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il m'avait abandonnée. Je ne comprenais pas comment un homme si rationnel avait pu disparaître sans laisser de trace. Je devais trouver des réponses.

— Ava, pourquoi ai-je gardé certains souvenirs et pas d'autres ? demandai-je en fixant l'horizon obscur.

— C'est une question fascinante ! Le cerveau est très complexe. Il ne choisit pas arbitrairement de supprimer ou de conserver des souvenirs. Cela peut être dû à un bug, comme une défaillance dans votre matrice interne. Chez les humains, ce genre de phénomène est imprévisible.

Même si j'avais perdu une partie de mes souvenirs, je savais que je n'aimais pas les IA. Je les trouvais trop froides, dénuées d'humanité. Dérivant dans l'inconnu, je tentais de comprendre pourquoi j'étais là et ce que je faisais dans ce vaisseau. Certaines questions trouvaient des réponses évidentes, comme mon intérêt pour la science, hérité de mon père. Pour le reste, j'essayais de combler les vides.

— Ava, pourquoi ai-je quitté la Terre ? Et que fais-je ici, perdue dans l'espace ?

— Concernant votre départ, vous ne m'avez rien dit... Vous auriez dû ! Quant à votre présence ici, c'est le trou de ver qui vous a menée jusqu'à ce système. Nous sommes maintenant dans Alpha Centauri. La planète la plus proche est Centauri A, mais elle est inhabitable. La seule potentiellement viable est Proxima B, mais...

Ava s'interrompit brusquement, son ton changea, devenant plus grave.

— Mais quoi, Ava ? Dis-moi !

— Je crains que la réponse ne vous plaise pas.

— Je vais mourir, c'est ça ? lançai-je, agacée.

— Selon mes calculs, vous manquerez de vivres, de carburant et surtout d'oxygène avant d'atteindre Proxima B. De plus, je ne peux pas confirmer si cette exoplanète est habitable. Veuillez m'excuser.

J'en avais assez des mauvaises nouvelles. Je consultai les écrans et constatai qu'Ava disait vrai. Mes ressources étaient limitées et le temps jouait contre moi. Je devais analyser l'appareil et voir si une solution était envisageable.

— Ava, connecte-toi à tous les systèmes et fais-moi un rapport complet, ordonnai-je d'un ton ferme.

— Vous auriez besoin de réconfort plutôt que de mauvaises nouvelles, répondit-elle calmement.

— Une mauvaise nouvelle de plus ne changera pas grand-chose à ce stade.

Les minutes passaient et je continuais à inspecter la capsule. Finalement, Ava parla d'une voix grave:

— Première analyse : niveau d'oxygène à 20 %. État critique.

Cette nouvelle me frappa comme un coup de poing. Abasourdie, je m'effondrai, consciente que mes chances de survie venaient de chuter drastiquement. Mon corps tout entier tremblait, tandis que j'attendais la suite du rapport, redoutant encore pire.

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