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Jean

Aucune action ne put se soustraire à notre vision. La scène sous nos yeux était si claire, tellement limpide qu'elle avait quelque chose de fantastique. Insolente même. Le tableau des événements qui se dressait au bord du lac défiait nos cauchemars les plus tristes. Cette chose, elle se tenait au vu de tous, aberrante de réalité, monstre dont les pupilles grises bordées de cils de poupée me fixaient, tandis qu'elle transperçait le cœur de mon père de ses branches.
J'entendis un son strident plein de désespoir. Je ne su à quel instant je le poussais. Comme pris de remords par leur forfait, les branches qui transperçaient papa se rétractèrent se transformant en bras d'humain. La chose prit l'apparence d'une adolescente puis s'en alla en courant. Nous nous précipitâmes tous vers papa. Lohans, qui fut le premier, à ses côtés, le prit dans ses bras. Du sang partout. Sa chemise en était trempée. Il avait du mal à respirer, s'étouffait, crachait du sang à chaque fois qu'il tentait de parler. Il prononçait inlassablement le même mot, Marie. Ce fut son dernier mot. Papa s'éteignit dans les bras de mon petit frère de treize ans.
Par la suite, tout devint flou. Entre les cris, de la foule et les miens, j'entendais tout en sourdine. Eloh qui poursuivait la créature. D'autres créatures semblables attaquaient les gens dans le tas. Lohans tentant de me mettre debout, psalmodiant qu'il fallait s'en aller d'ici, que nous devions retrouver Eloh et maman, qu'il nous fallait laisser papa. Comme un robot, je me levais et le suivi. Dans la mêlée, nous nous heurtâmes a Eloh. Mais la recherche de maman parmi un amas de gens terrifié, la mort aux trousses fut un échec. Nous retournâmes au parking avec l'espoir de l'y trouver. Ce fut une autre déception. Par contre, la voiture, était là et j'étais le seul à avoir le permis. Eloh avait a son actif le nombre d'heures de conduite accompagnée suffisante. Sur le module virtuel, il avait validé tous les tests. Il ne lui manquait que l'examen de conduite accompagne de vendredi prochain pour qu'il ait le sien. Personne n'était pas en état de conduire, n'importe qui ayant assisté à ce à quoi je venais d'assister ne l'aurais pas été. Je restais donc là, tenu devant le véhicule le regard absent.
- Jean, tu dois prendre le volant, dit Lohans
- Ramène-nous à la maison, répétait-il.
Je n'étais pas avec lui, je n'étais pas là point barre. Une partie de moi était restée allongée sur le gazon du parc, étreignant toujours papa jusqu’à l'après. Un mot perça la brume d’hébétude dans laquelle je me trouvais.
- Monte !
C'était Eloh assis au volant de l'Avensis. Cette veille voiture d’une autre époque que notre mère adorait. Sur les photos de maman, c’était toujours la même voiture, même marque, même modèle, même vert, et ce, depuis son adolescence. La première du lot, elle l’avait eu de son père pour ses seize ans, quand elle vivait encore au Sud de Litleworld. Son père voulait lui apprendre a vivre modestement malgré leur situation financiere avantageuse, pour cela, il avait pense qu’une toyota Avensis de 2004 pour une ado des années 2020 serait l’ideal comme premiere voiture. Seulement, apres la lui avoir offerte, grand père pris le jet pour aller a une reunion d’affaire au centre de Litleworld et mourrut dans un crash sur les berges du Wouri. Depuis maman a garder cette preference en terme de voiture. Celle que mon frère se prépare à conduire a ete acheter l'annee passee. Papa avait dépensé une fortune pour trouver en 2050, une toyota avensis en bonne etat, et la bidouiller pour qu'elle puisse fonctionner a l’electricite.
- Monte dans la voiture jean répétait Eloh, tandis que, Lohans prenait place à l'arrière du véhicule.
- On ne peut pas abandonner les parents ici, leur opposais-je.
- On ne peut pas rester ici avec ces choses qui déambulent en embrochant tout sur leur passage. Affirmait-il.
- Écoute, on ne sait pas où se trouve maman, dans la panique elle a pu s’échapper avec d’autres, peut-être qu’un etranger lui a porter secours, peut etre qu’elle ne peut juste pas encore nous faire signe.
Il semblait déclarer toutes ces hypotheses plus pour se convaincre lui que nous.
- Tu connais les consignes en cas de pépins. Disant cela, il accompagna sa déclaration par un regard appuyé vers Lohans.
Mettre Lohans en sécurité etait prioritaire.
Eloh fut celui qui nous ramena à la maison.

C'est au bruit du portail que je me figurais que nous avions atteint notre destination. Lohans ouvrit la portière du véhicule et se précipita à l'intérieur de la maison. Lohans déjà à l'intérieur, je remarquais qu'Eloh était toujours assis tenant le volant à mes côtés. C'est en voyant ses mains trembler que je me rendis compte qu'il était en train de pleurer. D'une pression de ma main sur son épaule, je l'intimais d'être fort et de tenir bon. Il comprit sans que je n’aie à le formuler.
Durant cet instant figé au cours duquel nous pleurions silencieusement notre père, nous nous donnions mutuellement de la force. Notre père avait toujours été un modèle pour nous. Quand j'étais petit, je voulais être lui plus grand. Accepter que je ne le reverrais jamais, que plus jamais je ne discuterais botanique avec lui, le jardin du sous-sol. Je devrais en prendre soins tout seul désormais. Il n'apprendra jamais à Lohans à conduire. Alors que j'assimilais ce nouvel état des choses, Lohans revint en courant vers nous en balbutiant, nous n'entendions pas correctement ce qu'il disait.
- Elle n'est pas là, elle… Elle devait être ici, bafouillait-il. Elle n'y est pas… Le parc, nous l'avons abandonné là-bas avec ces choses qui ont tué papa. Nous avons…(sanglot) .. Abandonnez les parents.
Il finit par éclater en sanglots. Je regardais mon petit frère comme le gamin de treize ans qu'il était. Eloh, dans un état aussi déplorable que lui tentait de se péter les phalanges à force de serrer le volant de ses doigts. Je pris alors la mesure de mon rôle de grand frère. Ma peur de ne plus jamais revoir aucun de nos parents, je la rangeais dans un coin de mon cœur. Je pris mon petit frère dans mes bras et le consolais :
- Mama va bien t'inquiètes. S'il lui était arrivé quelque chose, nous l'aurions senti. C'est ta peine pour papa qui t'embrouille l'esprit Lolo. Je choisis de l'appeler de ce surnom débile dont maman l'affublait affectueusement.
- Calme-toi Lolo. Gardons notre calme. Rappelez-vous ce qu'elle disait lorsqu'il y avait un problème à résoudre.
- Sang-froid en toute situation ! Répétions-nous en chœur.
Oui, maman allait bien et nous pleurerions papa en famille une fois que nous l'aurions retrouvé.
- Bien. Approuvais-je en constatant qu'Eloh avait retrouvé son calme. Un plan d'action commençait à prendre corps dans mon esprit.
- Tout d'abord, il nous faut comprendre ce qui c’est passé au parc. Les journaux télés doivent en parler maintenant ? Il est inconcevable qu'un événement tel que celui du parc, l'assassinat de centaines de personnes passe inaperçu. Nous vérifierons aussi sur Internet. D'autres que nous ont dû s'échapper du parc, en recollant les témoignages nous en sauront plus et nous agirons en conséquence.

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