1.1 - 5, rue de l'Egalité
Comme chaque matin, j'empruntai la rue de l’Egalité. Ici comme dans bien des villes, cette rue mène au cimetière. Celui-ci est là-haut, tout au bout. Mes quatre grands-parents y reposent en paix, du moins, je l’espère.
Depuis deux jours, je constatai qu’un grand chantier avait démarré. Tout un pâté de maisons allait disparaître pour laisser place à des immeubles modernes sans caractère. J’en fus triste car ces anciens logis avaient une âme. De nombreuses familles y avaient vécu, ils avaient été le décor de bien des drames mais aussi de grands bonheurs. Quand j’étais gamin, un de mes amis y habitait et j’y étais venu à maintes occasions.
Au coin de la rue, au numéro 5, une humble boutique de pierres blanches semblait vouloir résister au désastre. Aucun engin ne l’avait encore agressée alors qu’un peu plus loin des bicoques n'étaient déjà plus que ruines. J'avais bien connu ce magasin, voici fort longtemps, tenu par un apothicaire. Devant l’essor des pharmacies, l'échoppe avait cédé la place à une librairie.
Depuis déjà bien longtemps, plus aucun livre n'était exposé dans sa devanture. Les vitrines, imbibées de poussière depuis des lustres, étaient peu à peu devenues opaques. Aucune enseigne n’indiquait au passant la nature de ce magasin. Cependant sur la porte vitrée, un petit panneau annonçait « Ouvert » et une faible lueur semblait trembler à l’intérieur. Cette échoppe vivait puisque le panneau et la lumière disparaissaient à la tombée de la nuit pour ne reparaître qu’à l’aube.
Bien qu’intrigué par ces constats que je faisais régulièrement, je n’avais jamais franchi le seuil de cette boutique.
Il me sembla que si je ne le faisais pas aujourd’hui, je n’en aurais plus jamais l’occasion. Et, bien qu’un rendez-vous professionnel important m’attendît, je décidai de tenter l’aventure.
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