1.6 - Le grand saut.

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Le vieil homme repartit dans le couloir et, après quelques pas, ouvrit une porte que je n’avais pas remarquée en arrivant, et s’y engouffra. Nous le suivîmes dans une nouvelle salle qui ressemblait à un laboratoire. Cette pièce était divisée en deux par une paroi de verre percée d’une porte étroite.

L’ancienne, dont je pris conscience de ne pas connaitre le nom, se tourna vers moi :

  • Harold, voulez-vous bien me confier les cinq éléments que vous avez choisis ?
  • Bien sûr madame, les voici.

Je lui tendis le strelitzia, la phlox, le rubis, l’œil de tigre et l’ouvrage collectés dans le magasin. Je connaissais le strelitzia par sa fleur extravagante qui lui valait le surnom d’oiseau de paradis. Se référer à un oiseau pour partir en voyage me semblait un bon présage. Quant au phlox, malgré sa floraison abondante, il me paraissait plus commun. Mais je me souvins que son nom signifiait "flamme" en grec. J’espérai que cette flamme serait celle qui animerait mon envie d’avancer et non celle qui consumerait mes membres. Quant aux gemmes, je n’en connaissais pas vraiment l’usage. Le rouge du rubis évoquait, bien sûr, lui aussi la flamme. Par contre, j’ignorais tout de l’œil de tigre dont le morceau que je venais de déposer ressemblait à de l’ambre, mais en plus dur.

Merci, me dit la femme. Pour répondre aux questions que vous vous posez probablement, Harold, je m’appelle Hydna et je suis originaire de Salamine en Grèce. Quant à l’œil de tigre sachez qu’il est réputé pour son pouvoir à repousser tous les dangers. On dit notamment que la nuit, il peut se substituer à un feu pour tenir éloignés les animaux indésirables.

  • Je m’aperçois que je t’ai présenté Télémaque, mais je ne t’ai pas dit qui j’étais, reprit le vieux. Je suis donc Enkidu et je viens d’Uruk en Mésopotamie. Mais cela fait maintenant longtemps que je vis par ici.

Hydna saisit alors un chaudron, y versa les simples et les gemmes :

  • Voilà, ce sera prêt dans une minute. Comme vous pouvez le voir, ce poêle est neuf. Nous ne les utilisons qu’une seule fois de façon à ne pas risquer d’introduire dans vos voyages des éléments qui ne vous concernent pas. À l’issue de votre aventure, celui-ci sera recyclé pour des usages plus ordinaires. Attendez-moi là une minute, je reviens.

À cet instant, je pris conscience qu’à la différence de Enkidu et de Télémaque, elle persistait à me vouvoyer.

Elle sortit de la pièce avec le chaudron et les ingrédients, ne me laissant que l’ouvrage de Pitton de Tournefort. Mon esprit était en ébullition entre l’excitation de la découverte et la crainte de m’engager dans une expérience inédite menée dans une ambiance occulte.

Hynda revint très peu de temps après avec deux flacons. Elle me confia le premier, empli d’une poudre pourpre, fermé par un large bouchon de liège. Puis, elle se tourna vers Télémaque et lui tendit le second, une petite fiole de porcelaine scellée à la cire. Je ne pouvais, bien sûr, pas en voir le contenu.

  • Il faut maintenant te mettre en route, déclara Enkidu. Le mode opératoire pour ton voyage est très simple. Tu passeras de l’autre côté de cette paroi, Télémaque t’y rejoindra, tu lui confieras le flacon que Hynda vient de te donner. Tu poseras le livre sur le lutrin que tu vois là. Ensuite, tu l’ouvriras à la page qui te conviendra, Il faut simplement qu’elle soit illustrée. Quand tu seras prêt, tu fixeras très attentivement l’image et Télémaque ouvrira la flasque. Votre voyage commencera aussitôt.
  • Ok, cela me parait simple, dis-je

Je me surpris, moi qui suis plutôt d’un tempérament prudent et réfléchi, à franchir la porte dans la paroi de verre sans aucune hésitation ni appréhension.

Télémaque me suivit en fermant l’huis après son passage et je lui donnai le flacon. Je posai l’ouvrage sur le pupitre et l’ouvrit de façon aléatoire. L’illustration faisait apparaître l’inscription Mont ARARAT, veû des trois Eglises. L’idée de me rendre là où avait atterri l’arche de Noé me plut et je fis signe à Télémaque que j’étais prêt.

Celui-ci me sourit et fit sauter le bouchon du flacon. Aussitôt, au contact de l’air la poudre pourpre sembla prendre vie et une brume rosâtre envahit la pièce.

Rapidement, je me sentis incommodé par la nébulosité, j’eus l’impression d’être aspiré par le livre et perdis conscience.

...

Retrouvant peu à peu mes esprits, je sentis qu’une main légère enroulait les boucles brunes de mes cheveux.

Je m’imaginai dans les bras d’une superbe princesse persane et pris le temps avant d’ouvrir les yeux. Entrouvrant les paupières, je me rendis compte que ma tête était posée sur les cuisses de Télémaque et que c’était lui qui jouait avec ma chevelure.

  • Le beau au bois dormant est réveillé, me dit-il avec un regard espiègle. Excuse-moi, mais mes doigts n’ont pas résisté à la tentation de se perdre dans tes boucles brunes.
  • Pas de problème, lui dis-je, bien qu'un peu surpris. J’espère que je n’ai pas dormi cent ans, comme la belle.

Je me retins cependant de lui demander si c’était par un baiser qu’il m’avait réveillé.

Non, non reprit-il, tu as juste eu un petit étourdissement, rien de plus normal. Voilà, nous y sommes. Mais il va falloir déterminer où nous sommes...

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