2.6 – Le premier repas.

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Nous reprîmes donc le chemin de la maison familiale. Chacun était encore sous le choc de cette magnifique chorégraphie, nous n’échangeâmes aucune pensée durant ce trajet.

Arrivés à demeure, Sour me proposa d’aller prendre une douche pour effacer une partie de la fatigue du voyage et de la découverte de la cité. J’acquiesçai, mais me rendis alors compte que je n’avais pas de vêtements de rechange.

Sjókoma avait dû saisir ma pensée.

  • Tu trouveras dans la salle d’eau une tenue complète pour la soirée et la nuit. Tu pourras mettre tes vêtements actuels dans une machine que je te montrerai, demain tu les retrouveras propres et secs.
  • Tu trouveras aussi ce qu’il te faut comme savon et shampooing. S’il te manque quelque chose, ou si tu rencontres des difficultés avec nos équipements, n’hésite pas à m’appeler, compléta Sour.

La perspective de me changer me réjouit. Je pensais que j’allais aller me rafraîchir, comme aurait dit ma mère, mais dans ce pays de frimas intenses, cela me sembla déplacé.

  • Ok, j’y vais, je ne serai pas long, dis-je en repartant vers l’escalier.

Entrant dans la salle d’eau, je trouvai effectivement un ensemble de vêtements tout à fait similaires à ceux de mon hôte. Nous avions à peu près la même carrure, même si j’étais un peu plus grand que lui, mais avec une cage thoracique moins large. Je supposais que ces habits lui appartenaient.
Je vis aussi ce qui devait être la cabine de douche. La chaleur étant satisfaisante, je me dévêtis promptement pour y pénétrer. Tout d’abord, je ne vis pas réellement de douche telle que nous les connaissons. Seul un petit cylindre dépassait du mur. J’essayais de le tourner dans tous les sens, mais rien ne se produisit. Par hasard j’appuyai dessus. Je vis alors ce bouton pivoter légèrement et une brume dense envahit la cabine. Rapidement, je me sentis mouillé de la tête aux pieds. En même temps apparut un écran sur lequel une forme humaine se dessina. Approchant mes doigts de cette silhouette, je déclenchai une aspersion de produit sur la zone concernée. J’en déduis que cela devait correspondre à un apport de savon. Une croix sur l’écran me fit penser que c’est en l’effleurant que l’on cessait cette phase. J’appuyai donc sur ce symbole et aussitôt l’écran disparut et une eau tiède et apaisante jaillit des 3 murs de la douche. Cette courte douche me permit de me rincer totalement. Elle fut immédiatement suivie d'un souffle chaud qui me sécha rapidement. Je sortis pour m’habiller.

Je réalisai alors que j’étais propre de la tête au pied et que je n’avais pas dû consommer plus de trois litres d’eau.

Les vêtements mis à ma disposition étaient soyeux et épousaient parfaitement ma silhouette. Peut-être même un peu trop. J’eus le curieux pressentiment que ces fringues s’étaient adaptées à mon corps. Quoi qu’il en soit, je me sentis totalement revigoré et prêt à passer une agréable soirée.

Je retrouvai la famille pour le diner dans une salle du rez-de-chaussée. Comme les autres, cette pièce était relativement petite, de l’ordre de quatre mètres sur cinq. Mais elle était divisée en deux parties. La première, celle par laquelle nous y accédions, occupait environ deux tiers de la pièce et jouait le rôle de salle à manger. Mais nulle table ne la garnissait, ses côtés étaient marqués par des stalles individuelles en bois séparées par accoudoirs dotés de larges plateaux. Je comptais huit de ces stalles : deux sur le côté opposé à l’entrée et trois sur chacun des murs adjacents.

A peine étais-je rentré dans la pièce que les enfants m’assaillirent de questions.

  • Eh d’où tu viens ? demanda la petite
  • Pourquoi tu as les cheveux marrons ? s’enquit son frère
  • T’es arrivé ici comment ?
  • T’est là pour longtemps ?
  • T’as des enfants ? …

J’essayai de leur apporter des réponses à la fois simples et cohérentes même si moi-même je n’étais pas assuré de les avoir.

Une dernière question m’amusa particulièrement :

  • Pourquoi tu as un de si grands yeux et de si grandes oreilles ? demanda Vetuögun.

Par réflexe j’eu envie de lui répondre « pour mieux te manger mon enfant » mais ce n’était pas du tout mon intention et je n’étais pas sûr qu’ils aient les références pour comprendre mon humour. Je fis donc une réponse bien plus banale.

  • Bon, les enfants, maintenant vous allez laisser Harold récupérer. Le repas nous attend.

Sour et Sjókoma occupèrent les sièges centraux, les deux enfants s’assirent à leur droite. La maîtresse de maison m’invita à m’assoir à sa gauche face aux enfants.

A peine étais-je assis que les deux enfants partirent vers l’autre partie de la pièce, qui était derrière moi et qui devait servir de cuisine. Ils en revinrent en portant un plateau portant cinq coupes fumantes dégageant une forte odeur marine.

  • Je ne sais pas si tu as déjà mangé cela, m’interrogea la maman. C’est une soupe de plancton.
  • Non, il ne me semble pas en avoir déjà goûté, lui répondis-je.
  • En fait, le plancton représente l’essentiel de notre nourriture. Nous le collectons en permanence dans l’estuaire que tu as longé en arrivant du levant. Nous forons des trous dans la glace, qui est épaisse d’environ cinq mètres, et nous filtrons l’eau pour le récupérer. Nous le transformons en farine ou en copeaux et pouvons ainsi le cuisiner sous différentes formes.

Je portais le bol à mes lèvres et en pris une première gorgée. Un discret goût d’huitres, complété d’effluves iodés, chatouillât mon palais. Rapidement, je trouvais cette saveur agréable.

  • Mais c’est très bon. En fait je n’ai jamais rien goûté de tel, dis-je.
  • Sans le plancton, nous ne pourrions pas vivre ici, reprit mon hôte. Dans ce pays ne vivent que très peu d’animaux et, sur la quasi-totalité du territoire, le froid empêche toute culture. Le plancton nous apporte tous les éléments dont notre corps a besoin notamment : le fer, le calcium, l’iode et le magnésium, mais aussi les acides gras et les vitamines.

Les enfants récupérèrent nos bols et ils revinrent avec de petites assiettes garnies de tranches de cake.

  • Voici un gateau maison que j’ai préparé tout à l’heure, précisa Sjókoma.
  • C’est la spécialité de maman, la coupa la petite. Elle le réussit super bien, tu verras, c’est drôlement bon.

Je m’emparai donc d’une tranche et la croquai allègrement. Sa saveur me fit penser à celle de la crevette, mais avec un côté sucré qui, bien que surprenant, me parût agréable.

C’est délicieux, complimentai-je la cuisinière.

  • Je suis très heureuse que cela te plaise.
  • C'est heureux, sinon, je ne sais pas ce que nous aurions pu te proposer d’autre ! intervint Sour en riant.
  • Mais tu manges quoi quand tu es chez toi ? demanda Lillálfur.
  • Chez moi, j’ai une nourriture très variée. Nous mangeons de la viande d’animaux que l’on chasse ou que l’on élève, des poissons pêchés dans la mer ou les fleuves, des légumes cultivés dans les jardins ou des céréales qui viennent des champs. On en fait toute sorte de plats, crus ou cuits. Mon pays est réputé pour sa cuisine.
  • Des animaux, berk, c’est dégoutant, reprit le garçon.
  • Oui, c’est n’importe quoi, rajouta la fille.
  • Les enfants, vous devez être tolérants, leur dit la maman. Nous, nous mangeons essentiellement du planction. Nous n’avons pas la possibilité de produire ni viande, ni poisson et la pêche et la chasse ne pourraient satisfaire à nos besoins. Nous les réservons donc à de très grandes occasions. Mais dans les autres pays, vers le sud, les gens mangent souvent d’autres mets, comme celles que vient de vous décrire Harold. Mais assez discuté, il se fait tard, il est temps pour vous d’aller vous coucher.
  • Ok, nous y allons. Bonsoir Harold, bonsoir les parents, répondirent-ils en sortant de la pièce.
  • Nous n’allons pas tarder non plus, annonça Sour. Nous avons eu, toi, comme nous, une rude, mais belle journée. Tu dois être fatigué de ton voyage. Mais avant, je voudrais te faire goûter ceci dit-il en exhibant un flacon de terre. Il s’agit d’une liqueur à base de perce-neige et d’eranthis.

Il me tendit un petit gobelet et y versa quelques gouttes d’une potion dorée.

J’y trempai les lèvres et ressentis tout de suite que ce breuvage titrait un fort degré d’alcool. Son goût, proche de celui du Génépi était absolument exquis.

Sur ce, je te souhaite une excellente nuit, conclut Sour. Ce petit nectar t’aidera probablement à faire de beaux rêves. Repose-toi bien car, je viens de recevoir un message du Conseil de la cité qui me laisse quartier libre demain pour te faire découvrir le pays. Nous aurons donc de quoi nous occuper.

  • Super, merci beaucoup, j’en suis très heureux et vous souhaite à mon tout une très bonne nuit, lui répondis-je en prenant congé.

Arrivé dans la chambre je m’allongeai sur le lit qui était très accueillant et ne dus pas mettre plus de deux minutes pour rejoindre les bras de Morphée.

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