2.7 - la vallée des délices.

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Je me réveillai le lendemain matin en pleine forme. Une lumière très diffuse avait envahi la chambre. Je ne vis pas de source précise, mais avais l’impression que cet éclairage venait directement des murs. Je remarquai alors qu'aucune fenêtre n’ouvrait la chambre sur l’extérieur.

Me rendant dans la salle d’eau, j'eus la surprise de trouver mes vêtements propres sur des portants et m’en revêtis. En descendant je retrouvai Sour.

  • Bonjour Harold. J’espère que tu as bien dormi car la journée va être bien remplie. Tiens, bois cela et nous nous mettrons en route, me dit-il en me tendant une tasse fumante.

Ce breuvage avait un fort goût d’herbes, mais il me redonna l’énergie suffisante pour affronter cette journée.

Comme nous allions nous mettre en route, les deux enfants déboulèrent.

  • Papa, papa, on veut venir avec vous, tu veux bien ? lança le garçon.
  • Dis oui, papa, dis oui, on a très envie de venir avec Harold, rajouta la petite.
  • Votre mère est d’accord, leur répondit Sour ?
  • Carrément. Elle nous a dit qu’exceptionnellement on pouvait louper quelques leçons et qu’on les rattrapera plus tard.
  • Alors préparez-vous, on y va, conclut le papa.

Peu de temps après, nous sortîmes de la cité, jusqu’à atteindre un vaste hangar. Pour la première fois depuis mon arrivée, j’y vis des véhicules. Il y en avait pour tous usages et de toutes tailles. Sour se dirigea vers une voiture quatre places dotée d’un plateau arrière et montée sur des patins.

Nous nous y installâmes tous les quatre et Sour démarra sans aucun bruit.

  • Nous n’utilisons ces véhicules que de façon très exceptionnelle, dit-il. Ici l’énergie est rare et il faut l’utiliser à bon escient. Le Conseil m’a autorisé à prendre cette voiture car je dois aller faire un constat sur un champ de production aux confins des montagnes du nord. Tu vas être surpris quand tu vas découvrir cela. Mais je garde la surprise et ne t’en dis pas plus.
  • Ok, je vais donc être patient. Même si cela m’intrigue, lui répondis-je. Mais dis-moi, je n’entends pas de moteur, comment est donc propulsé cet engin ?
  • Simplement par une pile à combustible alimentée à l’hydrogène. Nous exploitons des puits d’hydrogène naturel aux pieds des montagnes. C’est notre unique carburant tant pour le chauffage que pour la mobilité. Mais même si ces gisements sont inépuisables, car ils se regénèrent naturellement, leur production est assez réduite. D’où notre obsession de la frugalité énergétique.
  • Waou, c’est génial. Bravo.

Le paysage défilait autour de nous. Petit à petit, le sentier glacé montait vers les contreforts de la chaîne rocheuse. Malgré quelques reliefs et affleurements rocheux, l’unique couleur blanche rendait absolument monotone ce paysage qui se dévoilait à mes yeux.

Mon conducteur m’avertit.

  • Attention, tu es prêt ? Après le prochain virage, tu ne vas pas en croire tes yeux.

Mon impatience redoublait. J’apercevais un virage que nous allions atteindre à notre droite. Il s’enfonçait entre deux hautes murailles.

Dès que nous le franchîmes, mon souffle se coupa. Nous étions entrés dans une large vallée totalement couverte de fleurs de toutes couleurs. Je me rappelai alors la seconde fresque de la salle du Conseil. Elle représentait exactement ce paysage extraordinaire. La route filait entre des champs de qui devait être des céréales et de très amples parterres de fleurs. Un peu plus vers le nord, sur les contreforts s'étageaient des cultures d'arbustes, et un peu plus haut de magnifiques rangées d'arbres.

Je repris mon souffle et me tournai vers mon guide ;

  • Mais comment est-ce possible ? C’est tout à fait incroyable. Par quelle magie ces plantes poussent-elles ici ? En plus de cela, l’air est tiède et un peu humide. Je ne comprends pas comment vous avez pu réaliser un tel prodige.
  • C’est pourtant possible, puisque tu le vois, me répondit Sour. En fait cette vallée est située sur une petite faille et de l’eau chaude jaillit naturellement en plusieurs failles du sol. La terre volcanique étant très fertile, tout pousse ici. De tout temps nous y cultivons quelques plantes médicinales mais aussi des légumes ou des plantes aromatiques. Comme nous n’avons pas de saison, nous récoltons toute l’année quasiment sans interruption. C’est pour nous un lieu vital et nous l’entretenons avec le plus grand soin.
  • Ah oui, je comprends.
  • Je vais te montrer l’une des sources, dit-il en stoppant le véhicule à la limite des parterres de fleurs et des plants de fruits. Mais surtout ne t’en approche pas. Dans son état naturel, son eau est très corrosive. Si elle touchait ta peau, tu subirais de graves brulures. Nous devons donc la traiter dans ces grandes bassines que tu vois là-bas. Seuls les agents habilités peuvent s’en approcher.

Je vis effectivement quelques personnes, portant des tenues spécifiques, s’affairant autour de ces cuves. Sur le reste de la plaine, une multitude d'ouvriers cultivant ou cueillant les plantes et les fleurs. Ils les récoltaient dans des paniers semblables à ceux des vendangeurs, chez nous, puis les amenaient sur des plateformes mobiles où elles étaient directement triées. Le climat agréable leur permettait de porter des tenues légères sans capuche. Il semblait que la couleur de leurs tenues dépendait de leur activité. Ceux qui s'affairaient dans les champs de céréales portaient des vêtements couleur sable, alors que ceux qui s'occupaient des fleurs étaient habillées de vert et ceux qui intervenaient sur les arbres en marron. L'ensemble était vraiment très plaisant à voir et donnait un grand sentiment de quiétude. Ayant la tête dénudée, je pouvais voir leurs coiffures. Las femmes avaient les cheveux longs portés en chignon alors que les hommes les avaient, pour la plupart, noués en catogan.

Les enfants couraient gentiment autour de nous :

  • Tu as vu comme c’est beau ? dit la petite.
  • Moi j’adore venir ici, compléta son frère. À chaque fois, on se régale !
  • Je vous comprends, c’est extraordinaire.

À cet instant, un cri de détresse retentit dans nos esprits et tout le monde se figeât. Tous les regards se tournèrent vers les bacs de traitement de l’eau. Il apparut que quelqu’un avait chuté dans un des bassins.

Sour nous dit aussitôt :

  • Les enfants restez avec Harold et attendez-moi là, je vais voir ce qu’il se passe et il se mit à courir en direction de la source.
  • Regarde, nous allons aller te chercher quelques friandises, dirent les enfants en pénétrant à l’intérieur des cultures.
  • D’accord, mais restez quand même près de moi, je ne veux pas vous perdre des yeux.

Lillálfur s’approcha d’un arbuste et se mit à cueillir des fruits qui ressemblaient à des mûres, mais plus charnus et avec des tons tirant vers le bleu. Vetuögun, quant à elle, s'accroupit pour glaner des fleurs.

De façon inattendu, de légers bourdonnements virent chatouiller mes oreilles. Me concentrant, je découvrais que de minuscules abeilles butinaient joyeusement les massifs fleuris.

C'est alors que je me rendis compte qu’un homme s’était rapproché de moi. Ne pouvant voir son visage qui était caché par la capuche de son vêtement, je lui envoyai néanmoins une pensée de salutation. Celle-ci resta sans réponse.

Je m’en étonnais lorsque j’entendis des paroles venir frapper mes oreilles. Je reconnus tout de suite la voix de Télémaque.

Alors, comment cela se passe ? Réponds-moi sans tourner la tête, il ne faut pas qu’on nous voit nous parler, me dit-il

  • Impeccable, tout va bien, ils sont très gentils et m’ont proposé de rester aussi longtemps que je le souhaitais.
  • Hum, ce n’est pas souhaitable que tu t’attardes trop. Tu as encore plein de contrées à découvrir et notre temps est compté. Il faudrait repartir demain matin. Nous irons vers le sud. De toute façon, nous n’avons pas le choix, il n’y a rien vers le nord.
  • Tu es sûr que je ne peux pas rester jusqu’à la fin de ma période probatoire demain soir ?
  • Non, c’est sûr que c’est dommage car, même s'ils ont la peau trop blanche, il y a plein de jolis garçons ici. Mais nous ne pouvons pas voyager de nuit, il fait beaucoup trop froid. Tu ne tiendrais pas le coup.

Sans le voir je devinais son œil pétiller alors qu’il évoquait les jeunes mâles locaux. Il était vraiment incorrigible.

  • Bon je vais m’arranger pour partir à l’aube demain, lui répondis-je. Mais d’abord comment se fait-il que tu sois ici et où se retrouve-t-on demain ?
  • Quand j’ai entendu parler de cet endroit, j’ai compris que ton hôte t’y amènerait. Donc je me suis débrouillé pour être là. Demain, je te rejoindrai sur la route, ne sois pas inquiet.

Mon compagnon de voyage s’éloigna alors que les enfants revenaient les bras chargés de victuailles végétales. C’est la petite qui s’exprima la première.

  • Regarde ce que je t’ai rapporté. Un excellent bouquet de fleurs meilleures les unes que les autres. Tiens, goûte celle-ci, dit-elle en me tendant une petite fleur ronde et rouge.

Je portais la fleur à la bouche. Elle était vraiment savoureuse. Son goût évoquait celui de la capucine et cela me plut.

  • Hum, excellent, qu’est-ce que c’est ? lui demandai-je.
  • C’est de la Nàtörà. On en a beaucoup ici. Et en plus elle est très jolie. J’en ai cueilli plein pour maman.
  • Goûte cela aussi, me dit son frère en me tendant le fruit proche de la framboise que je l’avais vu cueillir tout à l’heure.

J’engloutis son fruit et une forte saveur de mangue m’envahit la bouche. Je ne m’étais pas du tout attendu à cela en voyant la petite baie sombre. Mais le goût était à la fois subtil et généreux. Un véritable régal.

  • Cela c’est de la Jarðapera, dit-il en devançant ma question. C’est mon fruit préféré.
  • Je comprends, j’adore, lui répondis-je.
  • J’en ai plein le panier et encore beaucoup d’autres sortes que je te présenterai tout à l’heure. Mais voilà papa qui revient.

Effectivement, tournant la tête, je vis Sour nous rejoindre.

  • Bon cela va, plus de peur que de mal, nous dit-il. Le gars est bien tombé dans une cuve, mais comme c’était une des dernières du processus de traitement, il n’a pas été trop affecté. Il a mérité quelques jours de repos, mais n’aura aucune séquelle. Ah, je vois que les enfants t’ont initié aux douceurs locales. Apparemment ils t’ont adopté sans problème.
  • Il faut dire qu’ils sont vraiment géniaux, répondis-je en leur faisant un clin d’œil qui les mit en joie.

Allez, il faut continuer notre tournée, je dois passer au dépôt de bois.

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