4.7 - Disparitions inquiétantes.
Arrivés sur place, nous fûmes introduits dans une salle de crise où siégeaient déjà plusieurs officiers.
La cheffe de la sécurité nous pria de prendre place autour de la table et nous fit un rapide point de la situation :
- Comme vous le savez, deux jeunes femmes originaires de Bçome ont disparu ce jour. Toutes deux musiciennes, elles devaient se produire ce soir à la soirée de la Première Administratrice. Ne les voyant pas venir, la cheffe du protocole s'est inquiétée et les a fait mander jusqu'à chez elles. Mais les messagers n'ont trouvé personne. Ils ont interrogé les voisins qui, pour la plupart, semblaient n’avoir rien vu car ils n’étaient pas chez eux dans la journée. Cependant une voisine très âgée aurait assisté à certains événements. Selon elle, un homme jeune aurait rejoint les deux filles alors même qu’elles répétaient. La vieille nous a indiqué qu’alors la musique a cessé, puis une trentaine de minutes plus tard, trois individus cagoulés ont forcé la porte de la maison. Cela a tellement effrayé notre témoin qu’elle s’est évanouie et est tombée de la chaise d’où elle observait la rue.
Je notai que la commissaire parlait de rue. N’en ayant pas encore vu, et n’ayant pas non plus observé de bâtiments émergeant du plateau rocheux qu’elles pourraient desservir, je me demandai à quoi pouvaient ressembler ces artères. Ne voulant pas interrompre l’exposé, je retins cette question pour plus tard.
- Elle n’a donc pas vu la suite des événements, intervint Sour sur un ton très froid.
- Exact. Elle ne s’est réveillée que bien plus tard et, ne pouvant se relever, a attendu que son voisin vienne, comme chaque jour, prendre de ses nouvelles, pour donner l’alarme. Elle est encore profondément choquée.
- Le voisin, lui, a-t-il vu quelque chose ?
- Non, il a constaté que la porte de la demeure des deux filles était ouverte. Mais il n’a pas osé entrer. Il s’apprêtait à appeler la police lorsque nos hommes sont arrivés sur les lieux.
- La dame a-t-elle pu donner une description des trois assaillants ?
- Oui, mais très vague. Selon elle, les trois hommes étaient très grands et très athlétiques. C’est tout ce qu’elle a pu nous en dire.
Même si ce témoignage venait d’une personne très âgée, d’évidence il ne pouvait s’agir des deux gros et du maigrichon qui m’avaient agressé.
- Cette description, même très incomplète ne correspond donc pas à celle des trois hommes que nous poursuivons, me permis-je.
- Exact, et c’est bien ce qui m’inquiète, reprit la commissaire.
- Cela voudrait donc dire que Bçome, puisque c’est le point commun à ces crimes, aurait envoyé plusieurs équipes pour agir en parallèle.
- C’est aussi l'hypothèse qui me semble la plus réaliste, confirma-t-elle.
- Mais cette fois, la vie de trois personnes est en jeu. Deux femmes et un homme qui, espérons-le, doivent être encore aux mains de leurs ravisseurs, reprit Sour.
- Si je puis me permettre, dis-je, les deux premiers meurtres concernaient des hommes. Mais sait-on si des femmes originaires de Bçome auraient disparu en parallèle de ces exécutions ?
- C’est une excellente question et nous avons adressé un message aux polices de Eilifius et Katanslnet afin de savoir si d’autres disparitions ont été signalées. Les réponses ne devraient pas tarder.
- En ce qui concerne Eilifius, la réponse sera négative. Vu les conditions climatiques chez nous, tous les étrangers doivent se faire enregistrer afin d’obtenir un hébergement. Nous savons donc précisément qui est présent chez nous chaque jour et aucune absence suspecte n’a été notée durant cette période.
- Si nous comptons bien, kidnappeurs et kidnappés sont donc au moins six. Un tel déplacement ne doit pas passer inaperçu, d’autant que les victimes doivent être entravées.
- Cependant à cet instant, aucun signalement ne nous a été transmis. Nous n’avons donc aucune piste. Nous avons renforcé les points de contrôle pour tous les véhicules.
Un silence de perplexité suivit cet échange. Nous étions dans le brouillard total et je ne voyais pas comment en sortir.
- La témoin a-t-elle une idée de l’heure à laquelle est intervenue l’agression ? demandai-je.
- Selon elle, c’était juste après le déjeuner.
- Donc peu de temps avant notre arrivée.
- Oui, c’est bien cela.
- Il parait peu probable que les trois individus que nous recherchons soient déjà parvenus jusqu’ici. Avez-vous des nouvelles d’eux ? relança Sour.
- Non, mais vous avez raison, ils ne sont sûrement pas encore en ville. D’autant que de fortes tempêtes de sable ont été signalées ces derniers jours. À mon avis, ils ne seront pas ici avant demain soir.
- Il est envisageable que les deux groupes fassent leur jonction, ajouta Sour. Donc si vous les laissez rentrer, il pourrait être pertinent de les suivre pour qu’ils nous mènent à leurs comparses. Qu’en pensez-vous, commissaire ?
- La stratégie me semble bonne. Nous avons les moyens de ne plus les lâcher quand ils seront à l’intérieur de la cité. S’ils arrivent ici, nous les cueillerons.
- Souhaitons-le, et souhaitons retrouver les trois disparus de ce jour.
- Pour ce soir, nous n’en saurons pas plus. Je vous propose de rejoindre vos appartements et de prendre une bonne nuit de repos. Nous nous retrouverons ici même demain vers huit heures. Sans doute aurons-nous un peu plus d’éléments. Je vous souhaite une bonne nuit, conclut la cheffe de la sécurité.
Nous nous retirâmes et rejoignîmes nos chambres pour la nuit. Sur le retour, je questionnai Azar :
- La commissaire a parlé de rue. Mais nous n’en avons pas encore vues. Où sont-elles ?
- Vous ne les avez pas vues car pour gagner du temps, nous avons empruntés les tunnels. Ceux-ci relient de la façon la plus directe les points les plus importants de la cité. Et notamment tous les jardins. Notre cité est entièrement creusée dans le plateau rocheux. Ainsi, vu du niveau du sol ou vu de loin, rien ne permet de distinguer qu’une ville entière se niche ici.
- Effectivement nous avons pu le constater, confirmai-je.
- Au début de la cité, la population étant réduite, elle a pu se loger autour des jardins en cuvette. Mais avec l’augmentation des habitants, il a fallu trouver d’autres solutions. C’est ainsi qu’ont été créées les premières rues. Si vous le souhaitez, nous pouvons rentrer par quelques-unes d’entre elles.
- Bien volontiers, nous te suivons.
Notre guide bifurqua alors vers un tunnel perpendiculaire à celui où nous nous étions engagés. Et peu de temps après nous franchîmes un portail donnant sur l’une de ces artères.
Il apparut tout de suite que cette voie avait été elle aussi taillée dans la roche. Elle était à ciel ouvert, mais pour réduire l’impact direct du soleil, des avancées rocheuses avaient été laissée en saillie en haut des façades. Ainsi sur la largeur de l’avenue, seul un tiers était ouvert sur le ciel. À cette heure, on pouvait y voir des étoiles ainsi que la plus petite des deux lunes.
Les maisons, creusées sur deux étages, de part et d’autre étaient largement percées de fenêtres de façon à récolter un maximum de lumière.
- Les maisons n’ont qu’un côté qui donne sur la chaussée. Aussi seule la lumière de la voirie les éclaire de façon naturelle. Ce qui explique ces ouvertures spacieuses, indiqua Azart.
Nous empruntâmes ainsi trois ou quatre voies avant d’arriver à notre destination. Dans les rues étroites, plus sombre que les autres, le silence ambiant créait une atmosphère lourde qui, compte tenu des derniers événements, avait tendance à renforcer notre anxiété.
Nous entrâmes dans une demeure et nous aperçûmes rapidement que nous étions de retour devant nos chambres.
- Nous voilà arrivés. Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne nuit.
- Parfait merci, mais toi-même où loges-tu, demanda Télémaque.
- Juste un peu plus loin. À à peine deux minutes, répondit notre guide. Je passe vous prendre vers six heures trente, je voudrais vous faire découvrir un joli spectacle.
Nous nous quittâmes ainsi, un peu chamboulés par les événements du jour mais aussi assommés par notre long cheminement dans le désert.
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Comme prévu, dès le lever du soleil, Azart vint nous retrouver.
- · Nous allons monter à la surface du plateau. J’ai quelque chose à vous montrer, dit-il après les salutations matinales.
Il nous entraina dans un escalier étroit qui débouchait sur le plateau. A quelque distance, une tour étroite, sans ouverture visible, d’une dizaine de mètres semblait veiller sur le désert. Nous nous y engageâmes.
Arrivés en haut, nous débouchâmes sur une étroite plateforme où nous pûmes quand même nous engager tous les quatre.
De là-haut, le spectacle qui s’offrit à nous était somptueux. La totalité du désert était enluminé de fleurs blanches, rouges ou violettes. Les parfums qu’elles exhalaient avaient attiré des milliers d’insectes, oiseaux ou lézards dont nous n’imaginions même pas qu’ils puissent survivre dans cet environnement.
Une fois encore, la nature nous surprit par sa richesse et son imagination créatrice. Cependant, nous ne pûmes apprécier longtemps ce tableau grandiose.
En effet, Télémaque d’une voix grave demanda :
- Mais comment se fait-il que ce rectangle vers l’est n’ait pas fleuri ? dit-il en désignant un espace d’environ trois mètres sur deux.
- Oh, mon Dieu, s’exclama Azar, blanc comme un linge. Il faut immédiatement prévenir la commissaire Esteldu !
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