6.1 - Debrief.
Nous avions pris place dans la première voiture. Azart et Télémaque étaient devant avec le conducteur. Sour, la commissaire et moi étions au second rang, à l'arrière, trois policiers complétaient notre équipage.
À peine avions nous franchi les premiers kilomètres que, comme je m’y attendais, Télémaque nous abandonna pour plonger dans les bras de Morphée. Il n’en sortit pas avant l’arrivée à la capitale.
La cheffe de la police eut tout le temps de nous faire part de l’avancée de l’enquête.
Il s’avérait que les trois hommes étaient arrivés à Hiharkaitz quatre jours avant nous. Ils faisaient partie de la police secrète du régime dictatorial de Bçome et avaient eu pour mission d’éliminer des réfugiés politiques en Opaterlupt et Expéziad. Le jeune retrouvé dans les sables avait été leur première victime, et selon leurs dires la seule. Ils avaient pour objectif d’exécuter Drageon puis de remonter vers le nord pour rejoindre l’Opaterlupt où diverses cibles leur avaient été désignées.
Fort de ces premiers éléments, j’interrogeais la commissaire :
- Ils se sont donc décidés à parler. J'aurais cru que les deux zigotos que nous avions capturés seraient plus coriaces.
- Vous savez, nous avons nos méthodes, sans violence, mais avec beaucoup de persuasion. Peu de gens y résistent, me répondit-elle d’une voix implacable.
Bien qu'intrigué par ces techniques d'interrogatoire, le ton de la réponse me fit comprendre que ce n’était pas un sujet à creuser et surtout que je n’aurais pas aimé être à la place des trois gaillards. Je revins donc aux deux disparues.
- Vous ont-ils parlé des deux filles ?
- Ils prétendent ne pas savoir où elles ont été emmenées. Ils auraient bénéficié de complicité dans la capitale : deux individus apparemment. Ceux-là avaient fait les repérages, nos trois gars leur ont remis les deux filles avant de partir pour Piauto.
Elle semblait vraiment totalement dans le flou à ce sujet. Je voyais bien, à l’expression de son visage qu’elle aussi était très inquiète.
- Donc ils avaient des comparses dans les deux cités. L’opération avait dû être conçue de longue date si elle a utilisé des agents dormants. En sait-on plus sur leur acolyte que vous avez arrêtée cette nuit ?
- Selon les premières informations que nous avons collectées, celle-ci est arrivée sur le site il y a déjà près d’un an et s’occupait de logistique dans les bâtiments communs. Elle n’a pas fait de vagues et il semble qu’elle y avait peu d’amis. Elle avait approché Drageon une fois ou deux, mais ne lui avait pas fait savoir qu’elle venait de Bçome. Il y a quelques semaines, elle a reçu un message lui annonçant le début de l’opération et l’enjoignant à se tenir prête.
Nous n’avions décidément pas à faire à des amateurs. Pour eux, toute opposition bçomiène devait être éliminée, même par la violence. Finalement, ce monde était-il si différent du nôtre ?
- C’est donc elle qui a préparé cette cachette ?
- Exact. Elle avait repéré les lieux et en particulier la pièce où ils se sont planqués qui, alors, était vide. Avec ses attributions, elle a pu trimbaler l’armoire sans problème dans le Sénat et l’installer devant la porte. Il est probable que certaines personnes se sont demandé ce que ce meuble faisait là. Mais cela n’a dérangé quiconque. Cette fille était présente lors de l’enfumage de l’hémicycle, mais il était convenu qu’elle n’intervienne pas. Après l’enlèvement elle est rentrée chez elle pour attendre d’autres consignes. Elle ne les a jamais reçues, et, au final, c’est nous qui l’avons consignée !
Elle semblait ravie de son jeu de mot. Comme si c’était le moment... Mais bon, c’était la cheffe de la Police, je pouvais bien lui accorder ce petit plaisir.
- Nous savons donc que des infiltrés sont en place depuis un bon moment. Que sait-on de ceux de Hiharkaitz ?
- À vrai dire, pas grand-chose pour l’instant. Selon les malfrats, ils ne les auraient pas rencontrés. J’en doute un peu, mais je ne désespère pas d’en savoir un peu plus rapidement.
Cela confirmait donc que l'opération avait été soigneusement planifiée et que nous avions affaire à forte partie. Leur réseau tentaculaire semblait bien s'être fondu dans le paysage et la population et il sera difficile de l'en extirper. Il ne restait qu'à espérer que les savoir-faire combinés de la police locale et de Sour suffiraient.
- Ce sont donc au moins cinq individus qu’il va falloir neutraliser, dis-je. Il faut espérer que les dormants soient les mêmes pour les deux équipes de criminels. Quelle stratégie avez-vous prévue de mettre en place ?
- Dans un premier temps, il nous faut retrouver vos trois gaillards et ne pas les lâcher d’une semelle. Ils vont probablement prendre contact avec les barbouzes qui détiennent les filles. Notre priorité est bien de retrouver ces jeunes femmes et de mettre hors d’état de nuire les deux hommes qui les détiennent. À notre connaissance, les trois autres n’ont pas commis de délit sur notre territoire. Aussi, nous vous les laissons, mais bien sûr, vous pouvez compter sur notre appui.
- Très bien, ainsi les choses sont claires, lui répondit Sour. Ces trois individus ont tué chez nous. Je les y ramènerai pour qu’ils rendent compte de leurs actes.
Plus que jamais j’étais décidé à prêter main-forte à mon ami afin de l’aider à faire justice.
- Commissaire, affirmai-je, je suis certain qu’avec l’aide de Télémaque nous allons mettre la main sur ce trio infernal. Et j’espère que par la même occasion, nous vous aiderons dans votre enquête.
- Il me semble que vous fonctionnez bien avec le sergent Tranpabe, je vous propose donc de l’affecter à vos côtés. Si vous en êtes d’accord.
- Volontiers, lui répondit Sour, Je pense que depuis quelques jours, nous avons eu le temps de nous apprécier. Azart nous apportera sans doute une aide précieuse pour nos investigations.
- Ce sera aussi un grand honneur pour moi, intervint le sergent en se retournant, après avoir entendu les derniers échanges.
Ce débriefing nous amena quasiment aux portes de la capitale et en peu de temps nous nous retrouvâmes dans la salle des opérations de la sécurité.
À peine étions nous installés qu’un policier apporta une petite liasse de dépêches à la Commissaire. Celle-ci les parcouru rapidement puis releva la tête vers nous.
- Messieurs, j’ai ici trois informations importantes, dont deux directement en relation avec notre enquête, dit-elle en se levant et se dirigeant vers une large carte murale de la région.
Elle marqua un point sur le plan, légèrement au nord-ouest de notre position.
- Première indication, nos trois malfrats ont été identifiés ici, il y a moins de deux heures, sur la route qui contourne la capitale par l’est. Il semblerait donc qu’ils n’aient pas l’intention de rentrer en ville. Secundo, deux gaillards pas très nets ont été aperçus au sud dans un fourgon dont les vitres arrière avaient été opacifiées. Ils avaient l’air assez pressés.
- C’est donc en direction de Bçome qu’il faut orienter nos recherches, la coupa Sour. Ils rentrent chez eux leurs forfaits accomplis.
- Probablement, lui répondit-elle. Heureusement la frontière est encore à plus d’un jour de route. Les gars à la camionnette n’ont pas beaucoup d’avance. Quant au trio, il ne doit pas en avoir du tout.
- Avez-vous une idée de là où ils pourraient se rencontrer ? Demanda Sour.
- Les deux routes convergent ici, dans la ville de Punteak. Elle est située à une centaine de kilomètres au sud. Les conditions climatiques sur cette route sont extrêmes, et la chaleur y est telle qu’ils seront obligés de faire une halte pour laisser passer la grosse chaleur de la mi-journée.
Ces informations nous promettaient encore de nombreuses heures de voiture sous une chaleur torride. Mais, trop excité par cette poursuite, en aucun cas je n'aurais laissé ma place. J'avais donc hâte de repartir.
- Et vous pensez que c’est là qu’ils vont faire étape ? la questionnai-je.
- Non, je ne pense pas qu’ils s’arrêteront là car c’est une petite ville et qu’ils y seraient vite repérés. En revanche, un peu plus loin se trouvent quelques villages dont certains ont été abandonnés récemment car les habitants n’avaient plus accès à l’eau. C’est probablement un de ces villages qu’ils prendront comme refuge. C’est donc ceux-là qu’il faut cibler.
- Il est encore tôt. Nous pouvons atteindre ces hameaux avant midi, reprit Sour. Mais il ne faut pas perdre de temps.
- Tout à fait. Allons-y donc. Major, Harold et Télémaque vous partez donc avec Azart. Vous emprunterez une route qui vous fera rejoindre la route de l’est où vous pourriez croiser vos cibles. Mais soyez prudents, n’engagez rien seuls.
- Vous pouvez compter sur nous, lui répondis-je.
- Nous nous allons piquer au sud avec de gros effectifs, reprit-elle. Nous devons retrouver les filles et leurs ravisseurs.
Me revint alors le début de l'intervention de la cheffe de la police.
- Commissaire, dis-je. Si je peux me permettre, vous vouliez nous confier une troisième information.
- Vous faites bien de me le rappeler Harold. Car elle est importante. Diverses indications, montreraient que la population de Bçome se soit soulevée contre son dictateur, notamment dans les grandes villes. L’agitation est à son comble là-bas.
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