7.1 - Vécu ou rêvé ?

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Rouvrant les yeux, je constatai que j’étais de retour dans la vieille boutique. Télémaque, Enkidu et Hydna m’entouraient.

Rien n’avait changé depuis notre départ. Il me semblait même que les deux anciens portaient les mêmes habits qu’à ce moment.

  • Bon retour parmi nous, me dit Hydna, nous sommes contents de vous revoir. Avez-vous fait un beau voyage ?

Ayant un peu de mal à retrouver mes esprits, je mis un peu de temps à lui répondre.

  • Moi aussi je suis content de vous revoir, lui répondis-je, car une ou deux fois, j’ai bien cru ne jamais rentrer, notamment dans l’amphithéâtre en flammes. Mais pour ce qui est du voyage, "beau" est un peu faible. J’ai fait un extraordinaire périple. Jamais je n’aurai cru pouvoir visiter une telle variété de pays. En plus, j’ai rencontré des gens admirables de courage et d’inventivité. C’est totalement incroyable.
  • Pourquoi incroyable ? Puisque tu l’as fait, me répondit Endiku.
  • Je peux même dire que tu m’as épaté, reprit Télémaque. Toi et Sour avez sacrément bien mené l’enquête sur les assassinats des jeunes Bçomiens. Je ne pensais pas que vous auriez pu arrêter tous ces malfrats et sauver les filles. Bravo, c’e fut du grand art !

Le fait que Télémaque lui-même me parle du voyage indiquait qu’il m’y avait réellement accompagné. Je n’avais donc pas été le jeu d’hallucinations solitaires. Nous avions bien voyagé ensemble. N’ayant pas fait le décompte des jours et des nuits, je n’avais aucune idée de la durée de notre odyssée.

  • Mais quel jour sommes-nous ? demandai-je.
  • Le même jour que celui où vous êtes rentré dans notre boutique, me répondit l’ancienne. Il est juste un peu plus tard. Votre périple a duré une petite demi-heure. Comme promis, vous pourrez honorer votre rendez-vous.

Les choses se bousculaient dans ma tête. J’étais parti moins de trente minutes, or mon voyage avait bien duré une dizaine de jours. Et il avait réellement eu lieu puisque Télémaque en avait des souvenirs. Je ne pouvais démêler cet écheveau d’informations contradictoires, j’étais perdu !

  • Ne cherche pas à comprendre, me conseilla Endiku. C’est inexplicable, mais cette aventure tu l’as bien vécue. Accepte-le et ne cherche pas à pénétrer ce que tu ne peux concevoir.

Malgré mon esprit cartésien, je ne pouvais que lui donner raison, mais j’avais quand même du mal à l’admettre. C’est Hydna qui me rappela à la raison :

  • Maintenant, il ne vous faut plus trainer, si vous ne voulez pas rater votre rendez-vous. Rhabillez-vous et reprenez le cours normal de votre vie.

À cette réflexion, je me rendis compte que je portais encore les vêtements qui m’avait été donnés à Piauto. Encore une preuve que ce voyage n’était pas sorti tout droit de mon imagination. Ayant retrouvé mes habits dans le casier où Hydna les avait rangés, je repris rapidement l’apparence sous laquelle j’avais quitté mon foyer ce matin. Je m’aperçus alors que Télémaque s'était éclipsé et que seuls les deux anciens étaient encore dans la pièce.

  • Excuse-nous, dit l’aïeul, mais nous avons d’autres tâches urgentes. Nous ne pouvons malheureusement pas te garder avec nous davantage. Il te faut partir maintenant.
  • Surtout, me rappela l’ainée, n’oubliez pas votre engagement de transcrire votre récit par écrit. Sans rien oublier, ni modifier.
  • Je m’y suis engagé, je le ferai. Mais comment vais-je faire pour vous transmettre mon manuscrit ?
  • Ne t’inquiète pas pour cela, reprit Enkidu, nous nous en chargerons en temps utile. Va maintenant !

Je me dirigeai vers la sortie mais une pensée me vint :

  • J’allais oublier, mais je m’en serais voulu toute ma vie. Lorsque nous nous sommes retrouvés, Télémaque et moi au milieu de l’incendie, et sans espoir d’en sortir, je l’ai regardé et j’ai compris que nous allions nous en sortir. Mais comment a-t-il fait pour me ramener ici ?
  • Vous souvenez vous, Harold, rétorqua Hydna, lorsque je vous ai donné le flacon pour que vous l’ouvriez, j’ai aussi donné à Télémaque une petite fiole de porcelaine scellée à la cire. C’était en quelque sorte vos billets de retour. Il lui a suffi de faire sauter le bouchon pour mettre fin à votre voyage.

Déjà très perturbé par ce que je venais de vivre, je me contentai de cette réponse et repris la direction de la rue. Entrant dans le magasin lui-même, je vis Télémaque qui m’y attendait.

  • Harold, je suis souvent triste de devoir quitter mon compagnon de voyage. Mais je dois bien dire qu’avec toi, c’est différent. Notre équipée nous a permis de partager de grands moments. Aussi bien dans la découverte des paysages que dans la rencontre de gens d’exception ou dans le moment historique de la révolution Bçomienne. Tu me connais assez bien maintenant, j’aurais bien aimé passer plus de temps en ta compagnie, mais ainsi va l’aventure… Sache, mon ami, et j’utilise ce mot à bon escient, que je me souviendrai longtemps de toi. Merci de m’avoir emmené dans ces espaces insoupçonnés. Vraiment, merci.

Moi qui suis assez peu sentimental, j’étais maintenant, tout comme lui, en larmes.

  • Télémaque, il me sera impossible de t’oublier. Merci de m’avoir accompagné tout au long de ce périple et merci de m’avoir ramené dans des conditions incroyables. Sans ta compagnie et sans ta pétulance, cette exploration n’aurait pas eu le même goût et ne m’aurait probablement pas marqué autant. Je vais en écrire le récit, mais je t’y ferai apparaître tel que je t’ai connu. Je sais que peu d’auteurs t’ont cité dans leurs œuvres, mais si tu le veux bien, je te garderai le rôle qui fut le tien.
  • Merci mon ami. Mais va maintenant, il se fait tard, me dit-il en me prenant dans ses bras et me claquant une bise sur la joue. Adieu !

Je sortis et me retrouvai dans la rue, abasourdi de la banalité de cet environnement pourtant familier.

J’arrivai à l’heure pour mon rendez-vous. Mais je n’avais pas la tête à discuter boulot. Mon interlocuteur s’en aperçut rapidement.

  • Vous sentez-vous bien ? s’inquiéta-t-il.
  • Oui, juste un moment de fatigue cela va passer, lui répondis-je. Je rentre d'un long voyage.

Mais mon esprit était occupé par d’autres questionnements. Avais-je réellement vécu cette aventure, où n’était-elle que le fruit de mon imagination dopée par un stupéfiant extravagant ?

Je répondais mécaniquement aux questions de mon client jusqu’à ce qu’involontairement il apporta la réponse que j’attendais :

  • Ecoutez Harold, je pense vraiment que vous devriez vous reposer. Nous allons remettre notre entretien à plus tard. Vous n’avez vraiment pas l’air dans votre assiette aujourd’hui… D’ailleurs, que vous est-il arrivé, je vois des traces de brulures dans vos cheveux !

Ainsi donc, c’était vrai. J’avais bien vécu ce voyage et m’était bien trouvé au milieu de cette fournaise. J’avais rencontré Sour, Azart, Drageon et tous les autres …

Fou de joie, et à sa grande stupéfaction, j’embrassai mon interlocuteur et partis aussi vite que mon état me le permettait jusque chez moi.

À peine arrivé, j'allumai mon ordinateur et commençai l’écriture de ce récit.

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