L'AUTRE

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Chaque jour, c’est la même chose qui se répète. Je rentre du travail et il est là, là à m’attendre. Il

épie et juge chacun de mes mouvements comme un amant soumis à sa jalousie. Je détourne le

regard et je sais au plus profond de moi qu’il m’observe encore. Il me ressemble et pourtant il est

si différent. Nous ne fessions qu’un avant, uni et fier, prêt à conquérir le monde qui nous était

dû. Mais c’est avec amertume que, l’un d’entre nous a abandonné en cours de route. Je tente de

m’excuser de lui dire que ce n’était qu’une erreur de jeunesse et lui jure que je peux changer.

Maintenant, le temps s’est immiscé dans notre relation. Son regard est vide et hagard. Il est

celui d’un vieil homme trop fatigué pour reculer, trop fatiguer pour vouloir avancer. Je hurle ma

souffrance d’avoir perdu ma meilleure moitié. J’étais aveugle, si aveugle.

Je tombe sur le sol soumis par le poids de ces vérités qui mon si longtemps manquées. Je pleure

pour l’homme que j’ai laissé tomber. Assis au sol trempé par le raz de marée qui risque de

dévorer mon âme. Je vois qu’il me regarde encore. Cette fois, il semble narguer ma douleur.

Son visage reste impassible, immobile, mais je sais au plus profond de moi qu’il s’esclaffe de mon

mal. Je réalise alors que je le déteste. Il est la raison, pourquoi tous avaient mal tourné! Lui cet

être parfait qui m’a toujours retenue de déployer mes ailes. Comment pouvais-je avancer si j’étais

toujours maintenu par le désir de le rejoindre ? Je n’ai jamais eu la chance de m’épanouir puisque

je savais, puisque j’étais sûr; qu’un jour, nous nous retrouverions. Ce jour n'est simplement jamais

arrivé. Et Cela, était simplement trop tard pour nous.

Mais maintenant, tout a changé. Je suis las… si las de sa présence à lui, l’ombre au rire moqueur.

J’ai toujours détesté ceux qui croient avoir raison. Mais pires sont ceux qui ont toujours raison.

Chaque jour, il se tient devant moi à se moquer, à m’insulter, à me rappeler mes défauts, comme

un parent qui se déteste et eusses de son enfant comme exutoire. Mais je ne suis plus un

gamin, je suis un homme et je suis plus fort que lui. Je n’ai jamais eu besoin de lui au final.

Je me précipite vers la cuisine sentant la chaleur de son regard désapprobateur m’éventrer le dos.

Je sais qu’il me hurle d’arrêter, j’en suis sûr. Malheureusement, il n’a jamais daigné m’offrir

autre chose qu’un dédain austère depuis toutes ces années. Ma femme m’a quitté, mes amis sont

disparus dans la brume. Tout comme mes enfants. Mes tendres enfants ne reconnaissent même

plus leur père. Et tout ça, c’est sa faute à lui. Toujours lui, lui, lui…

Je prends un couteau dans la cuisine, mon meilleur qui soit, un Yaren Damascus de huit gros

pouces. Il n’a jamais vraiment servi, de peur de chiper la lame. Comme c’est idiot...

vouloir être vantard. Dépenser une fortune pour quelque chose qu’on n’utilise pas vraiment.

Jusqu’à maintenant.

Je retourne au salon, là où il m’attend, là où il m’attend toujours. Il me voit arriver et aucune

émotion ne peint son visage grisonnant, comme à l’accoutumée. Je m’approche de lui et cette fois,

(vlam) je perce son cœur décharner de cette lame tristement neuve. Je ris aux éclats levant les bras au ciel. Célébrant ma victoire,

glorifiant ma liberté retrouvée. Il gît à mes pieds, cet être au visage vide. Cette vieille chose

dénuée d’intérêt qui m’étouffait autant. Et… et pourtant, son regard n’avait pas changé. Il me fixait du sol avec ces mêmes yeux vides.

À présent que le gout du bonheur et d’espoir étaient revenus dans ma vie. Je réalise qu’il ne me

jugeait point. Il était simplement triste d’observer chaque jour durant, la personne que j’étais

devenu, la personne que je n’étais plus.

L'ombre de la vérité me frappa de plein fouet

Qu’ai-je fait!? MAIS QU’AI-JE FAIT!? hurlais-je à répétition dans ma démence tout en me

précipitant de l’avant pour l’aider, ne rencontrant qu’un mur; une barrière invisible mais bien compacte.

Je tapai sur ce mur de toutes mes forces avec l’incompréhension dû désespérer. Hurlant excuse et

regret, mais nul mot ne pourrait l’atteindre désormais.

Puisqu’à présent,

j’étais seul,

prisonnier du miroir.

Maintenant

et

à tout jamais.

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