https://www.youtube.com/watch?v=cQyZj5W8Okc

Les inondations ont pris dans le pays
Les proportions des grands reliefs, notre vallée
Est une flaque d'eau où pataugent les gris
Nuages inertes comme des mausolées ;

Dans le village, les habitants des hauteurs
Ont commencé à accueillir les pauvres gens
Dont la pluie a noyé les trop basses demeures,
J'en ai vu avec des regards de chiens errants ;

Il y a un couple de parents chez moi depuis
Que l’eau a trop monté, l'enfant pleure parfois
Très fort Mais elle va s'arrêter quand la pluie ?
J'ai attaché de longues bâches sur le toit ;

On voit passer les jours comme autant de nuits blanches,
Nous avons beau dormir, nous n'oublions jamais
L'aiguille de la pluie criblant la toile étanche,
C'est une grande horloge abreuvant à longs traits

De l'eau des temps perdus le spectre de la terre ;
Quand je fais la lecture à mes pauvres voisins
(Il n’y a plus que ça pour au moins nous distraire,
Mais contre un tel déluge on a peu de bouquins),

Je repense aux moments passés sous quelque abri,
En ville, à couvert de l’averse, tout à coup
Partageant une intime et brève compagnie,
Dire que ces moments ils me touchaient beaucoup ;

Désormais je regarde à travers les fenêtres,
Je suis comme obsédé par l’éternel spectacle
De cette pluie tombant sur le règne de l’Être,
Or je ne suis plus rien qu’un vide réceptacle ;

Et vraiment quelquefois, comme si je sortais
D’un sommeil inconnu, je tressaille en moi-même,
Je regarde autour de moi, et ne reconnais
Mon sort qu’après m’être rappelé le problème ;

Et puis je me souviens, je me souviens aussi
Qu’avant de m’oublier j’avais éprouvé une
Étrange excitation, une aise, une folie,
À cet instant j’aurais pu décrocher la lune,

Et comme si la pluie remontait vers le ciel,
Comme si chaque goutte allait faire une étoile
Aux quatre coins de nuit dont nous aurions l’échelle
Alors, je n’ai plus peur de soulever le voile.