Il est grand temps de partir, je crois. Quitter nos repères familiers et rassurants, nous déraciner. Tout doucement. On est jeune, la vie est pleine de promesses alors pourquoi rester ?

 On rêve beaucoup du monde et de ses promesses, on en rêve tout le temps par la fenêtre, mais on se perd vite dans les plaisirs artificiels qui nous font oublier le temps d'un instant, la réalité de ce vaste monde. On profite peu de notre enfance : on ne se voit pas grandir, évoluer, changer. Comme une chenille ne réalisera jamais qu'un jour elle fut enveloppée dans un doux cocon protecteur.

 L'innocence et l'insouciance font vite place aux grands espoirs et aux terribles déceptions : le monde nous semble insondable tout d'un coup et pourtant on veut le tenir entre nos paumes ambitieuses et tiédies. On a des rêves plein la tête, mais peu de temps et d'argent pour les réaliser. Alors on fait la fête jusqu'à pas d'heure pour faire d'aujourd'hui un lendemain qui nous appartient.

 On rit, on danse avec nos amis sur les pistes des boîtes de nuits, en soirées, et l'on boit, et l'on boit, on ne veut pas trop penser à ce que l'on fera le lendemain. On a l'impression que l'Avenir est tellement lointain ! Pourtant à un certain stade, on en arrive là, à se demander "tiens, que ferais-je demain ?". L'école est là pour nous faire garder la tête froide après toutes ces années où on se disait qu'on avait tout le temps d'y réfléchir. Et puis là, d'un coup, une gifle nous atteint. On ne peut plus fuir.

 C'est le prochain niveau de cet imprévisible jeu de l'existence, celui qui nous fait entrer par la grande porte gardant jusque-là ce monde qui nous faisait rêver nuits et jours, qui allumait dans nos yeux une étincelle d'excitation toujours plus ardente, et plus question de faire marche arrière. On a peur, c'est vrai, on est terrifié même, car soudain on nous donne le choix. Un vrai choix qui peut faire toute la différence. Tout du moins c'est ce que l'on pense. L'échec, la réussite, les parents les craignent tout comme nous. C'est la première fois où ils ne peuvent vraiment nous conseiller sur la décision à prendre.

 Mais il faut bien le faire, et vite, car les jours défilent soudainement au même rythme qu'une seconde.

 Partir à l'aventure. Notre plus grand rêve est à portée de main. A nous de choisir désormais, de le vivre ou de le renier.

 L'inaccessible et mystérieux monde qu'est le nôtre nous attend, alors adressons nos derniers au-revoirs, nos dernières effusions sur le quai d'une vieille gare ou dans un aéroport bondé à destination de notre Avenir. Promis papa, promis maman, on se reverra.