Chapitre 1 : La fuite
Point de vue de Joanne
Tout le monde dort à l'étage du dessus, les planches de ma chambre grincent à cause des ronflements de mon père.
Soupire, pendant que j'essaye de dormir...
Je tourne une bonne heure dans mon lit pour trouver une meilleure position, mais rien à faire, je n'arrive pas à trouver le sommeil. Mon réveil indique qu'il est trois heures du matin. La clarté de la lune passe à travers les rideaux de soie éclairant une grosse partie de ma chambre. Des cadres scintillent à la lueur de la nuit, des phares de voitures flashent sur ma fenêtre, mon cou frissonne à l'idée d'entendre des battements d'ailes.
Un drôle d'oiseau fait son apparition en donnant un coup de bec aux carreaux. Son ombre me fait penser qu'il s'agit d'une chouette effraie. Ses plumes sombres luisent à travers la nuit éclatante. Je change vite de discours en remarquant la brume se réveiller ainsi que de vilains nuages recouvrant la moitié des étoiles.
Elle tient dans son bec une enveloppe dorée, il y a marqué en grosses lettres « urgent ». Je tire délicatement la fenêtre en faisant le moindre bruit et prends tout doucement la belle lettre.
Qui peut bien écrire à cette heure-ci ?
Je caresse la ravissante chouette, m'assois à côté d'elle et l'ouvre prudemment. Je lis attentivement le petit mot qu'on m'a écrit : « Il ne te reste plus que 30 minutes ». Surprise, elle glisse entre mes mains pour se cacher en dessous de mon radiateur. Inquiète, je me ronge les ongles et tourne en rond pour réfléchir à une meilleure solution.
— Je ne peux pas accepter ! Cette nouvelle famille me tient à cœur !
Mes lèvres se pincent.
— Non, il est hors de question que je parte !
La chouette semble me prouver le contraire en tournant la tête de droite à gauche. Ses grands yeux jaunes translucides me donnent froid. Je soupire et m'allonge sur mes couvertures en bataille. Elle hulule pour me sortir de mes pensées.
— Oui, tu as raison, le temps presse.
Je cherche sur l'étagère pour écrire et trouve dans ma paperasse des feuilles et un encrier. Sans tarder, je trempe ma longue plume de corbeau dans le petit pot argenté et prends ma plus belle écriture pour prévenir mon heure de départ.
En l'enfermant dans une ravissante enveloppe, je signe à l'adresse indiquée et tends désespérément la lettre.
— Bon voyage, je murmure en voyant l'oiseau battre des ailes.
Dans la nuit devenue obscure, je perçois l'animal nocturne voler à travers des nuages noirs et le perds doucement de vue.
Je n'ai que trente minutes pour préparer mes affaires.
Je sors mon ancien sac de lycée traînant des mois dans mon armoire et une photo tombe sur mes genoux. En posant le sac à ma gauche, je la prends du bout de mes doigts et souffle pour enlever la poussière. Mes yeux scintillent en reconnaissant ma meilleure amie.
Nous sommes assises dans un parc, près d'un tronc d'arbre. Je serre ce souvenir contre ma poitrine et le dépose dans la petite poche de devant.
Je continue d'emballer mes affaires jusqu'à ce qu'il ne me reste plus rien. En faisant un dernier tour dans ma chambre, je remarque que j'allais oublier un dernier élément et je me faufile sous mon lit pour le récupérer.
Bingo ! J'ai retrouvé ma lampe torche !
Je la glisse dans la poche de ma veste et me prépare à descendre l'escalier. Arrivée au deuxième étage, j'ouvre sans grincer la porte et vois mes parents dans un sommeil profond. Les ronflements de mon père me font rire. Je m'installe à côté d'eux pour leur dire un dernier au revoir.
— Dans environ vingt minutes, vous allez m'oublier... Il ne faut surtout pas que vous sachiez ma véritable identité, je murmure en les embrassant sur leurs fronts.
Je regarde ma montre offerte par ma grand-mère et prends conscience qu'il ne me reste plus que quinze minutes. Je referme la chambre derrière moi et descends au dernier étage. J'esquive de mon mieux les marches bruyantes, prends la clé de la voiture posée du meuble d'entrée et sors par la porte coulissante du jardin.
J'allume ma lampe pour escalader la pente. Arrivée au sommet de la colline, je contemple, avec le souffle coupé, le village. Le mont Fujisan est un tableau gravé dans mon âme, les voitures roulent au pic de ces montagnes. Je dis une dernière fois au revoir en imaginant mes frères et sœurs pleurer.
En ayant dit des adieux imaginaires, je redresse mon sac sur mon épaule droite et marche une dernière fois dans la douceur des fleurs sauvages, des criquets bondissent sur ma longue robe bleue en marinière. Je sens des lucioles me caresser la joue et sourie en les regardant m'indiquer le chemin. Je les poursuis en me plongeant dans l'une des forêts les plus glaciales.
Un coup de froid me fait frissonner le bas du dos. Je me réchauffe en tapotant mes mains les unes aux autres et avance la lampe pour mieux voir. Le crissement du pic vert contre un arbre ne me rassure guère.
Je perçois à travers les arbres craquants, au gré de la légère brise, un vol de chauve-souris tourne depuis un bon moment. Puis, à mon grand étonnement, elles changent de direction et me pourchassent. Prise de panique, je cours en me retenant d'appeler de l'aide.
— Ils doivent savoir que j'ai quitté ce lieu ! Ce sont des espions !
Presque arrivée au bout de l'allée, je remarque que j'ai perdu du temps en les voyant foncer à ras du sol. Soudain, je trébuche sur un tronc d'arbre et fais une jolie galipette à l'avant. Les chauves-souris remarquent l'obstacle en se redressant et reprennent à nouveau de la hauteur pour m'espionner.
Je crache quelques feuilles qui se sont déposées sur ma langue, me relève pour me débarrasser des branches et reprends ma course poursuite. Une fois devant la voiture, je l'ouvre à l'aide de la clé et regarde si les chauves-souris m'ont suivie.
Rien à signaler, la voie est libre !
Je me précipite dans la voiture et referme sans claquer la porte. Je lance mes affaires à l'arrière et reprends mon souffle.
Pfiou, c'était moins une !
J'insère la clé en faisant rugir le moteur et plaque mes bras sur le volant.
Zut, elles ont dû m'entendre !
J'accélère en appuyant longuement sur la pédale et surveille le rétro viseur.
Pourvu qu'elles ne m'aient pas vues, pourvu qu'elles...
J'ai pensé trop vite, les voici à l'arrière de la voiture de papa en étant plus d'une cinquantaine.
Vont-elles finir par me lâcher !
Je tourne sèchement le volant vers un chemin campagnard et plonge de nouveau dans une immense forêt. J'actionne les pleins phares et remarque que toutes les branches d'arbres se jettent sur le pare-brise. Toute la forêt est éblouie par une grande lumière blanche. En ne faisant pas trop attention au danger qui peut venir à tout moment, je remarque, par ma plus grande joie, une route.
L'impasse est à quelques kilomètres du véhicule. Je décide de prendre à droite en barricadant une clôture. La voiture s'agite suite au changement de route. Je slalome quelques vaches qui mâchent et je change de vitesse.
Soudain, en ne l'ayant pas remarqué, l'un des pneus à l'arrière s'enfonce dans un fossé.
Mince ! Ce n'est pas vrai !
J'appuie sur la pédale pour sortir, impossible, la voiture est coincée. Pris au piège, le groupe de chauves-souris entre dans l'aération pour m'attaquer. Quelques-unes commencent à déchirer ma robe tandis que d'autres me couvrent le visage.
— Arrêtez ! Laissez-moi tranquille !
Je les chasse en les poussant avec l'aide de mon sac, mais elles sont bien trop nombreuses...
— Laissez-moi respirer !
Je résiste pour ne pas perdre connaissance, mais un voile noir me couvre la vue.
Tout est perdu...
Annotations
Versions