Chapitre 3 : L'accident

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Après ma rencontre avec Nate, je me persuade de penser à autre chose. Parfait, ma première consultation est arrivée. Dans ce genre de situation, c'est ma seule échappatoire. J'espère sincèrement que mon agenda sera rempli à craquer, car je n'ai pas envie d'avoir une seule minute pour réfléchir. Et voilà que Mme Toek entre avec son bichon, César. Cette petite dame est un personnage à part entière dans la clinique. Tout le monde la connaît. Elle a un sens de l'humour à toute épreuve, toujours de bonne humeur, et elle prend soin de ses animaux comme s'ils étaient ses propres enfants. Pourtant, Mme Toek n'a pas été épargnée par les épreuves de la vie. Veuve depuis 15 ans, ses animaux sont tout ce qui lui reste depuis la disparition de son mari.

  • Bonjour Mme Toek, comment allez-vous ? Qu'est-ce qui vous amène aujourd'hui ?
  • Très bien, et vous, docteur ? On doit refaire les vaccins de César aujourd'hui.
  • Tout va bien de mon côté. César va mieux depuis sa pancréatite ?
  • Oui, tout se passe pour le mieux pour cette canaille. Vous l'avez sauvé, vous savez ! Mon Dieu, il était vraiment mal en point.

Nous continuons à échanger sur tout et rien, comme à notre habitude avec Mme Toek. Parfois, elle vient juste nous voir pour des petites blessures qui ne nécessitent pas de consultation. En réalité, je pense qu'elle apprécie simplement discuter avec nous. À chaque fois, nous la rassurons, car elle s'inquiète un peu trop vite. Après avoir administré les vaccins à César, j'accompagne Mme Toek jusqu'à l'accueil.

Je poursuis ensuite mes consultations tout au long de la matinée. Ce n'est pas trop difficile aujourd'hui, pas de cas compliqués à traiter. C'est dommage, cela aurait sûrement pu me détourner de Nate. Et pour couronner le tout, il est à l'accueil aujourd'hui, ce qui signifie que je le croise sans cesse en allant chercher et raccompagner mes patients et leurs propriétaires. Chaque fois que j'ouvre la porte de la salle de consultation, je sens son regard posé sur moi. Je me sens constamment observé, et cela devient de plus en plus désagréable.

Le temps de midi est enfin arrivé et j'ai décidé de faire un tour en ville seul. Un détour par le centre commercial devrait me permettre d'oublier cette journée horrible et par la même occasion de m'éloigner de la clinique. J'ai essayé d'appeler Zélia à plusieurs reprises, j'ai vraiment besoin de lui parler de ce qui s'est passé ce matin, mais je tombe sans cesse sur sa messagerie... Tant pis, je me rends donc dans ma librairie préférée et je me perds dans la lecture de plusieurs résumés de livres. Je dois rester occupé, c'est la seule solution. Finalement, j'achète un nouveau livre.

Je me suis laissé séduire par le dernier tome d'Autre monde de Maxime Chattam. Je suis un grand fan de cet auteur et de son univers captivant. Ce roman en particulier m'a totalement transporté. Il m'a emmené dans un monde parallèle rempli d'aventures, de mystères et de créatures fantastiques. J'ai passé des heures plongé dans ses pages, m'évadant complètement de la réalité. Chaque fois que je lis ce livre, j'ai l'impression de faire un voyage extraordinaire. J'ai hâte de lire la conclusion de cette épopée.

  • Zut ! Il est déjà 14h10 ! Je suis en retard de dix minutes, m'exclamé-je.

Je me mets à courir pour retourner à la clinique. J'arrive rapidement et m'excuse pour mon retard lors de ma consultation. J'invente une urgence en hospitalisation pour justifier mon retard. Ce n'est pas vraiment bien de mentir, mais avouons-le, quand on dit cela, on est toujours cru. De plus, cela évite les reproches. Vers dix-sept heures, j'aperçois la fin de mes consultations. Parfait, je serai à l'heure ce soir et je pourrai quitter cet enfer plus tôt, échappant au regard démoniaque qui me surveille. C'est alors que Paul fait irruption dans ma salle de consultation.

  • Silu, un patient va arriver en urgence. Je pense qu'il va avoir besoin d'une transfusion.
  • D'accord, je m'en occupe, répondis-je.

Cela m'ennuie un peu, mais je n'ai pas vraiment le choix... Les urgences n'attendent pas, mais les dîners, si. Le point positif, c'est que Nate a fini son travail depuis seize heures. Je ne serai donc plus épié. Bon, allons sauver des vies !

Le chien arrive très affaibli. Je l'examine rapidement et lui fais une prise de sang. Les résultats montrent une anémie sévère. La transfusion s'impose comme une nécessité pour l'aider à se rétablir. Après avoir discuté avec les propriétaires, j'apprends qu'il a été en contact avec des rodenticides il y a cinq jours. Une raison de plus pour procéder à la transfusion. C'est parti pour deux heures de surveillance étroite. Tout se passe bien, le chien reprend peu à peu des forces. Il a de bonnes chances de s'en sortir. L'équipe de nuit arrive à vingt heures et je leur transfère mon patient.

Je sors de la clinique à vingt heures quarante-cinq. Je viens de rater mon dernier bus. Je vais donc devoir faire le chemin à pied. Ça ne me prendra que vingt minutes si je coupe par le parc. J'adore passer par là pendant le printemps. Il est rempli de cerisiers du Japon, donc quand ils sont en fleurs, ça donne un décor idyllique nappé de rose.

A peine entré dans le parc, je suis immédiatement enveloppé par une atmosphère de rêve. Les cerisiers sont en pleine floraison, les pétales tombent doucement, créant un tapis rose poudré sur le sol et un nuage féérique, alors qu'elles flottent dans l'air après une bourrasque. La lumière du soleil couchant filtre à travers les branches, créant des jeux d'ombres et de lumières enchanteurs.

En journée, le parc est toujours animé par des couples d'amoureux. Ils se promènent main dans la main, s'arrêtent près des bancs pour échanger des baisers passionnés. Les rires et les murmures de doux mots d'affection emplissent l'air, créant une symphonie de bonheur et de romance.

Je me remémore les nombreux moments que j'ai partagés ici avec Zélia. Nous avons passé des heures à nous perdre dans ce décor enchanteur, à discuter, rire et nous aimer. Parfois, nous séchions même les cours pour pouvoir profiter pleinement de ce lieu magique.

Mais aujourd'hui, alors que je parcours le parc, le son d'une explosion suivie d'un cri perturbe cette atmosphère de rêve. Une ambiance sombre s'installe dans le parc et le soleil n'illumine plus rien, seuls les réverbères me permettent d'observer mon environnement. Mon instinct de secouriste prend le dessus et je me précipite vers l'endroit d'où proviennent les bruits. Je me cache dans les buissons, restant invisible aux yeux des autres.

C'est là que je vois Zélia et Nate, accompagnés d'un jeune homme blessé. Le blessé, un étudiant d'une vingtaine d'années aux cheveux bruns, a le visage recouvert de poussière et du sang sur son T-shirt. Zélia et Nate sont immobiles, observant l'étudiant sans bouger un cil. Je ne comprends pas ce qu'il se passe. Un homme est grièvement blessé et ils restent là à le regarder. Leur présence à cet endroit est déjà étrange, mais ce que je vois ensuite dépasse toute imagination. Nate a des crocs saillants et se jette sur le jeune homme, comme s'il était prêt à le dévorer. Il essaye de le mordre comme un vampire avec ses crocs acérés, il se délecte du sang du jeune homme. Je comprends enfin qu'il est un démon, un vampire. Mais Zélia n'est pas comme lui, je le saurais !

Zélia, quant à elle, lève la main, formant une boule sombre d'énergie au-dessus d'elle. Je ne sais pas ce qu'est cette sphère, mais elle ne présage rien de bon. Va-t-elle la lancer sur Nate pour sauver le garçon ou va-t-elle essayer de tuer l'homme blessé elle aussi ? Dans la lueur du réverbère, je vois ses crocs scintiller.

Je refuse de croire que Zélia puisse être un monstre comme Nate. Je suis convaincu qu'elle est différente, qu'elle a encore une part d'humanité en elle. Je ne la laisserai pas faire. Je dois sauver ce jeune homme. Elle regrettera d’avoir fait ça si je n'interviens pas.

C'est alors que, sans réfléchir aux conséquences, je me précipite pour m'interposer entre Zélia et le jeune homme. Un sentiment de douleur intense me traverse, mais ma détermination ne faiblit pas. Je n'ai qu'une seule peur en ce moment, finir ma vie ainsi et périr dans un geste héroïque et au combien stupide, car personne ne peut sauver cet homme maintenant. Il est seul face à deux monstres voulant le tuer, deux monstres dont ma fiancée fait partie. Je n'arrive pas à y croire. Le parc, autrefois un lieu empreint de romance et de bonheur, est désormais le théâtre d'une bataille entre le bien et le mal, entre l'amour et les ténèbres. J'espère de tout mon cœur que mon geste désespéré saura toucher Zélia et la ramener à la lumière.

Dans une dernière pensée qui retrace toute ma vie, je me laisse aller vers la mort et ferme les yeux lentement. C'est ridicule, quelle vie minable j'ai eu... Tout devient noir comme dans mes rêves, mais cette fois-ci, je ne me réveillerai pas.

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