Chapitre 9
"Pleurer, c’est bon pour les femmes ordinaires. Les belles femmes font du shopping"
-Oscar Wilde
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Nous atteignons le supermarché qui abrite une large sélection de boutiques. Cassie est pleine d'enthousiasme et se précipite dans les allées à la recherche des boutiques les plus colorées. Elle se stoppe à l'entrée de « Chez Lolita ».
Brrr, le simple nom me provoque des frissons. Elle jette un coup d'œil rapide à l'intérieur et s'y enfonce, je souffle profondément avant de la suivre. Elle parcourt les rayons où sont exposés des vêtements de teintes saturées, du rouge, du rose, du vert, de l'orange. Des hauts crop-tops, des jupes courtes, des petits sacs éclatants qui ne peuvent contenir qu'un téléphone et un gloss.
Comment les gens peuvent-ils apprécier porter ce type de vêtements ? Cela attire beaucoup trop l'attention.
Elle me lance plusieurs affaires en l'air que je rattrape de justesse. Voilà que je deviens porteuse de vêtements maintenant. Après une bonne quinzaine de minutes, mes bras commencent à ne plus pouvoir tenir cette lourde pile arc-en-ciel.
— Cass, je crois qu'il est temps que tu ailles faire tes essayages. Lui demandais-je tandis que sa tête penche de gauche à droite, réfléchissant à si elle doit opter pour ce petit haut rose.
Elle lève la tête et fixe attentivement la pile que je maintiens.
— Okay, suis-moi ! M'ordonne-t-elle.
Je marche derrière elle, et dépose les affaires dans une cabine. Je la vois commencer à trier et elle me tend une robe un peu trop moulante à mon goût, orange avec un laçage dans le dos. Non, ce n'est pas pour moi, n'est-ce pas ? Je la regarde, les yeux grands ouverts, surprise de ce choix vestimentaire, plutôt voyant.
— Oh, allez quoi ! Je ne te force pas à l'acheter, juste essaie-là, j'aimerais voir à quoi tu ressembles dedans. Il suffit de mettre ta veste en cuir par-dessus, je suis persuadée que ça irait bien.
— Je n'en suis pas convaincue...
— Penses aux raviolis. Insiste-t-elle
Je déglutis à l'idée d'avaler autant de raviolis chinois que mon ventre me le permettra. Je rentre dans la cabine à côté de celle de Cassie. Je prends un temps fou à me déshabiller, n'ayant aucune envie de porter cette chose. J'entends Cassie rigoler et qui me demande si j'ai fini de me changer.
— Pas encore. Bafouillai-je mal à l'aise.
J'enfile rapidement la robe afin de pouvoir passer à autre chose. La matière est plaisante, le tissu fin glisse sur ma peau, les manches longues me permettent de ne pas me sentir trop dénudée.
Il n'y a pas de décolleté, mais mon 95 D se fait un petit peu à l'étroit. Je pousse légèrement le rideau pour vérifier qu'il n'y a personne dans la boutique qui puisse me voir dans cet accoutrement de carnaval. Cassie tire le rideau brusquement, me prenant par surprise.
— Oh. My. God.
— Je te l'avais dit. Dis-je en me retournant vers la cabine, mais elle m'attrape le poignet et m'en extrait.
— Non, je veux dire, whoa.
Elle entrouvre sa bouche, en me reluquant de haut en bas, elle me fait tourner sur moi-même comme une girouette et je sens ses doigts se poser sur la peau de mon dos, dénudée.
— Je ne sais pas si c'est la robe qui est extraordinaire ou toi. Dit-elle en faisant glisser ses doigts fins sur ma colonne vertébrale.
Ses yeux se posent sur mes seins et elle détend les lacets à l'arrière afin que je puisse être moins compressé. C'est donc à ça qu'ils servent !
Elle me pousse vers le miroir tandis que je fixe le reflet qui m'est renvoyé. J'ai du mal à me reconnaître, ce n'est pas mon style. Je baisse la tête, mais son doigt relève mon menton pour que je continue de me regarder.
— Tu es magnifique. Ça te va bien, observe comme ton corps est mis en valeur !
Elle attrape ma veste en cuir et me la pose sur les épaules.
— Et ça va super bien avec la veste et les bottines en cuir. Approuve-t-elle en claquant des doigts.
Je pose une nouvelle fois mon regard sur le miroir. Du changement, hein ? Entre la robe et mes cheveux ondulés, j'avais l'impression de me revoir adolescente avant... Avant que je ne change.
Cassie me donne un petit haut noir à manches courtes au décolleté plongeant.
— Essaie ça aussi ! Tu te sentiras mieux.
Je me rends dans la cabine, déjà fatiguée. Plus vite j'aurai essayé ce qu'elle me donne, plus vite j'en aurai terminé avec cette embuscade.
Je sors maintenant vêtue du petit haut noir. Je me place devant le miroir et Cassie s'exclame tout en me sifflant.
— Dis donc, comment tu t'appelles, file-moi ton numéro, je te ferai passer du bon temps. Roucoule-t-elle
Elle me claque la fesse droite et je sursaute à ce contact.
— Cass !
— Bah quoi ? Ce haut te va super bien ! Regarde comme il enveloppe tes seins. Le décolleté me donne envie de plonger mes doigts dedans. Siffle-t-elle en bougeant ses doigts vers ma poitrine.
— Non, mais tu as vraiment besoin d'aller consulter. Je mets mes bras autour de ma poitrine pour me cacher un maximum de cette louve affamée.
Je me précipite dans la cabine pour me rhabiller avant que cette folle du shopping ne m'apporte d'autres vêtements. Je quitte la cabine et m'assois sur le banc en attendant qu'elle sorte de la sienne avec sa première tenue. On passe un temps fou dans cette boutique et Cassie met ma patience à rude épreuve.
Je hoche la tête quand ça lui va bien et remue la tête pour lui dire d'aller se changer. Mon ventre se met à gargouiller. Ce que je ne ferais pas pour des raviolis...
Après une éternité, Cassie sort avec la moitié de la pile dans ses bras et pose le restant des vêtements qui ne lui vont pas sur un portant. On se dirige à la caisse, enfin ! Elle papote avec la caissière et me jette des regards en coin tout en se marrant. Elle paie pour ses articles et retourne se changer dans la cabine pour enfiler une de ses nouvelles tenues.
Elle en ressort, vêtue d'un jean, serti d'une ceinture à chaîne d'où pendent de petites étoiles argentées, un haut rose légèrement pailleté à manche courte avec un chaton blanc lui arrivant au nombril et une petite veste en jean pour se couvrir un peu plus en ce milieu de mois de mars.
Nous sortons du supermarché, nous dirigeant dans les rues du centre-ville en pavé, bercées des bruits de pas et des rires des personnes qui nous entourent. On s'enfonce dans la bouche de métro, direction la station Chimère, un petit quartier où se trouvent de nombreux petits restaurants exotiques et asiatiques.
J'aperçois l'enseigne du restaurant chinois et je salive d'avance, je marche de plus en plus vite, une impatience grandissante au fond de moi. Assise à notre table habituelle contre la baie vitrée, je commande une douzaine de raviolis chinois avec une petite bouteille de saké (pour commencer du moins) tandis que Cassie demande des sushis au saumon.
La commande arrive et je me jette sur ces petites boules tendres. Un léger gémissement sort de ma bouche. Quelle belle création !
— Alors, ça en valait la peine, non ? Se moque-t-elle de moi, tandis que j'en enfourne deux d'un coup.
— Hmmm. Répondis-je la bouche pleine.
— Tu fais quoi ce soir ?
— Rien.
Mince, je la vois déjà venir. Elle sait très bien qu'elle peut faire ce qu'elle veut de moi quand j'ai bien mangé.
— Ça te dit de sortir avec moi ? Boire un verre ensemble. J'ai besoin de me créer de nouvelles inspirations. Quand je vois mes peintures, j'ai l'impression de stagner et de toujours créer la même chose.
Elle m'a l'air bien préoccupée, entre l'exposition, le syndrome de la toile blanche et cette séance shopping à rallonge, ça cache forcément quelque chose et peut-être que je pourrais être là pour elle ce soir, comme elle l'a été pour moi ces dernières années.
— Je connais un bar.
— Parfait ! Tant qu'il y a de l'alcool fort !
Je lui souris légèrement avant de me tourner et de recommander (encore) des raviolis que je déguste une nouvelle fois comme si c'était ma première bouchée. Après avoir mangé ces merveilles, je me penche en arrière, frottant mon ventre, désormais bien repu.
— On peut aller chez moi ? Comme ça, je peux me préparer, me refaire une beauté ! On ne sait jamais si je rencontre ma moitié là-bas.
— Crois-moi, ce n'est pas dans ce bar que tu le trouveras, Cass.
— CHUT ! Ne me porte pas la poisse.
— Vu qu'on va vers chez toi, on n'a qu'à prendre un café.
— Là où on t'a offert une madeleine ? Let's go ! Se réjouit-elle.
Après avoir traversé la ville, on arrive au café de Léon. Je passe la première, Cassie juste derrière moi et Léon m'appelle.
— Xiona !
Cassie passe la tête sur un côté surprise qu'une autre personne qu'elle puisse m'appeler.
— Bonjour ! Moi, c'est Cassie, la meilleure amie de Xio. Dit-elle en secouant la main pour le saluer.
— Enchanté, Cassie. Dit-il avec un grand sourire. Vous souhaitez boire quoi ?
— Un triple expresso
— Un caramel macchiato avec supplément de chantilly s'il te plaît.
— Tout de suite, Mesdames, un triple expresso et un caramel macchiato avec chantilly. Récapitule-t-il.
On récupère la commande et nous nous installons à une table. Le café est peint dans des tons de beige et de violet. Les murs sont décorés de posters colorés, tandis que chaque coin de fenêtre est orné d'attrapes-lumières qui créent des jeux de couleurs changeant au gré du temps. Des petits cactus et autres plantes sont mises en valeur sur les bords des fenêtres. Les tables sont de forme ronde et les confortables petits fauteuils violets sont disposés sur de petits tapis blancs à poil longs renforçant le caractère chaleureux de cet endroit d'où une douce musique plane.
Léon revient vers nous en nous remettant une grosse part de gâteau au chocolat dans une assiette.
— Merci de faire découvrir mon café à ton amie. Cadeau de la maison. Il me fixe et esquisse un sourire avant de retourner au comptoir.
Cassie s'approche de moi et chuchote
— Tu ne m'avais pas mentionné que ce petit morceau sucré était si appétissant !
— Il est mignon. Lui répondis-je sans en penser quoi que ce soit.
— Et il semble beaucoup t'apprécier. Comment se fait-il qu'il connaisse ton prénom ?
— Mon ancien appartement, était celui juste au-dessus du café. Je pointe du doigt l'étage du plafond.
— Il ne sait jamais rien passer avec lui ? Tu me caches tant de choses...
— Non, il ne s'est rien passé avec lui. Je te le laisse, tu peux le croquer. Lui suggérai-je.
— Il n'a pas l'air intéressé par moi. Regarde discrètement, mais il te fixe depuis tout à l'heure.
Je zieute à son niveau et nos regards se rencontrent. Il se stoppe dans son action de nettoyage des tasses et ses joues rougissent.
— Tu vois. Tu le chamboules, ma poule. Dit-elle en me donnant un coup de coude.
— Arrête tes conneries.
J'attrape la fourchette et la plante dans le gâteau fondant et engouffre le morceau dans la bouche de Cassie avant qu'elle ne dise autre chose. Ses yeux pétillent.
— Whoa ! Quel délicieux petit goût de paradis ! Je vais revenir ici plus souvent. Dit-elle en se léchant les babines tel un chien devant son os.
Elle se tourne vers Léon et lui adresse un pouce en l'air, en signe de satisfaction. Il hoche la tête, heureux que la douceur nous plaise.
Nous terminons tranquillement nos boissons et partons chez Cassie, où se trouve son studio. Il y a une multitude de feuilles éparpillées sur le sol, avec des motifs dessinés dessus. Certaines feuilles sont déchiquetées. Elle s'éclipse dans sa chambre pour aller se changer.
— Xio, j'ai besoin de ton aide pour valider quelle tenue je mets !
Elle enfile plusieurs vêtements avant que je ne jette mon dévolu sur la tenue comportant le moins de couleurs et d'extravagance. Une petite robe blanche courte avec de la dentelle, une paire de bottines marron et une veste marron.
— Je fais un peu plus femme comme ça, non ? Sourit-elle en tournant sur elle-même pour faire voler sa robe telle Marilyn Monroe.
— Tu restes une gamine.
— Hé ! bougonne-t-elle
Je reçois à la figure une forme orange. Je jette un œil à ce qu'il vient de me tomber dessus, ce n'est autre que la robe et le petit haut noir essayés plus tôt dans la journée.
— Je te les ai achetés, alors tu as intérêt à les mettre.
— Mais...
— Pas de mais, je veux bien y aller mollo avec toi et que tu mettes le petit haut ce soir au bar. Par contre, la prochaine fois, on sortira en boîte danser et tu as intérêt à porter cette magnifique robe.
Si j'avais su à ce moment-là, ce que pouvait engendrer un simple changement vestimentaire, je n'aurai jamais accepté cette journée shopping, même pour des raviolis.
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