Chapitre 13
"Toute discussion se réduit à donner à l'adversaire la couleur d'un sot ou la figure d'une canaille'"
- Paul Valéry
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— Pfff haha.
Ian plaque sa main par-dessus sa bouche, essayant tant bien que mal de ne pas rigoler. Je sens le rouge me monter aux joues et je lui tourne le dos, rentre en courant dans mon salon et m'étale de tout mon long sur le canapé. Merde, j'en avais presque oublié la blessure que je sens légèrement s'ouvrir. Je me retourne sur le dos et dépose mon bras sur mon front.
Quelle soirée... Prise de fatigue, mes yeux se fermèrent tout seuls, sans que je n'ai pas besoin de prendre de somnifères. Le son d'un message reçu m'extirpe de ma chute dans les songes. Je tente de me rendormir, mais sans succès alors que mon téléphone se remet à vibrer.
Je tends le bras vers la table basse afin de le récupérer, le déverrouille et trouve trois nouveaux messages de "Psychopathe".
— Désolé, je ne voulais pas rire de toi.
— Je ne voulais pas regarder ta poitrine non plus. Enfin, non pas que je ne veuille pas hein, mais bon... t'as compris.
— J'espère que tu vas bien, n'hésite pas à me demander si tu as besoin de quoi que ce soit, comme du désinfectant par exemple...
Non mais, pour qui il se prend, pour un pote ? La bonne blague. J'étais en train de me résoudre à ne pas lui répondre quand un message apparut.
— C'est grave ?
— Comment tu as fait ça ?
Le bruit du téléphone qui n'arrête pas de vibrer, me tape sur les nerfs, de colère, je déverrouille l'écran et lui écrit.
— Je t'ai pas sonné.
— Si. Tu viens de faire biper mon tel, beauté.
Son répondant me fait légèrement rire. Est-ce que je commence à m'intéresser à lui ? Pas du tout !
— Beauté ? Espèce de grand fou, tu tiens à ta vie ?
— Si tu n'en fais pas partie, je ne veux pas vivre.
— Ciao, adieu, RIP, à jamais.
— Outch ! Xiona, je pensais qu'on avait dépassé ce stade !
— On n'a passé aucune étape, je ne te connais pas et n'en ai pas l'envie.
— Un petit verre pourrait peut-être arranger ça non ?
— Je crois pas non.
Quelques minutes défilent alors que je vois toujours son statut "en train d'écrire".
— Moi qui pensais pouvoir me faire enfin une amie... Tu me semblais être cool pourtant.
Je reste perplexe devant ce message. Amie ? Cool ? Moi ? Laissez-moi rire.
— Les apparences sont trompeuses, mec. Un conseil, ne t'approche pas de moi.
— Détrompe-toi, je ne parlais pas de ton apparence d'ado rebelle mixée avec une tête de chinchilla adorablement enragée. Je parlais de ce que tu as au fond de toi.
— Je ne suis pas une ado, j'ai bientôt 23 ans, bouffon.
— Un Chinchin-quoi ? Putain parle au moins français.
J'évite la partie de ce que je possède au fond de moi, au confins de mes abîmes, on y trouve que du noir plus profond encore qu'une nuit sans lumière. Un silence assourdissant et parfois même des cris effacés faisant hérisser les petits poils de mes bras. L'odeur du sang, est omniprésente, et l'eau, parfois s'écoule, dans le but de noyer tout ce qui s'y trouve, étouffant toutes possibilités d'échappatoire.
Sombre. Humide. Mon moi profond n'est rien d'autre qu'un terrain où s'empile os et chairs en putréfaction. Mon corps, lui, a cette sensation constante que serpents, rats, asticots et araignées s'insinuent jusque sous ma peau, rentrant dans chaque plaies. Je me dégoûte. Alors, mon beau, non ce que j'ai au fond de moi n'est pas si cool que ça.
Il m'envoie une photo de ce tout petit animal et je reste sur les fesses. Il sait vraiment comment retenir mon attention.
— T'as de la merde dans les yeux, je ne ressemble pas à ça !
J'en profite pour regarder plus de photos de cet animal tout à fait craquant sur Internet, je suis prise à me demander si sa fourrure est aussi douce que ce qu'elle paraît.
Ian m'envoie un gif illustré de cette créature qui cette fois-ci est enragée face à de la nourriture. Ho-Ho. Je peux légèrement voir une ressemblance... Cet être si frêle et petit se bat contre le monde entier, contre son humain, proclamé maître, qui l'a emprisonné dans cette cage argentée. L'animal, désormais habitué à être enfermé, devient agressif dès qu'on tente de le sortir de sa cage, de son chez lui. En-dehors, c'est l'inconnu, c'est le danger et il a bien compris, peut être mieux que moi. La sécurité prime sur sa liberté, à quoi bon être libre si ce n'est pour décéder deux secondes après...
— Tu vois ? C'est ton portrait craché, à l'idée de venir prendre un verre avec moi demain.
— Hein ?
— Viens boire un verre demain soir, je t'attendrai à 21 h 30 dans le parc de la résidence. Bonne nuit, Xiona.
Je relis, encore et encore les derniers messages me demandant ce que je dois répondre, puis je secoue la tête, balançant nonchalamment le téléphone sur le tapis tout en faisant mine de crier silencieusement. Après tout, je lui avais bien promis de réaliser un de ces souhaits en échange du contact du tatoueur, alors pourquoi pas...
Mais dans quelle merde me suis-je encore fourrée ?
Est-ce trop demander de rester seule ?
Ma solitude, ne dépend pas de la personne ou de l'absence de compagnie, au contraire. Je préfère être seule car je sais pertinemment que je détesterai celui ou celle qui volera ma solitude, sans, en échange, m'offrir une vraie compagnie. C'est pour cela que j'hésite tant à lui répondre un simple oui, un simple ok, un simple ça marche.
Je suis complexe, complexée et apeurée par ce qui peut se passer, par ce qui peut m'arriver. Je fais pitié, tout comme ce chinchilla ne s'échappant pas de sa cage quand l'occasion se présente.
La différence entre lui et moi, c'est que je n'ai pas peur de m'échapper, j'en ai l'habitude. Une autre petite chose qui nous diffère est que je ne laisserai personne m'enfermer, personne à part moi-même. C'est une promesse que je me suis faite.
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