Chapitre 14

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"La magie est du rêve pour les enfants, un spectacle pour les grands donnant l'illusion d'enchantements qui brillent dans vos yeux mais que souffle le vent."

Descrea -

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11 h 10 -

Réveillée un peu plus tard que d'habitude, je suis assez surprise de ne pas avoir pris de somnifères la nuit dernière, la douleur devait être telle qu'elle a fini par m'épuiser. Ma blessure me fait un mal de chien, je l'admets, mais le pansement a l'air de tenir et les points de suture sont nets et précis, du moins, pour moi qui ne suis pas grande chirurgienne.

Je regarde par la fenêtre, une pluie fine tombe. J'ai vraiment besoin d'une tasse de café chaud. J'enfile un tee-shirt quand le bruit de la sonnerie de la porte me fait me retourner. Je m'approche et ouvre légèrement. Ian est là, en tenue de sport, les cheveux dégoulinants.

— Pourquoi t'es là ? Je lui envoie sèchement.

— Pour t'inviter à boire un verre, tu te souviens ? J'ai un rendez-vous ce soir, avec toi. S'empresse t-il de me lancer en pleine figure, un sourire en coin.

— Oh, non. Tu rêves.

— Hier, ça ne te posait pas de problème de montrer ton corps à tout le quartier, à moitié nue, mais sortir avec moi, c'est un énorme calvaire, sérieusement ?

Il me fait les yeux de chiens battus. Non, c'est trop, je veux vomir.

— Tu n'as rien vu. Grognai-je.

Je tente de lui claquer la porte au nez, mais son pied s'interpose entre nous deux.

— Tu étais à moitié nue avec un gros pansement au niveau de l'abdomen, il me semble même avoir vu une blessure à ton bras. Donc, techniquement, oui, j'ai vu, presque tout vu. Dit-il en ronronnant.

Je ne m'attendais pas à cette conversation, surtout pas avant une tasse de café, avant 11 heures du matin, et en plus de tout cela, pas avec lui. Quel bon début de journée, bon sang.

Je rouvre un peu plus la porte et m'adresse à lui.

— Eh bien, oui. C'est vrai ! Heureux maintenant ?! Tonnai-je, la poitrine se soulevant rapidement.

— Très. On se voit plus tard, alors ?

 — C'est ça, ne te fait pas trop d'illusions.

Il acquiesce avec sa tête, alors qu'il s'éloigne de la porte, quelques gouttes tombent sur le sol. Ian tourne la tête dans ma direction et me fait un signe de la main avant de s'en aller.

Je ferme la porte et me dirige directement vers la salle de bains. J'allume mon haut-parleur d'où sort une musique lente, sombre et sensuelle. Il est temps de prendre une bonne douche, associée à la douleur de l'eau brûlante qui ravive mes blessures. Rien de plus efficace pour se réveiller totalement.

Désormais sous l'eau, je me lave les cheveux avec du shampoing et laisse mon corps tremper dans la douche, appréciant le bruit de l'eau qui frappe les carreaux et la sensation des gouttes humides contre ma peau. L'odeur de lavande, de citron et de menthe envahit la pièce.

Le robinet désormais éteint, je me sèche le corps avec une grande serviette moelleuse. Je secoue mes longs cheveux bruns pour les sécher. Je passe plusieurs fois la main dedans pour démêler un maximum de nœuds, car oui, je n'ai pas de brosse à cheveux, les doigts font très bien l'affaire.

Je retourne dans ma chambre, jette la serviette mouillée sur le matelas et ouvre le placard, qui révèle ma petite collection de vêtements. Une veste en cuir noir avec une capuche et des fermetures éclair, un T-shirt blanc.

Assise sur le lit, j'enfile un jean slim noir et une paire de bottes noires, un petit détail qui va bien avec le haut. La blessure me fait mal lorsque je me penche, et je remarque que mon front est encore brûlant.

J'attrape mon téléphone, je regarde l'écran et la date. C'est samedi, et la dernière fois que je suis sortie un samedi avec un homme, c'était il y a 5 ans, lors d'un blind-date avec Cassie et deux autres mecs. Elle m'avait forcé à sortir avec elle, vous vous en doutez bien. J'avais écourté ce rendez-vous en renversant mon verre sur le visage de celui que j'avais en face, 13 minutes, c'est le maximum que j'ai pu encaisser avant de tout plaquer et de les laisser en plan.

Je prends une clé de dans le placard, la glisse dans la serrure d'une petite boîte noire sculptée de fleurs et le couvercle s'ouvre. À l'intérieur, se trouve un collier avec un pendentif en forme de croix, celui que portait souvent Aaron, mon frère. Mes doigts s'y promènent et ma gorge se serre, j'étouffe. Je n'arrive plus à respirer. Mes yeux s'embrouillent. Je n'en peux plus, mes larmes tombent sur le bijou et je retiens un cri de douleur. Je mets le collier autour de mon cou, referme la boîte et la cache au fond du placard.

Face au miroir, j'efface mes larmes, et apporte un fin trait d'eye-liner noir à mon regard.

Je sors, ferme la porte derrière moi et prends l'ascenseur. Dès que je sors de l'immeuble, j'aperçois immédiatement une grande foule au milieu du jardin de la résidence. Il y a des gens de tout âge, des enfants et des parents. Ils sont rassemblés autour d'un grand homme habillé en magicien. Les nuages se sont écartés et quelques rayons de soleil réchauffent désormais les petites fleurs trempées.

Je m'approche de la foule, me place au fond et tente d'écouter ce que dit l'homme.

— D'un claquement de doigts, la colombe apparaît sur mon épaule.

Il claque ses doigts épais et l'oiseau s'envole au-dessus du public. Les enfants rient et montent leurs mains, essayant de toucher l'oiseau blanc se tenant dans les airs.

— Et avec cette fleur, je vais faire une potion magique.

Il sort une fleur de sa manche et l'agite avec force. Il tend un verre d'eau et la place dedans.

— Maintenant, mesdames et messieurs, avec un peu de magie et un coup de baguette, vous allez voir un miracle se produire.

La foule commence à chuchoter, excitée à l'idée de ce tour, magique.

Il passe la main au-dessus du verre et, à ce moment précis, la fleur commence à pousser, pousser, pousser, dépassant le crâne de cet homme.

J'entends glousser une petite fille à côté de moi, la bouche grande ouverte, les yeux émerveillés.

— Ce n'est qu'un tour de magie, je peux le faire aussi. Dis-je en marmonnant.

La petite fille, haute comme trois pommes, se tourne vers moi, ses petits poings sur les hanches et me répond d'une voix très aiguë. Elle ressemble à Cassie et aussi à ce Chinchilla enragé, qu'Ian m'a montré la veille.

— Tu ne comprends pas, il faut y croire pour que ce soit réel !

— Mais ce n'est pas réel. Lui répondis-je en lui tirant la langue.

— Tu gâches tout. La magie est la force la plus puissante du monde.

— Pas les dieux ? Arquai-je d'un sourcil.

— C'est la magie des dieux. Avoua la petite dans une voix un peu plus faible.

— Je ne comprends pas, comment la magie peut-elle être réelle - si les Dieux peuvent tout faire ?

— Si nous croyons en quelque chose, c'est qu'elle existe ! Elle expose fièrement son avis en pointant son index droit vers le ciel.

— Dis pas de conneries. Grandis un peu gamine. Feulai-je d'une voix profonde.

J'allais partir quand elle me renvoya la balle de notre débat.

— C'est toi qui dis des bêtises.

Je me retourne alors vers elle et renchéris.

— Ah ouais ?

— Tu gâches la magie.

Je souris.

— Tu te la gâches toute seule.

— Non, c'est toi. Souligne l'enfant.

— Toi. Je renchéris, telle une enfant de 4 ans.

— Toi. Insiste la petite.

— Toi. M'empressai-je de répéter en me baissant à son niveau

— Toi. Riposte t-elle

— Mouaah-ha-ha-ha. Je fais semblant d'exprimer un rire démoniaque.

— Stop ! M'ordonne cette petite canaille.

Je vois ses yeux se tapisser de larmes. Intérieurement, je jubile.

— Pourquoi je devrais arrêter ? Formulai-je en la fixant d'un regard sombre.

— Ce n'est pas bien.

— Dis-moi pourquoi. Dis-je d'une voix plus forte et puissante, presque menaçante

— T-Tu gâches la m-magie. Bégaie-t-elle tout en essayant de tenir mon regard.

Je dois avouer que cette gamine a du cran.

— Mais pourquoi, explique-moi.

Je soulève légèrement les épaules, les bras écartés, lui montrant mon incompréhension.

— La magie est gâchée.

— Contente d'avoir gâché ta journée, petite princesse pourrie gâtée.

— Hey... Tu ne peux pas dire ça, c'est méchant.

— Regarde-moi faire !

Je frotte mes mains comme pour faire du feu. C'est que les températures sont encore un peu basses.

— S'il te plaît, non.

Je la vois reculer de quelques pas, une expression effrayée sur son visage.

— S'il te plaît, non. Répétai-je exactement sa phrase et intonation, pour me moquer d'elle.

— T-Ton existence entière est u-un problème. Bredouille t-elle.

J'écarquille les yeux face à sa remarque. Un grand frisson s'insinue sous mon épiderme et vient glisser un large sourire forcé sur mes lèvres.

— Oh vraiment ? Ripostai-je en me rapprochant d'elle.

— Votre présence me dérange.

Elle ferme ses paupières, tentant de me faire disparaître.

— Quoi, princesse, tu as vu un monstre ? Chuchotai-je à quelques millimètres de son oreille.

— C'est toi... L-le m-monstre.

— Quel compliment ! Chantonnai-je.

Je m'applaudis toute seule et le son lui fit ouvrir ses yeux bleu acier. J'en profite pour lui montrer mon majeur.

— Tu es un monstre ! Hurle la petite fille.

— Oui, j'en suis un, attention, je viendrai la nuit, manger tes orteils s'ils dépassent du lit.

J'avance mes doigts vers elle, mimant un monstre se léchant les babines. Je la sens se raidir et frissonner. Prête à lâcher un flot de larmes.

Elle a peur. J'ai gagné.

— T'as gagné !

— Je sais.

— Je veux plus te voir, sorcière !

Crie-t-elle d'énervement et de frustration avant de partir en courant à la recherche de ses parents dans la foule.

L'homme continue à faire ses tours de magie, tandis qu'une belle migraine prend d'assaut le côté gauche de ma tempe.

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