Chapitre 29
30 avril, Downtown Los Angeles
Walter Prescott avait proposé un rendez-vous devant l’ancien building du LA Times, en plein cœur de Downtown Los Angeles. La rédaction et les rotatives n’occupaient plus le bâtiment mais outre l’édifice lui-même, il restait une intéressante exposition de matériels et de photos d’archives. Il proposa à Julie d’aller discuter dans un café proche, tandis que le reste du petit groupe s’intéressait à l’histoire du journal.
Walter collaborait régulièrement au sein de l’ICIJ, le réseau d’investigation international qui avait à son actif quelques dossiers spectaculaires, comme les fameux « Panama Papers ». Il disposait donc de solides sources et moyens d’accès à des informations non officielles. L’homme lui-même n’avait pas un physique particulièrement remarquable, de taille moyenne, la silhouette enveloppée avec de grosses lunettes de myope à monture noire, davantage le style geek que James Bond.
Il accueillit Julie avec enthousiasme et après avoir échangé quelques nouvelles, il entra dans le vif du sujet.
— J’ai réussi à obtenir quelques infos intéressantes sur Pacific Page Inc., disons PPI pour faire court. La société a été fondée par Lionel Page, il y a une trentaine d’années. Peu de temps avant son décès, Page a procédé à une augmentation de capital et a fait entrer quelques investisseurs minoritaires. Il a également recruté Phil Blankart comme directeur financier. Lorsque Page est mort, sa veuve a étendu les responsabilités de Blankart et l’a nommé Chief Executive Officer. Il avait donc les coudées franches pour diriger la société à sa guise.
— Jusque-là, je ne vois rien d’anormal.
— En effet, c’est maintenant que ça devient intéressant. Dans les premières années, sous la direction de Lionel Page, PPI a opéré de façon très classique, essentiellement en achetant et revendant avec profit des biens immobiliers de haut de gamme. Un bon petit business sans gros risques, à rentabilité satisfaisante. Blankart a changé ce modèle il y a une dizaine d’années. La société a investi dans de plus gros projets, en Californie du sud mais aussi au Mexique. La part des partenaires a grimpé, mais en dessous de la majorité. Jusqu’à présent, Samantha Page tenait bon, mais il semble qu’elle subissait des pressions assez forte pour abandonner le contrôle.
— Et tu sais qui sont les autres actionnaires ?
— C’est assez opaque. On remonte à quelques sociétés écrans, dans des iles paradisiaques, puis ensuite c’est fini. Je ne serais pas surpris qu’un cartel se cache derrière tout ça. C’est un de leurs modèles favoris de blanchiment. Il faudrait enquêter autour de Blankart. Les administrateurs qu’il a fait entrer au board de PPI sont tous de parfaits inconnus, et c’est surprenant, mais ça sort de mes compétences.
— Je vais remonter l’info à mes amis, ils ont peut-être des moyens d’en savoir un peu plus. Ça nous donne déjà quelques idées à approfondir. Si tu as d’autres éléments, on sera toujours preneurs.
— J’ai envoyé quelques sondes, j’espère avoir du nouveau d’ici un ou deux jours.
— C’est vraiment sympa de ta part, je te tiens au courant de ce que l’on trouve de notre côté.
— Julie, fais attention quand même, ces gens peuvent être très dangereux.
— Je te remercie Walt, j’ai un ange gardien.
Brigitte et ses deux compagnons avaient rapidement fait le tour de l’exposition de matériel d’imprimerie. Ils avaient passé un moment à parcourir la collection de photos retraçant la chronologie du journal et ils furent heureux de voir Julie venir les rejoindre.
— Alors, qu’as-tu appris, demanda Ange ?
— Blankart ne semble pas très net, il a des amis qui sentent un peu le soufre, ou plutôt la poudre, blanche. Il se pourrait qu’ils aient essayé de « convaincre » Sam de leur céder le contrôle de la société PPI pour en faire une machine à laver l’argent sale.
— Est-ce qu’une clinique d’esthétique peut blanchir de l’argent ? Ce n’est pas un casino, questionna Philippe.
— Si tu paies très cher des travaux et qu’ensuite tu surfactures les interventions payées en cash, ça peut devenir très juteux, commenta Ange.
— Oui, mais il faudrait que les associés de la clinique jouent le jeu, objecta le médecin.
— En effet, Shaina et John ne sont sûrement pas partie prenante dans ce trafic, mais que sait-on des autres ?
— Exact, ce serait intéressant d’en savoir un peu plus sur les associés de John.
— Il m’a invité à visiter les installations de Sunny Vale et de suivre quelques opérations, dit Philippe, ce serait une bonne occasion de chercher à en savoir un peu plus.
— Attention, dit Julie, s’il y a derrière tout ça une organisation criminelle, ça peut être dangereux. La mort de Sam n’est sûrement pas accidentelle.
— Je suis un ancien condisciple de John, de passage en Californie, il n’y a rien de surprenant à ce que je passe une journée avec lui au bloc opératoire.
— OK, dit Ange, mais ne joue pas trop à l’inspecteur Colombo.
— J’en parlais justement ce matin à ma femme, répondit Philippe avec un clin d’œil.
— Très drôle, ajouta Brigitte, mais tu as oublié ton imperméable à Versailles.
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