Tablette Isyliard
Les yeux rivés sur le chemin devant elle, Vallia pressait le pas, poussée par l’impatience. A la tête du petit cortège, son allure forçait ses compagnons à tenir la cadence pour ne pas la perdre.
« L’emzivaded ne va pas s’envoler, lui fit remarquer Ashron.
—Il me tarde, c’est tout. »
Et elle accéléra encore, jusqu’à enfin voir le bâtiment au loin. Il était exactement comme elle l’avait laissé, calme et paisible à l’extérieur. Soudain, la quiétude se mua en cris aigues et une multitude de silhouettes désordonnées se précipitèrent sur Vallia. En un instant, une dizaine d’enfants surexcités l’entouraient.
Puis ce fut au tour d’Ashron d’être assaillit, devant les yeux surpris des Nioménés et de Guidomex. Puis l’acec’hweld passant, le temps fut donné au repos pour les harzerezhiés, entrecoupés par la turbulence des petits pensionnaires.
A la tombé de l’Heolar, le repas et le coucher furent proposé par Nelia aux visiteurs, et tous se retrouvèrent attablés dans une cohue qui amusèrent Mayelle et Haria.
Puis le calme vint à l’hweld’acec.
Allongée sur le lit de son ancienne chambre, Vallia sentait la douce sensation de sommeil l’envahir, quand quelqu’un frappa à sa porte.
« Qui est-ce ? demanda-t-elle en forçant ses yeux à s’ouvrir.
— Ashron. »
Surprise par cette visite impromptue, elle se leva et enfila une tenue plus adaptée pour l’accueillir, puis le laissa entrer.
« Tu dois me promettre que ce que je vais te dire restera entre nous, commença Ashron agité.
— Mais de quoi parles-tu ? demanda Vallia, l’esprit encore embrumé par le sommeil qui s’acharnait à l’étreindre. »
Les yeux déterminés, Ashron lui tendit sa lame. D’abord interloquée, Vallia s’approcha pour effleurer l’acier froid qui luisait à la lumière de sa chambre.
« Vallia, résonna un chuchotement dans la tête de l’eraiéé. »
La surprise fut telle que Vallia recula sa main, tout comme le reste de son corps. Elle fixa l’arme ornée de ses grands cercles, puis dévisagea Ashron de ses yeux pleins de questions.
« Toi aussi tu l’as entendu ? lui demanda-t-il. Elle n’arrête pas de me susurrer des mots à chaque fois que je la touche depuis tout à l’heure. Et ce n’est pas la première fois.
— Oui j’ai entendu. Elle a prononcé mon nom. Mais toi, qu’est-ce qu’elle te dit ?
— Rien de précis, que des mots : Méfiance, traitrise, chercher, confondre.
— C’est tout ?
— Cette arme ne distille que des mots dans ma tête. Et depuis, je n’arrête pas de me demander comment la Komunozhra a pu attaquer sans que Killei n’en soit averti.
— Et le fait que ton arme te parle ne t’interpelle pas ? »
Les yeux d’Ashron fixèrent Vallia qui lui lança un sourire moqueur. L’eraié se détendit et s’assit à côté d’elle.
« Tu as raison, c’est inquiétant. Mais moins qu’un espion de la Komunozhra parmi nous. Car seule cette explication me convient »
Vallia resta un instant muette, le regard fixé sur un objet invisible devant elle.
« Si c’est vrai, alors il faut rester prudent et éviter de trop en dire. Pas besoin de s’épancher sur les révélations d’Hatameth. »
Ashron approuva en attrapant le manche de Ragnarok, espérant avoir d’autres mots pour le guider.
Mais seul le silence lui répondit.
L’ancien Exetra Prime se leva et quitta la chambre de Vallia après l’avoir saluée. Puis il arpentât les calmes couloirs de l’emzivaded pour retourner dans la sienne afin de prendre du repos.
De nouveau allongée et seule, Vallia fixait le triste plafond, le sommeil semblant ne plus vouloir d’elle à cause des sentiments contradictoires qui assaillaient son esprit. Quand elle a su qu’Ashron était derrière la porte, une enivrante chaleur s’était emparée de son corps. En un instant, les rythmes de son cœur s’étaient emballés, au point de perturber le souffle de sa respiration.
L’acec’hweld suivant, Guidomex, Haria et Sirux étaient levés à les attendre lorsque Ashron et Vallia terminèrent leurs adieux aux enfants de l’emzivaded. Puis les cinq harzerezhiés retournèrent au nijve pour rapidement se retrouver dans le hub.
« Un peu d’aide ? demanda Vallia en regardant Guidomex se servir un kefa, sa chaude boisson amère infusée de graines Isyliardiéés.
— Pas de refus, je n’arrive à rien ce matin. »
Voyant l’eraié se servir, tous demandèrent à Vallia s’il pouvait aussi se réveiller avec une tasse. Sans rechigner, elle en prépara pour tout le monde, sauf pour Ashron qui était entrainé par Mayelle à l’arrière de l’engin.
Dans une des cabines, l’eraiéé fixait l’ancien Exetra Prime en le dévorant du regard.
« Cela fait si longtemps qu’on ne s’est pas retrouvé seul tous les deux.
— Nous n’avons pas vraiment de répit… commença Ashron »
Mais Mayelle se jeta sur ses lèvres, en collant son corps contre le sien. Ashron ressentait les battements rapides de son cœur qui se mêlaient au sien. Ressentant les bras de l’eraiéé qui entourait son cou, il lui enlaça la taille pour lui rendre son baiser.
Mais son esprit n’y était pas.
Mayelle recula son visage rougi par l’émotion et colla son front contre le sien.
« J’aimerai qu’on s’accorde plus de temps tous les deux. Tes baisers me manquent »
Ashron répondit par un sourire qu’il figea sur son visage, avant de lui prendre la main pour s’en retourner au hub. Dans la grande salle, Mayelle remarqua son frère et sa sœur aux fourneaux et leur prêta son aide, tandis qu’Ashron parti rejoindre Guidomex.
« Où allons-nous à ton avis ? demanda ce dernier.
— Isyliard ».
Avec l’écran tactile lui faisant face, Guidomex transféra d’un geste habile des doigts les informations au poste de pilotage.
« Mangeons avant de partir ! » proposa Mayelle en dressant la table.
Acquiesçant à la proposition, Guidomex et Ashron aidèrent l’eraiéé, tandis que Sirux partie querir Vallia occupée dans la cabine de pilotage.
Vu la vitesse avec laquelle Ashron, Guidomex et Sirux mangèrent leur part, la préparation des Nioménés était une grande réussite. Suite au festin, quelques instants se perdirent dans des discussions, avant que Vallia ne proposât de rejoindre leur prochaine destination.
« Il est temps, on décolle.» annonça Sirux en se dirigeant vers la cabine de pilotage, suivit par Haria et Guidomex.
Dans un révérant silence, révélateur d’une gêne naissante, les trois autres rangèrent le hub sans mot dire. Parfois, Ashron regardait l’une ou l’autre eraiéés l’aidant, mais aucun mot ne sortit de sa bouche. Peut-être était-ce pour le mieux ? se dit-il.
Grâce à la célérité des propulseurs d’amatia, les mers de l’ura furent rapidement franchies. Les yeux de Sirux admirent l’aridité des paysages défilant d’Isyliard. A travers la verrière, la roche pourpre et stérile défilait sans qu’aucune expression de végétation ne soit visible à cette vitesse.
« C’est la première fois que je me rend sur ce continent, dit Sirux, surpris par ce qu’il voyait.
— Le climat ici est bien plus chaud et sec que sur Aliard, expliqua Ashron. Oubliez les plaines verdoyantes d’Adrais ou d’Alaris, vous ne trouverez ici que de la roche et du sable à perte de vue. »
Souhaitant éviter d’être repéré, Vallia scanna la région en quête d’un endroit écarté de Solaris, sa principale citée. Les rayonnements dispersés par l’amatia permirent aisément de cartographier les environs et de déterminer l’emplacement adéquat. Après un atterrissage toujours aussi maîtrisé par Sirux, Haria débarqua l’aerliestr pour que tous y prennent place, avant que son champ de force ne les élançât vers la cité de l’Heolar.
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