Tablette daeraouenn

6 minutes de lecture

Usant de ses dernières forces, Vallia poussa le rocher au-dessus d’elle avec ses mains rougis par le sang. Sous son corps tuméfié gisait Ashron, blessé et inconscient. Juste avant la destruction d’Atomium, La main de ce dernier s’était glissée dans la sienne. Un flux chaud et agréable avait ensuite étreint son être et Aurora explosa d’intensité jusqu’à totalement les protéger.

Vallia posa son oreille sur le torse d’Ashron et au son de son cœur battant, le sien se calma. Elle profita un instant du soulagement, puis se releva péniblement. Ses yeux fixèrent les ruines qui l’entouraient, puis la fumée qui s’élevaient des pierres brisées et des cadavres eraiés gisant en leur sein. Le fumet braiseux envahissant l’air lui provoqua la nausée.

Vallia souleva Ashron par le bras, le passa péniblement autour de son cou et commença à marcher. A chaque mouvement, ses dents se serraient les unes contre les autres et les entailles sur son corps peinaient à retenir le sang qui ne demandaient qu’à se répandre au sol.

Elle scruta les alentours, cherchant un moyen pour s’échapper de cette désolation. Soudain, un des aerliestr les ayant conduits à l’apalez était intact. Elle déposa délicatement Ashron et se pressa vers le véhicule. A son bord, son démarrage fut rapide et les moteurs d’amatia rugirent à l’idée de cracher le minerai. Puis elle alla chercher son compagnon gisant au milieu des ruines.

En trainant Ashron vers l’aerliestr, Vallia remarqua la grande lame de ce dernier parmi les décombres. Après l’avoir installer, elle partit récupérer Ragnarok pour la hisser sans efforts dans le véhicule, puis l’élança afin de laisser l’apocalypse derrière elle.

En pilotant, Vallia sentit les larmes envahir ses yeux. Elle ne savait ni où aller, ni quoi faire. Ashron était inconscient et leurs compagnons devaient être morts. Tout à coup, la vision de Serath mettant fin à la vie de Mayelle lui frappa l’esprit, provoquant une embardée de l’aéroglisseur qui frôla une habitation.

Reprenant légèrement le dessus, Vallia conduisait au hasard sans vraiment choisir de direction. Une rue apparaissait à droite ? Elle l’empruntait. Une autre à gauche ? Elle la suivait. Et au bout de quelques instants, une patrouille d’exetras lui somma de s’arrêter.

Epuisée et fatiguée de se battre, Vallia obtempéra. Mais lorsque les exetras arrivèrent à son niveau, elle écrasa la manette d’amatia pour élancer l’aerliestr.

Une course poursuite s’engagea.

A chaque coup de volant, l’eraiéé jetait des regards derrière pour voir ses poursuivants. Elle avait beau bifurquer à chaque rue, pousser l’amatia au maximum et tenter des manœuvres parfois osées mais rien n’y faisait. L’aerliestr ennemie était toujours à sa poursuite.

Rapidement, un deuxième véhicule rejoignit son poursuivant. Serrant les dents à l’idée de la douleur à venir, Vallia écrasa le frein pour laisser ses deux poursuivants la dépasser, puis sauta de l’aerliestr pour incanter fulmen.

Les deux engins crépitèrent à la foudre les frappant.

Epuisée mais sur ses deux jambes, elle reprit les commandes de son véhicule pour l’élancer dans les rues, sous les regards apeurés des isyliardiés. Soudain, Vallia déboucha sur l’immense et célèbre mandrak de Solaris Urania, remplis de drakmas prêts à s’élancer dans les mers d’Era. La lumière de l’Heolar déclinant, elle décida de se garer dans une ruelle déserte pour ne pas attirer l’attention. Puis elle attendit que la pénombre n’envahisse toute la cité de l’ura, tout en fixant Ashron paisiblement évanouit.

A la noirceur de l’hweld’acec, Vallia passa à l’action. Durant son attente, ses réflexions aboutirent à une fuite d’Isyliard en drakma, profitant des exportations d’amatia vers Aliard pour rejoindre leur continent.

L’embarcation choisie, un drakma isolée en cours de chargement, Vallia reprit son engin pour l’amener à son embarcadère. Une lente procession d’aerliestrs se succédait pour charger les soutes du drakma. Profitant d’un moment d’inattention des ouvriers présents, Vallia inséra son aerliestr dans la file et adapta son allure pour feindre ses intentions.

Le rapide coup d’œil lancé derrière elle confirma cependant que le conducteur la précédent avait vu sa manœuvre. Mais l’air désintéressé de l’omiardié au regard ternit par le joug qu’exerçait les isyliardiés sur lui est certainement ses proches confirma qu’il ne dirait rien.

Arrivés dans la soute, Vallia faufila son aerliestr pour le dissimuler derrière une pile de conteneurs puant l’amatia. Derrière un tel mur de métal, personne ne viendrait la chercher. Après avoir stoppé le moteur, elle s’affala au fond de son siège, la main sur le front et son corps entier relâchant la pression. Faisait-elle le bon choix ? se demanda-t-elle en essuyant ses larmes naissantes. Elle regarda Ashron en passant dans l’habitacle et son corps alla se blottir contre le sien.

Puis elle laissa le sommeil l’envahir.

Les mains posés sur ses cuisses pour se relever, Guidomex grimaça en ressentant son corps endolorit par la déflagration. Entouré par des murs détruits et des ruines fumantes, l’eraié déambula en se remémorant les raison d’une telle désolation. Puis le visage de Mayelle transpercé par la longue et fine épée de leur ennemi lui fit fermer les yeux, par reflexe. Le souvenir du cri d’Haria à la vue de cette scène le pétrifia d’effroi, une nouvelle fois.

Guidomex s’évada de son cauchemar pour chercher ses deux compagnons. Il vit Sirux qui s’extirpait péniblement des cylindres d’acier lui bloquant les jambes et alla l’aider.

« Ça va ? lui demanda-t-il.

— Je ne sais pas. Je ne sais plus.

— Reste ici, je vais chercher Haria.»

Comme pour l’aider à aller mieux, Sirux secoua la tête, puis remarqua une jambe ensanglantée sortant des décombres.

« Là ! cria-t-il. »

Les deux eraiés déblayèrent les débris jusqu’à laisser le sang jaillir de leurs mains. Puis le corps d’Haria s’extirpa des gravats.

« Haria ! Tu m’entends ?! hurla Guidomex.

— Je t’en prie, ajouta Sirux, paniqué »

Doucement, l’eraiéé ouvrit les yeux pour voir son frère et son compagnon au-dessus d’elle. Son corps la faisait souffrir mais elle parvint laborieusement à se redresser. Instinctivement, ses bras se tendirent vers Guidomex qui l’enserra.

« Que s’est-il passé ? demanda-t-elle.

— Une violente explosion et tout nous est tombé dessus, répondit Guidomex en la serrant.

— Mayelle ! s’écria d’un coup Haria en s’agitant. »

Devant ses gestes confus et incontrôlables, Guidomex relâcha son étreinte pour éviter de prendre un coup. Le souvenir du combat de Serath et Mayelle contre Ashron et Vallia revint aux esprits meurtris par son issue. Des larmes coulèrent sur les joues de l’eraiéé pour se muer en un effroyable sanglot d’une sœur ayant perdu sa cadette.

« Où est-elle ? Ou est Mayelle ? balbutia-t-elle, le regard cherchant autour d’elle les yeux de celle qu’elle avait vu naître.

— Mayelle est morte ! lança Sirux à sa sœur. Mais je ne repartirais pas avant d’avoir trouvé son corps !

— Pourquoi lui parler ainsi ? s’énerva Guidomex. »

Mais Sirux ne l’écoutait déjà plus et, le regard presque fou, chercha comment remonter à la surface. Les geôles de l’apalez étant en sous-sol, un escalier était forcément présent, quelque part. Frénétique, l’eraié le trouva rapidement et tous les trois empruntèrent les marches pour rejoindre la surface. A l’air libre, le même spectacle qu’avait vu Vallia s’offrit à eux.

Sur plusieurs centaines de piecs, ou peut-être même des milliers, des restes de l’apalez s’étendaient. La fumée, les pleurs et l’agitation foisonnaient. Un nombre important d’isyliardiés affluaient sur la place à la recherche de survivants et de la cause d’une telle catastrophe.

Sirux ignora la scène et se précipita vers l’endroit où pouvait se trouver Mayelle. Puis il déblaya, toujours aussi frénétique. Guidomex le suivit et usa de ses mains fatiguées pour l’aider en enlevant les pierres fumantes.

Au bout d’un long et laborieux moment, une main émergea des décombres. Petit à petit, à force de dégager ce qui pouvait l’être, le corps sans vie de Mayelle émergea. Une nausée étreignit Haria à la vue du visage balafré de sa sœur, la forçant à détourner la tête. A l’inverse, celle de Sirux resta tournée vers sa petite sœur.

Killei, Adony, et maintenant Mayelle.

« Il l’a utilisée comme un outil pour atteindre Ashron, rumina Guidomex.

— Ashron… marmonna Sirux, le regard noirci par la peine.

— Nous devons partir d’ici et retourner au nijve.

— Je sais. »

Après avoir vomi plusieurs fois, Haria s’était accrochée au corps de Mayelle et toute tentative de la faire lâcher était vaine. Guidomex et Sirux attendirent donc, le temps qu’elle reprît ses esprits. Petit à petit, les sanglots d’Haria furent recouverts par les isyliardiés affluant sur la place pour progressivement accompagner cette dernière dans un concert de lamentations.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire lockeff ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0