mardi 22 novembre – L’envie

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Cher Journal,

Sous un timide rayon de soleil qui résiste aux nuages matinaux pour prouver qu’il existe, j'attrape mon stylo avant de vivre ma journée. Souvenez-vous du type démotivé qui se caillait le cul en Bretagne… Non, oubliez-le ! Applaudissez celui qui ne renonce pas à ses rêves en rentrant chez lui. Tel un rasta qui coupe ses dreadlocks et rase son crâne : même personne, état d'esprit différent.

Ce dont je rêve le plus en ce moment ? Tarte aux pommes maison. Pâte brisée à la main. Pommes du marché. Reine de reinette. Épluchage parfait. Découpe propre. Rangement régulier. Satisfaisant. Encore tiède dans l’assiette. Nappage caramel beurre salé. Boule de glace vanille. Façon grand-mère normande.

Ça, et ma putain de vie de guitariste. Avant de profiter du dessert, je dois entrer en action. Les doutes d'hier n'existent plus : il est temps d'ouvrir le putain de carton de la putain de guitare ! Aujourd'hui ! Vous pensiez que je n’allais jamais m’en occuper ? Moi aussi. Je veux donner tort à tout le monde, surtout à moi.

Je suis l’alcoolique annonçant depuis dix ans :

« Demain, j’arrête ! »

Et qui se contente enfin d'un verre d’eau.

Je suis la grand-mère à qui on sort tous les mois :

« Je viens te voir bientôt ! »

Et qui entend finalement sonner à sa porte.

Je suis le père qui tient sa promesse d’il y a six ans en emmenant ses enfants à Disneyland.

Je suis le chien qui croise un autre chien et c’est cool parce qu’il n'en voit pas souvent du coup il est tout content il a envie d’aller le voir c'est un nouveau copain chien ça le rend heureux vu que normalement il est que avec des humains ils sont bien les humains mais là c'est un autre chien donc là il veut jouer avec et j’arrête ces métaphores parce que je ne sais pas où je vais avec et vous avez compris l’idée.

Ce carton traîne dans ma piaule depuis trop longtemps, un vrai squatteur de maison, passé trois jours sans que personne ne le déloge, ça devient chez lui, il peut inviter sa femme, ses enfants, toute sa famille à manger, il se fait plaisir ! Sauf qu’ici, Monsieur le Carton, t’es chez moi, je suis là, et si je te demande de partir, tu pars ! Rien ne m’arrêtera ce matin, surtout pas un vulgaire carton sur lequel est écrit « fragile », il n'y a de la place que pour un seul fragile ici, et c'est moi !

J'arrête d'écrire ce matin, je reprends ce soir après avoir réussi ma journée. Vous verrez que je peux y arriver, comme le chien réussi sa journée en croisant le chien du voisin dans le jardin qui le voit jouer tout seul et qui aimerait… Ok, j’arrête les métaphores.

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Le timide rayon de soleil est couché depuis bien longtemps, j'attrape mon stylo pour conclure cette journée.

Objectif réussi : j'ai ouvert le carton. Ça m'a pris une minute. Il y avait bien une guitare à l'intérieur. Celle que j'ai commandée.

Elle a une corde cassée.

La guitare n'a que cinq cordes. J'aimerais la changer, mais j'ai mis vingt-deux jours pour ouvrir un carton qui traînait chez moi : à votre avis, il m’en faudrait combien pour changer une corde sachant qu'aucune ne traîne chez moi ? Et le truc en métal censé la maintenir s'est barré aussi. J'ai vingt jours de garantie sur la guitare. Je l’ai depuis vingt-deux jours. Elle en a mis vingt-quatre pour m'être livrée. Impossible d’en recevoir une autre… C'est mort pour la guitare.

Comme un chien prêt pour sa promenade, mais obligé de rentrer, parce qu'il pleut. Et qui se fait engueuler parce qu'il salit la maison avec ses poils mouillés, alors que ce n'est pas de sa faute s'il pleut. Son moment rêvé se transforme en moment de merde.

Les doutes d'hier n'existent plus : voici la colère de tout à l'heure, la tristesse de maintenant, et l'abandon de demain.

Un rêve qui m'échappe. Il m'en restait un autre à réaliser : je suis passé à la boulangerie.

Il n'y avait plus de tarte aux pommes.

Journée de merde.

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