Chapitre 2-5

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Dès son retour chez elle, grâce aux exercices de respiration et de relaxation de Jean, aux tisanes d'herbes de Wa, mais surtout parce qu'elle acceptait la situation, Lili commençait à se sentir mieux. Cette histoire d'esprit supérieur, d'âme qui cohabitait avec la sienne dans son corps, était insolite mais elle retrouvait un peu d'énergie et son caractère combatif. Alors commença une sorte de jeu de questions–réponses où Lili demandait et la Voix expliquait. Lorsqu'elle relisait ses retranscriptions de la pochette orange, elle avait honte :

« Que veux-tu ?

♪ que la vie triomphe ♪

— Que la vie triomphe de quoi ? De la mort ?

♪ la mort c'est la vie vous avez pris sa place ♪

— Qui ça, vous ?

♪ les humains ♪

— Attends, j'ai rien fait moi !

♪ tu vas défaire ♪

— Ah bon. Qu'est-ce que tu veux que je défasse ?

♪ tu le sauras quand tu le feras ♪

— ... »

À présent, Lili téléphonait à Jean dès qu'elle en éprouvait le besoin. Ces échanges réguliers avec le praticien et sa femme, et le soutien indéfectible de Zalia, lui permettaient d'avancer à grands pas dans le travail que la Voix lui confiait. Elle finit par s'habituer à cette "entité surnaturelle", toujours douce, ne refusant jamais de converser. Cette dernière attendait même, à présent, qu'elle la sollicite pour se manifester. Plus étonnant encore, Lili prenait goût à ces petits bavardages intérieurs.

La Voix ne répondait pas toujours à ses interrogations. Cela dépendait de la pertinence de ses questions. Du coup, chacun de ses mots avait plus de valeur, plus de poids. Qui qu'Elle fût, cette Voix poursuivait un but et la mission de Lili semblait être de rapporter, en les vulgarisant, ses propos.

Petit à petit, une sorte de rapport de maître à élève, très sain et agréable, s'instaura. Elles parvinrent à communiquer. Afin de ne pas perdre une miette de ses sacrées paroles, Lili entreprit de se filmer. Elle posait ses questions et répétait les réponses de la Voix. Ensuite, patiemment, elle romançait ces interviews d'un genre particulier. Puis, elle lisait tout haut et la Voix validait, ou pas, les chapitres de son livre.

Lili était l'écrivain fantôme de cette "âme mère". Elle s'investissait dans ce qu'elle considérait à présent comme une mission, sa contribution dans ce que la Voix souhaitait déclencher. De plus, ce qu'elle transcrivait lui plaisait beaucoup. Au fil des pages, leur livre devenait un mode d'emploi et Lili riait en songeant à la tête de ceux qui un jour le tiendrait entre leurs mains. Elle imaginait ces visages : souriants comme le sien ou bien grimaçants, se révoltant, s'insurgeant, hurlant... Ce texte était provocateur, déstabilisant, mais il apportait des solutions concrètes.

Lorsque la Voix confirma que le manuscrit convenait, Jean se renseigna auprès des libraires afin de dénicher une Maison d'Édition à la ligne éditoriale adéquate.

Un rocailleux « Tu viens manger ? » d'Henri, fit sursauter Dimitri et le ramena à la réalité.

Son portable affichait 18 : 30. Un peu tôt tout de même. Pouvait-il décemment esquiver ? Il soupira et cria « J'arrive ! »

Son grand-père devait trouver le temps long pour avancer l'heure du repas à ce point. Avec Alice, c'était dix-neuf heures trente. Lorsqu'il le rejoignit, un livre de cuisine trônait sur la table, ouvert à la page du gratin dauphinois, un kilo de patates et un économe l'attendaient, Henri avait déjà attaqué l'épluchage. Le message était clair ! Il prit place, se saisit d'une pomme de terre et parcourut rapidement la recette. Henri, serrant les lèvres, s'appliquait. Dim s'enquit de ses activités de l'après-midi. Le vieux haussa les épaules et l'interrogea en retour : « C'était qui hier ? » Résigné, son petit-fils raconta sa soirée en détail. Puis, ils regardèrent les informations régionales pendant que le gratin gratinait.

Henri esquissa un sourire en goûtant le plat, plutôt bien réussi. Lui rappela leur rendez-vous chez le notaire, entre le fromage et rien. Puis s'installa de nouveau face au petit écran.

Sûr que son grand-père allait encore piquer du nez, Dimitri remonta dans sa chambre sans rien ajouter. Alice lui manquait énormément, il ne s'était jamais rendu compte à quel point son grand-père était un ours, du temps où sa grand-mère remplissait l'espace et le silence. La cohabitation risquait de s'avérer plus difficile qu'il ne l'avait imaginée. Il sécha une larme naissante et reprit Le livre des femmes au chapitre trois :

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