Chapitre 19 - Découverte
Askel ne s’était pas trompé, dès la fin de semaine, l’ambiance se fit moins lourde. Tout d’abord Ishta n’en comprit pas la raison, mais, un jour où elle passait avec Astrid devant une des pièces servant d’entrepôt, elle entendit des bruits horriblement familiers. Le bruit régulier et humide de la chaire contre la chaire, les gémissements de douleur féminins étouffés. Ishta se figea, interdite. Elle savait que les hommes Íbúa ne pouvaient utiliser une femme qui n’était pas la leur sans son accord et elle ne comprenait toujours pas pourquoi cette dernière accepterait. Elle n’avait aucun moyen de savoir si l’homme se soulageait avec sa femme ou s’il s’imposait sur une autre mais dans le doute, ne devait-elle pas intervenir ? Pour la première fois de sa vie, son appel à l’aide serait entendu.
Mais Astrid lui prit le bras, le rouge aux joues, et la força à avancer. Dans un murmure glissé à son oreille elle expliqua :
« Laissons-les tranquilles. Tout le monde a besoin de libérer la tension de temps en temps. »
Astrid tournait de l’œil alors que quelqu’un était dans le besoin ? Cela ne lui ressemblait pas, Ishta retourna avec elle dans la salle commune, préoccupée. L’idée qu’elle avait peut être laisser quelque chose d’horrible arriver ne voulait pas sortir de sa tête. Mais quelques minutes plus tard, un couple sorti du couloir. La femme, légèrement décoiffée, esquissait des sourires tendres à son mari qui lui murmurait doucement quelque chose à l’oreille. Elle éclata de rire, les joues rouges et chacun reparti à son groupe de travail.
Visiblement, rien d’affreux ne s’était passé mais la situation laissa Ishta encore plus confuse qu’avant.
Cependant le malaise ne resta pas longtemps, le confinement avait ses désavantages mais si il y a bien une chose qu’elle appréciait c’était qu’ils avaient enfin le temps de souffler un peu. Après la frénésie provoquée par les préparations du Storkan, c’était un plaisir de retrouver tout le monde chaque soir pour partager un repas. Les guerriers d’Ulrik l’accueillaient avec autant de plaisir qu’avant et elle était heureuse de voir que leurs femmes se joignaient au groupe. Elle retrouva également Einar, qui s’était éloigné du moment où elle était capable de communiquer seule. Elle découvrit qu’il ne faisait pas vraiment partie de leur groupe et qu’il n’était resté que pour l’aider, il se réjouit néanmoins de partager quelques repas avec eux.
Ces retrouvailles eurent un effet bénéfique aussi sur sa relation avec Ulrik. Au milieu des conversations avec tout le monde, ils s’étaient de nouveau rapprochés et la gêne entre eux ne se faisait presque plus ressentir. Il était toujours aussi prévenant envers elle et leurs échanges étaient redevenus fluides. Elle dût se rendre à l’évidence, leur éloignement l’avait laissée un peu perdue et elle se sentait soulagée de le retrouver.
Elle en avait presque oublié son futur mariage et Fryktebjorn. Mais, un soir vers la fin du mois, alors que Sigvald contait pour la énième fois comment le héros du clan avait renversé la première bataille contre les armées de la Dod Varmt, Ishta réalisa que l’homme bête devait sûrement apparaître sur les fresques de la grotte aux sources chaudes. Elle se sentit bête de ne pas y avoir pensé plus tôt et décida d’y faire un tour cette nuit même. Elle savait que l’accès au bassin était interdit après le repas du soir, pour permettre à l’eau de se renouveler, mais personne n’avait jamais dit qu’il était interdit d’entrer dans la pièce. Or, Ishta préférait être seule pour sa recherche. Découvrir à quoi pouvait bien ressembler son futur mari était quelque chose qu’elle voulait faire au calme, sans avoir à s’expliquer.
Aussi, une fois que ses compagnes de chambre furent endormies, elle sortit, prit une torche dans le couloir et se dirigea vers les bains. La chaleur lui fit du bien et elle était contente de ne porter que sa chemise et son jupon. Sa torche n’éclairait que peu la grotte mais elle ne voulait pas allumer toutes les torches pour son seul confort. Elle s’approcha des murs et commença à en étudier les motifs.
Elle reconnu certains mythes racontés lors des veillées. Comme la création du Fjord par Sygid alors qu’elle avait entaillé la terre de son épée alors qu’elle combattait le géant perfide qui voulait lui voler ses chèvres.
Elle retrouva aussi une de ses histoires préférées où Idunn, fille de pêcheur aveugle, était tombée amoureuse de Liut, Dieu arrogant et condescendant mais d’une beauté sans égale. Liut se moqua ouvertement d’elle lorsqu’elle se presenta au Hovedhuren des Dieux, la traitant de laideron. Sans se démonter, la jeune fille lui proposa un pari. Elle chanterait au milieu des autres déesses et Liut, les yeux bandés, devrait choisir le plus beaux des chants. S’il choisissait une des déesses, Idunn deviendrait son esclave à jamais, mais s’il choisissait le chant de la jeune fille, Liut devrait lui donner ses yeux et l’épouser. Certain que la gueuse n’arriverait jamais à la cheville d’une déesse, le jeune Dieu accepta et le concours commença. Lorsque la voix d’Idunn s’éleva, il est dit que même les pierres se mirent à pleurer. Vekel, dieu sanguinaire et maître d’arme, ne voyait plus rien d’autre qu’elle. Bien sur, Liut la choisit et dût lui donner ses yeux, mais il jura qu’une fois mariée il l’enfermerait dans une grotte dont jamais elle ne sortirait.
Vekel rentra dans une colère noire et tua Liut d’un coup de hache. Il s’agenouilla devant Idunn et lui offrit la tête de l’homme qui l’avait insultée.
« Je préfère que tu me haïsses plutôt que de te laisser sous la coupe d’un homme tel que lui. Mais si tu acceptes de m’épouser je jure de te chérir jusqu’à la fin du monde. »
Idunn accepta et Vekel tint sa promesse. Elle devint la déesse la plus aimée du Hovedhuren d’Or et Vekel la couvrit de tout ce qu’elle pouvait désirer. Depuis, à la fin de chaque bataille, alors que son mari est pris par la folie du sang, Idunn chante pour le calmer et le ramener à la raison. Son chant étant si pur qu’il sert de guide aux âmes perdues des guerriers tombés au combat, Idunn les accompagne alors jusqu’au Hovedhuren d’or où ils festoieront avec les dieux jusqu’à la fin du monde.
Ishta aimait les Dieux Íbúa autant qu’elle aimait leur peuple. Ils étaient pleins de défauts et commettaient des erreurs, ce qui les rendait attachants et plus proches d’eux. Chez les Íbúa, personne n’était parfait, même pas leurs Dieux. Et chacun était accepté tel qu’il était. Alors que le panthéon du Saam’Raji était la perfection à atteindre, le but que doit se donner l’âme pour une réincarnation réussie. Personne n’était jamais à la hauteur de ce que le monde attendait d’eux.
Ishta soupira, une fois de plus le Saam’Raji se surestimait.
Elle se détourna de la fresque et continua ses recherches. Il lui fallut un moment pour tomber enfin sur une de Fryktebjorn. Elle contait sa première intervention auprès du clan. Tout jeune à l’époque, il ne comptait que deux ou trois dizaines de personne et quelques chèvres, quand une famille d’Etin les prit pour cible. Les six géants se jetèrent sur le petit village et Fryktebjorn vint à sa rescousse depuis sa tanière dans les montagnes.
Ishta retint son souffle quand elle le vit. Deux fois la taille des autres hommes, une fourrure en bataille, des bois de cerf gigantesques et trois têtes de bête à la gueule béante, une de cerf, une d’ours et une de loup. Il était debout sur des pattes de chèvres et se battait avec deux haches gigantesques. Son torse d’homme était couvert de tatouages et de cicatrices.
Mais ce qui troubla le plus Ishta fut la gravure de sa tanière, comme une gueule géante et gémissante prête à avaler goulûment toute pauvre âme qui oserait passer devant. Avec des stalactites tombant du plafond comme des dents. Ce n’était sûrement qu’une coïncidence, après tout il n’y avait pas vraiment milles manières différentes de dessiner une grotte, mais la sensation de familiarité ne voulait pas la quitter.
Elle en était encore à analyser le dessin quand du bruit attira son attention dans l’escalier. Sans réfléchir plus que ça, elle plongea la torche dans le bassin le plus proche pour l’éteindre et se jeta derrière un rocher. Elle ne savait pas vraiment d’où venait sa réaction. Elle n’avait rien fait de mal ou d’interdit. Tout du moins c’est ce dont elle essaya de se convaincre. On lui avait bien dit que l’accès à l’eau était défendu, mais, encore une fois, rien n’avait été dit concernant la salle dans son intégralité.
Cependant, une partie de son cerveau conditionnée à la peur de l’erreur ne la laissa pas tranquille et elle se retrouva accroupis derrière le pic de pierre en espérant ne pas être vue. Elle était concentrée sur les bruits venant de l’escalier et bientôt la lueur d’une torche apparut. Elle les entendait plus distinctement maintenant, c’était un couple qui chuchotait et gloussait. Quand ils arrivèrent dans la pièce, l’homme accrocha la torche au mur d’une main alors que de l’autre il attrapait sa compagne par la taille pour l’embrasser. Elle se laissa faire avant de regarder autour d’elle.
« La mousse est allumée, quelqu’un devait être là il n’y a pas longtemps.
- Sûrement qu’un autre couple a eu la même idée que nous. Tu veux que j’éteigne la torche ? »
La femme acquiesça et l’homme récupéra la flamme et l’étouffa sous sa botte. Ishta fut surprise par l’obscurité mais immédiatement une lueur verdâtre se dégagea des murs tout autour d’elle. Elle vit alors, sur le rocher lui servant d’abris, que la mousse le recouvrant par endroit luisait d’un vert douceâtre. C’était donc ce dont parlait la femme. Le rendu de la salle était magnifique, loin d’être obscure et inquiétante, la grotte était plongée dans une douce lueur qui lui donnait un aspect magique.
« Tu es sûre que tu ne veux pas en profiter pour te baigner ?demanda l’homme.
- Thorstein ! Je pense pas que quelques galipettes vaillent le coup de risquer l’exclusion en plein Storkan ! »
Le ton était sur le reproche mais la femme ria tout de même lorsque Thorstein la prit dans ses bras pour la poser sur le sol.
Ishta ne comprenait pas. Tout du moins, elle savait ce qu’ils étaient venus faire ici, mais, une fois de plus, l’attitude de la jeune femme la rendait confuse. De derrière sa cachette elle ne put s’empecher un coup d’œil curieux. Couchés sur le sol, Thorstein au dessus d’elle, la femme gloussait de plaisir alors qu’il lui embrassait le cou. L’homme défit le nœud de la chemise de sa compagne, l’entrouvrit au maximum, dévoilant sa poitrine. Ishta rougit de la tête aux pieds alors qu’il posa sa main sur l’un de ses seins et le pressa doucement pour amener un téton rosé à sa bouche.
Ishta n’ignorait pas comment les femmes nourrissaient leurs bébés mais elle ne voyait pas pourquoi cet homme adulte aurait besoin de lait. Et elle doutait sincèrement que sa compagne soit allaitante. Voulait-il la mordre ?
Le gémissement qui sorti de la bouche de la jeune femme la laissa pantoise. Ce n’était pas de la douleur, bien au contraire.
« Ma Solveig... » murmura-t-il.
Ishta se retrancha derrière son rocher alors que l’homme s’attaquait au deuxième sein. Il n’avait que des gestes tendres et Solveig ne cessait de le caresser et de se frotter à lui. Rien de ce qu’elle avait vu dans l’Empire ne se rapprochait de ce qui ce passait ici. Risquant un nouveau coup d’œil, elle vit que l’homme avait retiré sa chemise et écarté les jambes de sa compagne. Sous la chemise de nuit, il avait glisser sa main entre ses cuisses et ce qu’il y faisait rendait Solveig de plus en plus gémissante et haletante.
Perturbée et gênée, Ishta détourna de nouveau le regard. Une partie d’elle lui disait qu’épier l’intimité était malsain, mais une autre, plus bruyante, avait besoin de comprendre. Et voilà une discussion qu’elle ne souhaitait avoir avec personne. Se faisant violence, elle observa de nouveau la scène.
Solveig était désormais à genoux devant Thorstein. Ishta avait déjà vu ça. Parfois les hommes se contentent de la bouche d’une femme si elle a ses saignements. Mais, encore une fois, il n’y avait pas de larme dans les yeux de Solveig et elle ne s’étouffait pas à moitié pendant que son compagnon lui appuierait sur la tête pour imposer son rythme. C’était la jeune femme qui décidait de comment elle s’y prenait, utilisant ses mains et caressant son compagnon.
La suite laissa Ishta de plus en plus perplexe. Recouchant Solveig sur le sol, Thorstein embrassa tendrement son cou, ses épaules, ses seins avant de se glisser entre ses jambes. Le mouvement avait été lent et il attendit que Solveig le lui demande pour continuer. Celle-ci enroula les jambes autour de sa taille et commença à gémir doucement quand il se mit à bouger.
Pourtant, il ne la pillona pas brusquement et sauvagement, il commença lentement et, à la stupeur d’Ishta, au rythme imposé par les cuisses de Solveig. Et durant tout ce temps, ils continuèrent à se couvrir de baiser et de murmure à voix basses. Elle avait vu des échanges de tendresse dans les couples Íbúa, des regards langoureux, des appellations douces, des baisers ou câlins tendre, mais surtout une complicité et un soutien qui lui faisait douloureusement envie. Cependant un tel partage voulait aussi dire un partage de son lit et, sur ce point, sa décision était sans appel, elle n’en voulait pas.
Mais de voir ce qui se déroulait sous ses yeux, elle se demandait quand même ce que ça faisait d’être embrassée tendrement, caressée par des mains qui ne lui voudraient que du bien. Jamais elle n’aurait cru qu’un homme puisse être si doux, ni qu’une femme puisse apprécier autant son toucher. Perdue dans ses pensées, elle n’avait pas vu comment Solveig s’y été prise mais elle été désormais assise sur Thorstein qui s’était allongé à son tour. Elle le chevauchait comme un cheval, se caressant et gémissant toujours plus fort alors que son homme lui tenait les hanches.
Elle était toujours celle qui imposait le rythme et elle se mit à accélérer. La tension entre les deux augmentait alors que leurs mouvements et halètements se faisaient plus intenses. Ishta crût qu’ils allaient réveiller tout le Hoverdhuren quand Solveig se tendit comme un arc et poussa un cri de soulagement. Elle s’affala sur le torse de Thorstein alors que celui-ci continua encore quelques instants avant d’être soulagé à son tour.
Ils restèrent ainsi encore un moment, chacun reprenant son souffle, le jeune homme caressant doucement les longs cheveux blonds de sa compagne. Ils se mirent à discuter doucement mais Ishta, de nouveau cachée derrière son rocher, ne les écoutait pas. Elle comprenait mieux pourquoi les femmes Íbúa ne parlaient pas avec horreur de partager leur couche, pourquoi elles attendaient avec impatience le retour de leur mari. Il était évident désormais que les femmes aussi peuvent connaître le soulagement. Mais faisaient-ils, tous, preuve d’autant de tendresse ? Et, surtout, comment se comporterait Fryktebjorn ?
Le couple avait finit par partir sans qu’Ishta ne s’en aperçoive. La mousse sur les murs avait perdu en luminosité et elle se trouvait presque dans le noir, mais elle se sentait cachée et en sécurité. Elle ne s’était pas rendu compte à quel point la vie en communauté pouvait être pesante. Ce retrouver seule avec ses réflexions lui fit du bien.
Elle ne savait pas combien de temps était passé, recroquevillée là, quand elle entendit de nouveau des pas dans l’escalier. Elle n’avait pas envie de se retrouver coincée à nouveau alors qu’un autre couple se soulageait mais elle comprit vite qu’il n’y avait qu’une seule personne. Elle resta bien cachée, elle n’avait pas plus envie d’expliquer pourquoi elle était là ou même parler à un inconnu, il lui suffisait d’attendre que l’homme remonte.
« Ishta ? Tu es là Sjel ? »
Sigvald ?
« Je suis là. »
Sa bouche avait parler avant que sa tête ne réfléchisse.
Elle vit la lumière de la torche approcher alors que Sigvald la rejoignait. Il la trouva derrière le rocher, les genoux repliés entre ses bras. Alors il soupira avant d’éteindre sa torche et s’asseoir en face d’elle.
« Une des filles de ta chambre est venue me trouver, tu étais partie depuis longtemps, elle s’inquiétait. »
Ishta ne sut pas quoi répondre, donc elle ne dit rien. Elle n’était pas très à l’aise avec Sigvald. Elle ne lui avait que très peu parlé et il semblait toujours très réservé, en dehors des veillées où il contait. Le silence s’installa quelques instants, la mousse n’avait que très peu repris en luminosité avec l’arrivée de l’ikkelyver et la pénombre lui permettait de se sentir à l’abri de son regard.
« J’ai vu Thorstein et Solveig s’éclipser il y un petit moment. » dit Sigvald, d’une voix étonnamment douce.
Ishta avait le sentiment qu’il savait parfaitement bien ce qu’il s’était passé. Elle se demandait ce qu’il pouvait bien penser d’elle, d’être rester à épier ainsi.
« Je pas voulu espionner. Je suis coincée ici et je pas savoir comment sortir sans que c’est bizarre. »
Elle avait presque murmuré. Elle se sentait perdue et honteuse. Les circonstances l’avaient bloquée ici mais elle n’avait pas été forcée à regarder, elle aurait pu détourner les yeux. Elle avait besoin de comprendre mais cela valait-il de bafouer l’intimité des autres ? Et, au lieu de lui apporter des réponses, ce dont elle avait été témoin n’amenait que plus de questions. Elle ne voulait pas que Sigvald la voit comme une mauvaise personne. Même si ils n’étaient pas très proches, l’homme l’avait soutenue à plusieurs reprises et cela comptait tellement pour elle. Le silence s’installa à nouveau avant que Sigvald ne le brise une nouvelle fois.
« On sait tous ce que signifie la réaction que tu as eue le soir où Ulrik à voulu soigner tes jambes. Je sais que tu n’es pas restée ici à les épier par envie. Comment tu te sens ? »
Ishta ne répondit pas de suite, il y avait beaucoup d’information à analyser. Sigvald ne la brusqua pas et attendit patiemment qu’elle formule sa réponse. Jusqu’à aujourd’hui, Ishta elle-même ne savait pas pourquoi elle avait réagi comme elle l’avait fait ce fameux soir. Jusqu’à aujourd’hui, sa réaction lui semblait disproportionnée. Les autres femmes n’en faisaient pas toute une histoire, ni ses sœurs, ne sa mère, ni Nishka, ni les servantes autour d’elle.
Mais la vérité, c’est qu’elle n’en savait rien. Et les servantes venant d’être utilisées exprimaient pleinement leur détresse. La douleur était affichée sur leurs visages et sur chacun de leurs mouvements, tous leurs corps emplis de honte essayaient de se cacher, de se faire assez petits que pour être oubliés. Et, aujourd’hui, elle avait enfin vu ce que pouvait être le vrai partage entre un homme et une femme. Si c’était vraiment à cela que ça doit ressembler, alors son malêtre n’était aucunement disproportionné et, encore une fois, ce n’était pas de son côté que quelque chose n’allait pas.
Elle avait tout de même besoin d’en avoir le cœur net. Sigvald n’était peut être pas la personne qu’elle serait aller voir d’elle même, mais il était là et il avait entamer la conversation. Sa gêne l’empêchant de regarder le guerrier dans les yeux, elle demanda :
« Jusque aujourd’hui, je toujours vu les femmes qui pleurent quand l’homme se soulage et elles ont peur d’être utilisées. Mais ce soir, Solveig elle est heureuse. Thorstein il est... gentil avec elle. C’est normal ici ? Ou c’est exception ? »
Sigvald soupira bruyamment en se frottant les yeux. Ishta se demanda si elle avait bien fait de poser la question. Elle avait du mal interpréter les intentions du guerrier puisqu’il ne semblait pas vouloir lui répondre désormais. Elle commençait à réellement s’inquiéter d’avoir fait une erreur quand l’homme reprit la parole.
« Chez nous, on ne dit pas que l’homme se « soulage » ou « utilise une femme ». On dit qu’ils « font l’amour ». Ils ne sont pas obligés de s’aimer, bien sûr, mais dans notre culture il n’est pas autorisé de… Se « soulager » sans le consentement de l’autre personne. Des tordus y en à partout. Je dis pas que ça n’arrive jamais. Je dis que, si ça se sait, l’homme ayant forcé une femme ne survit généralement pas longtemps. »
Sigvald fit une pause, soupirant une nouvelle fois, comme pour essayer de se donner du courage. Ishta savait déjà que les Íbúa n’étaient pas autorisés de se soulager avec les femmes des autres et ce n’était pas vraiment sa question, aussi elle précisa :
« Mais quand le mari veut sa femme, il est gentil aussi ?
- Marié, pas marié. En couple ou pas en couple. Pour un soir ou pour la vie. Un Íbúa fait l’amour à qui il veut tant que l’autre personne est d’accord. C’est pas une question de mariage. » Sigvald se passa la main sur le visage, visiblement gêné et murmura quelque chose entre ses dents qu’Ishta ne comprit pas.
« Et quand la relation n’est pas forcée, reprit-il. Quand elle est consentie des deux côtés, alors la femme peut en profiter autant que l’homme. Si il est expérimenté, elle en profite souvent même beaucoup plus. »
L’incompréhension dût se lire sur son visage car le guerrier lui prit les mains et planta son regard dans le sien avant de reprendre, plein d’ardeur.
« Par les Dieux ! Sjel, ici personne te forcera pour se soulager et si quelqu’un essaie tu peux être sure qu’il finira ouvert de la bite à la gorge. Que ce soit un étranger, un soûlard ou ton propre mari. Même cet abruti de Fryktebjorn. Et un homme qui veut partager ta couche fera de son mieux pour te satisfaire. C’est une sorte de… Une question d’honneur, de virilité, pour un homme de satisfaire la femme avec qui il bai… Couche. Je dis pas que toutes tes relations seront parfaites, surtout si c’est la première fois de ton partenaire, mais… »
Il ne savait visiblement pas comment finir sa phrase. Le soulagement emplit les yeux d’Ishta de larmes que le guerrier essuya maladroitement.
« Tu dois pas t’inquiéter Sjel, Fryktebjorn sait la signification de cette dague à ta ceinture. Finn n’a pas fait ce serment à la légère et il ira le castrer lui même si il n’est pas tendre. Et de toute façon tu n’es obligée de rien. Refuse lui ton lit jusqu’à la fin de ses jours si ça te chante et il ne pourra jamais rien y faire. »
Libérée de sa plus grosse peur, découvrant qu’elle aussi, finalement, pourrait profiter de la tendresse d’un autre, quelque chose se brisa en elle et, une nouvelle fois, elle se mit à pleurer comme un nouveau né. Sigvald la serra contre lui tout le temps qu’il lui fallu pour se calmer.
Sans trop pouvoir l’expliquer, elle avait le sentiment étrange que le dernier lien la rattachant à son passé venait d’être coupé.
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