Chapitre 21 - Fryktebjorn

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La fin du Storkan passa en un claquement de doigts pour Ishta.

La tension devenait de plus en plus palpable et certains étaient plus sensibles que d’autres à l’innilokun, mais Ishta avait l’esprit ailleurs. Elle traversa les deux semaines suivantes dans un brouillard de pensées omniprésentes qui la poursuivaient jusque dans ses rêves. Un mélange complexe de grotte en forme de bouche béante et de caresses douces et enivrantes.

Elle était souvent redescendue aux bains, seule, de nuit, pour étudier les fresques murales. Elle trouva d’autres représentations de Fryktebjorn, toujours aussi terrifiant, mais, de sa tanière, il n’y avait qu’une seule gravure. Elle l’avait tellement observé que l’image s’était incrustée dans son esprit, elle aurait pu la dessiner les yeux fermés. Bien sûr, elle n’avait cessé repousser l’idée stupide d’une quelconque ressemblance entre le motif au mur et la grotte aux offrandes. Mais, insidieuse, elle revenait d’elle-même jours après jours.

À y passer autant de temps, elle faillit de nouveau se retrouver coincée en bas mais cette fois elle ne se cacha pas. À l’instant où elle repéra les bruits de pas dans le couloir elle remonta l’escalier, croisant le couple qui descendait. Elle leur fit un signe de tête, les joues rougies par la gêne et retourna dans sa chambre où son esprit ne la laissait pas en paix, imaginant de lui-même ce qui pouvait bien se passer en bas dans l’instant.

Ce qui ne la changeait pas beaucoup de ses autres nuits. Elle luttait tous les soirs pour éloigner son esprit des gémissements de Solveig mais, invariablement, juste avant de s’endormir quand elle était le plus vulnérable, elle finissait toujours par se demander ce qu’on pouvait ressentir sous les mains d’un homme. Souvent, l’homme n’avait pas de visage, parfois, il empruntait les traits d’Ulrik.

Elle n’avait jamais eu ce genre de pensées, mais c’était comme si le plaisir de Solveig avait ouvert une boite dans son esprit, libérant toutes sortes d’envies qu’elle ne comprenait pas entièrement. Elle était devenue incroyablement consciente de la présence des hommes de sa tranche d’age, encore plus de ceux qu’elle connaissait déjà. Elle ne savait plus comment se comporter avec Ulrik, Askel ou même Knut, cette sensation étrange que ce qu’elle disait paraissait vide de sens et stupide. Elle remercia les Dieux mille fois pour le confinement, étant tous les uns sur les autres, il ne lui était pas difficile d’éviter de se retrouver seule avec l’un d’eux.

Heureusement, quelques jours plus tard, Ishta se réveilla dans un silence inhabituel.

Elle ne comprenait pas bien ce qui la dérangeait, toujours à moitié endormie, quand une des filles qui partageaient sa chambre la secoua sauvagement en criant, se faisant à peine comprendre au milieu de ses rires.

« Ishta ! Ishta ! La tempête a cessé ! Regarde ! On voit le soleil ! »

Voir le soleil c’était vite dit, les trois couches de volets les séparant du froid ne laissaient pas voir grand-chose mais, en effet, perçant les jointures, on pouvait deviner une lueur plus claire qu’à l’accoutumée. Même à travers les rires et cris des jeunes filles s’habillant le plus vite possible, Ishta entendait la différence. Hier encore, l’omniprésence du vent faisait trembler les murs et volets. Le tonnerre était devenu un tambour régulier en bruit de fond qu’elle ne pensait même plus entendre. Elle se rendait seulement compte à quel point ce bruit ambiant pouvait être oppressant que depuis qu’il avait cessé.

Dans la salle commune, l’agitation était évidente. Tous attendaient l’autorisation de Toumet pour ouvrir les portes mais celle-ci était en grand conciliabule avec Ulrik. Visiblement le chaman jouait un rôle important dans l’interprétation du temps et du Storkan. Finalement les portes furent ouvertes et chacun put profiter de l’air frais extérieur. La sensation était incroyable, tous riaient et dansaient. Pahala n’était pas levé encore mais on voyait une lueur plus claire à l’horizon. Ishta n’avait qu’une seule hâte, revoir sa lumière, même pour quelques heures courtes.

Au lever du soleil, vers la fin de matinée, il y eut un grand feu de joie sur la grève et une grande célébration qui dura jusque tard dans la nuit.

Les jours suivants furent consacrés aux réparations des dégâts causés par la tempête. Ishta ne se serait jamais doutée que le simple vent puisse faire autant de destructions. Le retour de Pahala fût accueilli avec plaisir par tout le monde. Si ce ne fût que pour quelques heures le premier jour, déjà le suivant il resta plus longtemps et Finn lui expliqua qu’il resterait un peu plus longtemps chaque jour, à son grand soulagement.

Heureusement, elle était bien trop occupée durant la journée pour avoir le temps de penser. Parce que, si elle avait cru que la fin du confinement la libérerait de ses obsessions, elle ne pouvait pas plus se tromper.

Dès que ses mains ne travaillaient plus, son esprit prenait le relais, ces pensées tournant en boucle, de la tanière à Solveig, Ishta avait le sentiment de devenir folle. Si elle n’était pas occupée à discuter, chaque seconde de son temps se trouvait occupée par l’un ou l’autre de ces deux sujets. Et, un jour que Toumet lui parlait, Ishta répondit de manière très agressive, se surprenant elle-même. Elle allait se confondre en excuse quand Toumet lui pressa doucement l’épaule en invoquant innilokun. Pour elle, c’était déjà oublié.

Mais pas pour Ishta. Elle aimait la contenance et le contrôle qu’avaient les Íbúa sur leurs émotions. Et sa nervosité l’empêchait de réfléchir et d’agir calmement. Elle devait se libérer d’un de ses deux problèmes, et elle n’y en avait qu’un dont elle se sentait de parler en public.

Alors elle profita d’un jour qu’elle aidait Finn à réparer un des enclos à mouton pour le questionner.

« Pourquoi je peux pas rencontrer Fryktebjorn avant le mariage ? »

Le guerrier, surpris par la question, rata le clou qu’il visait et son marteau failli lui retomber sur le pied.

« Par les Dieux, Sjel ! Le préambule tu connais pas ? »

Il remit son clou en place et recommença à taper dessus, comme si Ishta n’avait jamais rien dit.

« Tu vas recommencer à ignorer moi parce que ma question plaît pas à toi ? » demanda-t-elle.

Elle avait besoin d’une réponse et si Finn ne voulait pas la lui donner, qu’il lui indique au moins quelqu’un qui le ferait !

« C’est pas qu’elle me plaît pas ! Je sais pas quoi te répondre, c’est tout.

- C’est pourtant pas dur, reprit-elle. Où il est Fryktebjorn ? Pourquoi je jamais vu lui encore ? Et il sait au moins qu’il doit être marié ?

- Sjel, s’il te plaît ne me demande pas ça à moi !

- À qui tu veux que je demande ? Personne a jamais voulu répondre à moi si je parle de Fryktebjorn ! Tu es le seul ! »

D’un geste rageur, Finn lâcha son marteau et se prit la tête dans les mains.

« Sérieusement ! Ça commence à bien faire cette histoire ! »

Il s’éloigna pestant dans sa barbe, Ishta allait le relancer mais il lui coupa la parole.

« Le mariage à lieu dans à peine plus de deux semaines, tu peux pas attendre jusque là ? Pourquoi tu poses toujours des questions !

- Parce que vous savez tous sauf moi ! Parce que je passe ma vie à avancer dans le noir sans savoir ce que je devenir demain ! »

C’était pourtant pas difficile à comprendre. Et, surtout chez les Íbúa, c’était une requête raisonnable. Ils ne se mariaient que s’ils étaient certain de vouloir partager leur vie. Autant dire qu’ils se connaissaient bien avant le mariage. Qu’ils avaient appris à vivre ensemble et à s’aimer. Elle n’en demandait pas tant, elle voulait juste savoir à quoi s’attendre et être sûr que…

Mais sa réflexion s’arrêta là. Elle n’était pas certaine de ce qu’elle cherchait en vrai. Elle ne savait pas en quoi ça changerait sa situation de le rencontre avant le mariage. Elle n’en saurait pas plus sur lui et elle n’était pas en position de refuser. Tout du moins, c’est ce qu’elle avait toujours cru. Mais les Íbúa la forcerait-elle réellement si elle disait non le jour de la cérémonie ?

La confusion du se lire sur son visage car Finn s’adoucit immédiatement.

« Je te l’ai dit, reprit-il. Fryktebjorn ne te fera rien, tu n’as pas besoin de t’inquiéter autant. »

Mais ça ne fit que frustrer Ishta encore plus.

« C’est lui qui doit dire ça à moi ! Pas toi ! lui cria-t-elle. Puisque personne ne m’explique, j’irai chercher mes réponses toute seule ! »

Elle se retourna et parti. Elle n’avait qu’à aller le trouver elle-même. Le chemin n’était pas si long et, même si le ciel était menaçant, il lui restait bien assez de jour pour le trajet. Finn l’appelait au loin, lui demandant ce qu’elle comptait faire mais elle ne lui répondit pas, qu’il goûte à sa propre médecine. Sur le chemin elle croisa Sigvald qui se dirigeait vers la ferme, lui aussi posa des questions mais ne reçu pas plus de réponses.

Un peu moins d’une heure plus tard, Ishta se trouvait à flanc de montagne, pouffant et pestant contre son propre entêtement. La pente était bien plus raide que ce qu’elle s’était figuré, la fatigue raidissait ses jambes, sa torche qu’elle avait attrapée en chemin pesait lourd sur son bras, une pluie fine s’était mise à tomber et la neige à moitié fondue recouvrant le chemin ne lui facilitait pas la tache. Mais elle arrivait au bout et elle ne comptait pas faire demi-tour. Si Fryktebjorn ne daignait pas descendre jusqu’à elle, et bien elle irait à sa rencontre.

Quelques minutes plus tard, elle atteignit à bout de souffle le petit plateau recouvert de forêt devant la grotte où elle avait l’habitude de déposer les offrandes. L’entrée était en tout point similaire au dessin, les stalactites en moins. Le vent s’engouffrant à l’intérieur produisait des gémissements sinistres. Ses yeux cherchant au loin dans le noir du fond de la grotte, elle se demandait si son idée était aussi bonne qu’elle le pensait, finalement.

Mais un éclair zébra le ciel et la pluie s’intensifia, menaçant d’éteindre sa torche qui n’était pas réellement faite pour l’extérieur. Aussi elle utilisa ça comme excuse pour forcer son courage et elle pénétra dans l’antre.

Elle n’avait pas fait quelques pas qu’un grondement profond et menaçant arriva à ses oreilles, seulement le bruit ne venait des profondeurs obscures mais de derrière elle. Son cœur rata un battement, lentement elle se retourna, brandissant sa torche bien devant elle. Si c’était Fryktebjorn elle devrait pouvoir lui parler, si c’était un animal sauvage, la torche devrait le tenir à distance un petit moment. Elle chercha au milieu de la végétation et de la neige ce qui avait émis ce grognement mais ne trouva rien ni personne. Elle ne savait pas trop si elle devait sortir, au risque d’être à découvert de l’animal, ou bien pénétrer dans la grotte, au risque de l’énerver.

Mais elle était venue jusqu’ici pour une raison et, quitte à ne pas savoir quel choix faire, autant prendre celui qui l’arrangeait le mieux et elle fit un pas en arrière vers le fond de la grotte, scrutant toujours la végétation. À peine son pied s’était-il posé que le grognement recommença et, sortant d’entre les fourrés enneigés, ce qui semblait être un ours blanc gigantesque se dirigea à pas lents vers elle. L’animal faisait deux voir trois fois la taille d’un ours normal et des bois d’élan épais et gigantesque lui faisaient une couronne à la structure impressionnante, recouvrant et protégeant sa tête, sa nuque et une partie de ses épaules.

Ishta avait l’habitude de côtoyer des bêtes sauvages et agressives. Elle avait certes était élevée dans un palais mais les nobles avaient des goûts très spéciaux en matière d’animaux de compagnie. Du tigre au crocodile, en passant par l’ours ou le singe. Elle en avait côtoyé toute sa vie et savait comment se faire petite et inoffensive. Cependant les animaux de la cour étaient plus ou moins habitués à évoluer au milieu des humains. Celui-ci était sauvage.

L’ours avançait toujours dans sa direction en grognant et en montrant les dents. Ishta savait que ce n’était que de la dissuasion, si l’animal avait voulu l’attaquer, il aurait foncé sur elle sans tergiverser. Aussi elle fit quelque pas très lent sur le côté gauche, s’éloignant du fond de la grotte et si dirigeant vers la sortie, à l’opposé d’où se trouvait la bête. Elle prit soin de ne pas faire de mouvement brusque mais son esprit était focalisé sur ce qui allait se passer dans quelques instants. Parce qu’il ne manquait plus que quelques pas pour être à portée de griffes. Son sang battait fort à ses oreilles, alors qu’elle se concentrait sur chacun de ses mouvements. Ils allaient se croiser à l’entrée, elle, sortant et l’animal, entrant.

« Ishta ! »

Un nouvel éclair illumina le ciel alors que l’ours se tournait brusquement vers Ulrik qui se tenait avec Finn à la sortie du chemin. Le geste fit sursauter Ishta qui posa son pied de travers sur le sol inégal. Manquant perdre l’équilibre, elle fit un mouvement brusque avec ses bras pour se redresser, agitant sa torche sous le nez de la bête qui poussa un hurlement guttural, faisant écho au tonnerre éclatant au-dessus de leurs têtes. L’animal se mit sur ses deux pattes arrières, touchant presque le plafond de la grotte, et leva une patte griffue menaçante.

Elle se voyait déjà éventrée sur le sol de la caverne quand une flèche se ficha dans la patte de l’animal qui hurla de douleur. Un bras puissant attrapa la jeune femme par la taille et la jeta dans la neige plusieurs mètres au loin, vers le chemin. Elle se redressa en catastrophe, juste à temps pour voir Ulrik arrêter un coup de patte rageur avec son bouclier qui explosa sous l’impacte. Immédiatement il roula sur le côté, sorti sa deuxième hache et se remit sur pied, prêt à affronter l’animal. Quelques mètres plus loin, elle vit Finn, inconscient à terre, du sang se mêlant à la flaque d’eau dans laquelle il était tombé.

L’ours s’apprêtait à assener un coup au chaman mais il reçut une nouvelle flèche à l’épaule et ses pattes avant retombèrent au sol. Ishta regarda d’où venait le trait, surprise, et elle vit Knut entre deux arbres proches de la falaise, arc à la main. Ulrik en profita pour attaquer la gueule de l’animal désormais a porté. Mais la bête, étonnamment rapide, esquiva la hache et se précipita sur Knut qui n’eut même pas le temps de sortir son arme. D’un revers de sa patte gigantesque il envoya voler le guerrier sur plusieurs mètres qui finit sa course contre un arbre et s’écroula au sol.

Le sang d’Ishta battait toujours plus fort à ses oreilles, le bruit de la pluie tombant au sol lui empli la tête à tel point qu’elle entendit à peine le cri de rage d’Ulrik quand il se jeta sur le dos l’animal. Il y fit deux longues entailles avant que la bête, rugissante, ne se retourne, lançant sa patte vers son torse. Le cri de douleur de l’animal ne parvient pas aux oreilles d’Ishta qui retint son souffle mais le chaman esquiva de justesse, se jeta en arrière et reprit son équilibre. Le combat dura encore quelques instants, entre la grotte et le vide de la falaise. Chaque nouvel assaut augmentait l’angoisse d’Ishta, Ulrik parvenait à tenir tête à l’animal mais seulement de justesse et il allait finir par s’épuiser. Le ciel s’obscurcissait de plus en plus et le brouillard se mêla à la pluie. Chaque coup de tonnerre retentissant au-dessus de sa tête résonnait dans tout son corps, la laissant pantelante et augmentait chaque fois la tension terrible qui la parcourait.

Ulrik et l’ours se tournaient maintenant autour, cherchant une ouverture chez l’adversaire. Comportement hautement improbable pour un animal sauvage mais Ishta en était témoin de ses propres yeux. La bête se jeta en avant, faisant reculer le chaman vers la falaise. L’image d’Ulrik, inconscient au sol comme Knut et Finn, s’imposa à son esprit et elle cru qu’elle allait hurler de douleur. Les seuls bruits parvenant à ses oreilles étaient ceux du tonnerre et de la pluie martelant le sol. Ulrik voulut regagner du terrain et se jeta vers l’ours en brandissant ses armes, il parvint à lui entailler le museau d’une main mais l’animal esquiva l’autre hache en se dressant sur ses pattes arrières.

La nature se figea autour d’Ishta. La pluie semblait tomber au ralenti et le vent ne soufflait plus. Le rythme de son cœur devint plus lent, plus régulier et se synchronisa étrangement avec le battement des gouttes d’eau autour d’elle. La tension qui l’habitait se tendait vers le ciel et Ishta leva les yeux. Le brouillard se mit à pulser en cadence avec le rythme de son cœur et de la pluie. Sans savoir comment, elle su ce qu’elle devait faire. Obéissant à cette tension qui l’attirait vers les nuages elle leva sa main et serra son poing comme pour attraper une ficelle. Elle tourna son regard vers l’animal et, d’un geste sec, rabaissa son bras.

Aussitôt, la nature reprit vit autour d’elle, les sons lui parvinrent normalement et son cœur ne se faisait plus entendre. Les cheveux d’Ulrik se dressèrent sur sa tête, il regarda Ishta avec surprise avant de se jeter dans le vide derrière lui. Juste à temps pour éviter l’éclair qui s’abattit sur le Glemsött. Ishta dût détourner les yeux face à l’intensité de la lumière qu’il dégageait. Immédiatement, la tension disparut du corps d’Ishta qui ressentit un soulagement presque douloureux. Le bruit de craquement qui en résulta la laissa sourde pendants quelques secondes.

Le temps de reprendre ses esprits et elle s’assura que l’ours ne bougeait plus, tas de chaire fondue et de flammes, il n’y avait plus rien à craindre de ce côté-là Puis elle se précipita vers la falaise où elle avait vu Ulrik tomber. La chute était longue et la peur de ce qu’elle verrait l’empêchait de respirer correctement. Mais quel ne fut pas son soulagement quand, en passant la tête par-dessus le bord, elle vit Ulrik, bien vivant, accroché à la branche d’un arbre poussant sur le versant de la montagne.

Il lui fallut quelques minutes pour réussir à grimper et se hisser sur le plateau, sous l’œil inquiet d’Ishta, mais elle n’eut pas le temps de lui demander s’il allait bien qu’il l’écarta du revers de la main en grognant, ne lui accordant même pas un regard, avant de se diriger vers Finn.

Immédiatement, Ishta l’imita et alla voir Knut. Couché face contre terre au pied de l’arbre sur lequel il avait atterri, le guerrier respirait calmement et ne perdait pas de sang. Il semblait seulement sonné. Elle tâta ses membres pour s’assurer d’aucune cassure puis essaya tant bien que mal de le mettre dans une position plus confortable. L’homme pesait aussi lourd qu’un tigre mort et faisait deux fois sa taille mais elle parvint à le retourner et le placer sur le côté. Enfin, elle retourna vers Ulrik.

« Knut respire bien et ne pas saigne. Comment va Finn ? demanda-t-elle, inquiète.

- Il est sonné, le sang vient d’une entaille au bras, ça aurait pu être pire. »

Le ton du chaman était sec et cassant. Ishta voyait bien qu’il prenait sur lui pour ne pas exposer sa colère. Il prit quelques instants pour nouer un morceau de tissu autour du bras de Finn avant de se lever pour lui faire face.

« Mais qu’est ce qui t’a pris de faire ça ?» sa voix était pleine de colère.

Ishta comprenait d’où venait cette colère mais elle ne fit que raviver la sienne.

« Parce que je peux plus avancer sans savoir ! La tanière de Fryktebjorn gravée dans la grotte des bains a la même forme que celle-là. C’est la seule piste que... »

Elle se tut, à court de mots et parfaitement consciente de la stupidité de sa décision. L’incrédulité d’Ulrik se lisait sur son visage.

« Il y a pas mille manières de dessiner une grotte, dit-il d’un ton éteint, faisant écho à ce que sa raison lui criait depuis la première fois où elle avait vu le dessin.

- Je sais ! cria-t-elle. Je sais ! Ça c’est stupide décision et dangereuse pour vous. Jamais je voulais ça ! Je deviens folle moi... »

Elle prit trois grandes inspirations pour se calmer, sous l’œil ahuri du chaman, et reprit d’une voix tendue mais sous contrôle.

« Toute ma vie, tout le monde décide pour moi. Je vois enfin la fin de la peur. La seule chose entre cette fin et moi, c’est Fryktebjorn ! Je besoin de le voir ! Besoin de connaître lui ! De lui parler ! De…

- C’est moi... Ulrik avait craché ça dans un souffle, si vite, qu’Ishta n’était pas sûre d’avoir compris.

- Pardon ?

- C’est moi, dit-il d’une voix plus assurée. Je suis Fryktebjorn. »

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