Chapitre 23 - Déclaration de guerre
« Tous ici ont plus ou moins entendu l’histoire des marques que je porte dans le dos. »
Ishta parlait d’une voix forte et posée, ces propos toujours traduits par Einar.
« Mais pour être sûr que l’on se comprenne bien, laisse moi préciser. Ce ne sont pas de simples coups de fouet donnés par un homme en colère ou pour me punir d’un quelconque crime que j’aurais pu commettre. Elles ont été faites par mon père. Elles représentent une image, ou tout du moins l’aurait fait s’il avait terminé. Cette image serait devenue mon blason et la marque de ma bonne éducation. Autrement dit, ma capacité à être une bonne épouse.
Oui, vous avez bien entendu. Lorsque les femmes de l’Empire sont promises en mariage, leur père, ou tout homme d’autorité compétent, mutile la future mariée dans un rituel censé la purger de toute sauvagerie ou impureté, pour la rendre docile et civilisée. Le rituel dure plusieurs mois, pour être sûr que la future mariée récupère assez entre deux séances de fouet et qu’elle survive.
Et on pourrait croire que les femmes abhorrent ce blason de tout leur être, mais non. C’est ce qui les différencie de l’esclave. C’est le symbole de leur statut. Les petites filles regardent avec envie leurs sœurs marquées parce qu’elles savent que l’absence de blason est un passe droit pour tout homme de la posséder, de la battre ou de la tuer. Non pas qu’avoir un blason fasse grande différence, car le mari a tous les droits sur sa femme et ne se prive pas de les exercer. Mais l’idée de savoir d’où vient le danger paraît rassurante.
Vois-tu, Leif, Bouclier des Íbúa, les femmes de l’Empire sont tellement bien conditionnées qu’elles arborent avec fierté les marques de leur oppression. J’ai été tellement bien conditionnée que je pensais être rejetée ici, le jour où tous apprendraient que mon blason n’était pas terminé. »
Elle fit une pause, laissant à chacun le temps de s’imprégner de ses paroles. Il n’y avait pas d’autres bruits dans la salle que le reniflement de Vabachea, le nez au sol, tournant autour d’Ishta après quelques restes de nourriture égarée. Le visage d’Ulrik était comprimé par la rage alors que celui de Toumet n’exprimait que du regret.
Ishta reprit.
« Et c’est bien là le cœur du problème, Leif, Bouclier des Íbúa. Tu souhaites insulter mon père mais tu t’y prends mal. Tu penses humilier l’Empereur en me mariant à une bête sanguinaire mais pour cela il faudrait que le Roi des rois s’intéresse à moi. Or, il m’a envoyée dans une cours étrangère avec un blason non fini, sachant pertinemment ce qu’il adviendrait de moi dans ces conditions.
Certes, le blason ne signifie rien pour vous, et j’en suis la plus heureuse, mais dans d’autres contrées, j’aurais été mise à l’écart. Éloignée de la cours, honte de mon mari qui ne se serait pas retenu de passer sa rancœur à coup de bâton. Et mon père ne pouvait savoir que ça ne se passerait pas de cette façon en m’envoyant ici. »
Leif paraissait contrarié quand il prit la parole.
« As-tu fait tout ce discours pour me dire que mon plan n’était pas bon ? »
Ishta sourit, cet homme paraissait fier et sûr de lui mais ce n’était qu’une façade. Au fond, il doutait et il avait peur qu’elle soit là pour l’exposer. Mais elle espérait bien qu’il cesserait de la voir comme une ennemie à la fin de cette journée.
« Non, Leif, Bouclier des Íbúa. Ton plan est bon, il est juste trop sage. Laisse-moi accueillir la délégation. Annonçons que je suis la seule interprète disponible, laisse-moi être leur seul référent possible, qu’ils soient obligés de me parler et, surtout, de m’écouter, moi, une femme. Laisse-moi organiser la cérémonie de mariage, qu’elle soit la plus insultante et dégradante possible d’après leurs standards. Et, enfin, laisse moi leur présenter le bébé Glemslött comme étant le mien. Le Roi des rois se prétend descendant des Divins, pour sa descendance, engendrer un monstre est un affront aux Dieux mêmes et une preuve de son incompétence en tant que dirigeant du Saint Empire. Qui de mieux que moi pourrait insulter mon propre père ? »
La traduction d’Einar fut de nouveau accueillie dans le silence. Ishta devait avouer qu’elle était parfaite. Une preuve de plus que le guerrier lui avait caché l’étendue de ses connaissances sur la langue de l’Empire, sûrement une autre demande de Leif. Les gens parlent plus ouvertement face à quelqu’un qui ne comprend pas la langue.
Celui-ci prit un moment pour réfléchir avant de répondre.
« C’est bien beau, mais dans tout ce que tu m’as dit, quelle est la partie supposée me convaincre de ta bonne foi ? »
Elle sourit. Jusque là, la conversation suivait le sens qu’elle voulait lui donner.
« Celle que je ne t’ai pas encore raconter. Tu n’as eu, jusqu’ici, que le préambule. On en vient enfin à l’histoire qui nous intéresse. Je vais te raconter mon dernier jour au sein du Saam’Raji. Je vais te raconter pourquoi le destin de mon père est si important pour moi et, surtout, pourquoi celui-ci doit l’emmener dans sa tombe et nulle part ailleurs. »
Elle se tut quelques instants. La partie difficile commençait maintenant et elle regrettait qu’Ulrik soit présent. Mais elle ne pouvait plus reculer. Une pression de la main d’Olvir sur son avant bras lui donna du courage. Elle prit une grande inspiration et continua.
« Le rituel matrimonial d’incrustation du blason s’appelle le "Vasheekaran". Ce qui signifie, plus ou moins, "dompter" en langue ancienne. Ce terme est si dépréciatif qu’il n’est même pas utilisé pour les animaux. Tu l’auras compris, Leif, Bouclier des Íbúa, ce rituel se veut le plus dégradant possible. Le but étant de briser la femme et de la rendre malléable et docile. On l’isole pendant des mois, on la torture et on lui fait croire que le problème vient d’elle. Puis, vient le coup de grâce. Quand elle pense n’avoir plus rien à perdre, on lui montre à quel point elle pouvait avoir tord. »
Elle prit une nouvelle inspiration avant de continuer.
« Lorsque je me suis rendue pour ma dernière leçon avec l’Empereur. Oui, les séances de fouets sont appelées des leçons. Il m’expliqua ô combien j’étais devenue une femme digne d’un mari exceptionnel grâce à son éducation mais qu’il restait un devoir dont j’étais étrangère. Une souillure dont je n’étais pas débarrassée. Il m’expliqua que cette souillure s’échappe des femmes et tâches les draps lors de leur première fois et qu’il n’était pas convenable que cela arrive sous les yeux de mon mari. »
À ce stade, Einar se tut. Il regarda Ishta avec horreur alors qu’il comprenait le sens de ses paroles. Elle dut le presser de reprendre sa traduction. S’il tardait trop, elle n’aurait pas le courage de continuer, mais il le fallait. Elle n’osait regarder Ulrik de peur de ce qu’elle verrait.
Un murmure scandalisé traversa la salle mais se tut dès qu’elle reprit la parole.
« Ils appellent cela la cérémonie d’ouverture. Deux gardes ont attrapé mes poignets pour me plaquer face contre le bureau de mon père alors que celui-ci soulevait mes jupes. »
Sa voix se brisa et elle ne put empêcher des larmes de couler mais elle se forçat à continuer.
« Il m’a prise devant ses gardes, sur son bureau, tout en m’expliquant qu’il faisait de moi une femme désirable et à quel point je serai accueillante pour mon mari. »
À ce stade un craquement terrible se fit entendre. Ulrik s’était levé de son lourd fauteuil de bois massif sans lâcher les accoudoirs, qu’il avait tout bonnement arrachés. Ses yeux brillaient de la même lueur bleue que le soir de la cérémonie des ancêtres et ses traits étaient déformés par la rage. Avant que quiconque n’ait le temps d’agir, il traversa la salle, tous s’éloignaient de peur sur son passage. Ishta ne pouvait les blâmer, la violence et la rage qu’il dégageait lui coupa le souffle. Il s’arrêta quelques instants à côté d’elle comme si il voulait lui parler mais garda son regard braqué sur la sortie. Ishta ne savait pas ce qu’Ulrik essayait de contrôler mais il mettait dans ce combat tout ce qu’il avait. Il finit par repartir sans avoir rien dit, ouvrant la porte du Hoveduren avec tellement de force qu’elle sortit de ses gonds et s’effondra au sol.
Elle se rendit alors seulement compte qu’Olvir lui serrait le bras de plus en plus fort. Quelle ne fut pas sa surprise, lorsqu’elle se tourna vers lui, de voir ses yeux briller lui aussi. Elle se tourna vers les autres guerriers d’Ulrik pour y voir la même lueur bleue et des traits plein de rage.
Ishta fut soulagée de voir que tous les autres Íbúa n’affichaient que du dégoût et de la fureur. Tant mieux, c’est ce dont elle avait besoin en l’instant. Elle aurait le temps d’éclaircir le mystère des lueurs plus tard. Elle se tourna vers Leif qui, lui même, ne pouvait cacher ce qu’il pensait de la situation. Elle reprit une nouvelle inspiration et continua.
« Une fois son affaire terminée, il avait à peine remonté son pantalon qu’il a ordonné à son bras droit de me mettre dans le carrosse pour mon nouveau pays. L’esprit encore embrumé par le choc, j’ai été prise d’hystérie et me suis mise à rire comme une démente, ce qui n’a pas plu à Lakshan, le chambellan. Il m’a cognée si fort que ma tête a rebondi contre le sol. Il m’a jeté dans la voiture, encore sonnée. Mais je n’oublierai jamais ses dernières paroles. »
Sa voix s’était brisée à nouveau et ses joues étaient couvertes de larmes qu’elle n’avait pas senties tomber. Elle dut souffler plusieurs fois avant de reprendre, laissant ainsi le temps à Einar de traduire, lui aussi avait du faire des pauses, écrasé sous le poids des paroles à prononcer.
« Tu as défié l’Empire pour la dernière fois salope, reprit Isha d’une voix blanche et détachée, le regard perdu quelque part au-dessus de la tête de Leif. Tu riras moins quand tu te feras pilonner par un barbare sauvage monté comme un taureau. Tu riras moins quand son poing te démolira la face. Et crois-moi, sale pute, avec ton caractère de merde il va te battre jour et nuit. Mon seul regret c’est l’humiliation que tu apportes à l’Empereur. Il aurait dû tuer ta putain de mère avant qu’elle mette bas. Maintenant, tiens-toi tranquille si tu ne veux pas rencontrer ton mari avec la moitié du visage en lambeaux. »
Le silence dans la pièce était pesant, les regards graves. Leif, mal à l’aise, ne savait visiblement pas s’il devait prendre la parole ou pas. Toumet avait les yeux baignés de larmes et Finn parlait doucement à Knut, comme pour le calmer.
Elle dut poser sa main sur celle d’Olvir afin qu’il lui lache le bras, le jeune homme lui faisait mal et il allait finir par laisser une marque sur sa peau.
Elle devait se reprendre et continuer avant que la pression ne retombe, elle ne prit pas la peine d’essuyer ses larmes, qu’elles ajoutent à l’effet dramatique.
« Tu vois, Leif, Bouclier des Íbúa, si je pouvais contacter mon père, ce ne serait que pour lui montrer l’étendue de ma haine envers lui. Rien de plus. »
Elle fit une nouvelle pause.
« Il y a cependant un avantage, et un seul, à être une femme au sein l’Empire d’Or. »
Comme elle s’y attendait, tous les visages qui l’évitaient se tournèrent vers elle comme un seul être, les yeux pleins de surprise.
« Les femmes y sont tellement insignifiantes qu’il leur est facile de passer parfaitement inaperçu. Qui se retient de parler devant une table ou une chaise ? Et, n’étant jamais une priorité, il m’arrivait très souvent d’attendre une journée entière dans la salle d’attente des bureaux de mon père.
Cette salle d’attente servait de salle de réunion officieuse pour les hauts dignitaires et les militaires de l’Empire. Est ce que tu vois où je veux en venir, Leif, Bouclier des Íbúa ? »
Les yeux de Leif s’étaient écarquillés devant l’ampleur du sous entendu. Mais elle ne le laissa pas parler, elle devait battre le fer tant qu’il était encore chaud.
« Pour l’accueil que vous m’avez réservé, pour la bienveillance dont les Íbúa ont fait preuve et pour la libération que vous m’avez offerte, toutes ces informations gravées dans ma mémoire, apprises durant mes longues heures d’attentes, je te les offre, Leif, Bouclier des Íbúa. »
Un murmure d’excitation emplie la salle, la forçant à lever la voix pour pouvoir continuer.
« Et, tu as pu le constater, même dans des circonstances difficiles, ma mémoire est plus que fonctionnelle. Tous ses avantages tactiques je te les offre, pour le bien de mon nouveau peuple. Mais je te les offre à une seule condition. »
Petite pause pour effet. Le silence était revenu, tous étaient pendus à ses lèvres, Leif le premier, perché sur le bord de son siège.
« L’Empire d’or est décadent et dysfonctionnel. Les pays sous sa gouvernance sont étouffés et drainés. Ses institutions sont gangrenées par la corruption et l’armée s’empêtre dans des concepts archaïques et inadaptés à leurs besoins pour la guerre actuelle, incapable d’évoluer parce qu’engluée dans un carcan de règles de sociétés lourdes de futilités.
Vous ne pensez pas être à la hauteur face à cet Empire, mais la vérité c’est qu’il cède déjà sous le poids de sa propre bêtise.
Leif, Bouclier des Íbúa, les informations que je t’offre seront le coup de grâce pour une bête agonisante.
Alors promets-moi de marcher sur la capitale, promets-moi de mettre à genoux ce mastodonte prétentieux et bouffi d’orgueil.
Je t’offre l’Empire d’Or sur un plateau, alors laisse-moi décapiter son Roi de mes propres mains. »
Ishta avait espéré une réaction vive après ses paroles mais le rugissement qui s’éleva de la foule dépassait de loin tout ce qu’elle aurait pu imaginer. L’idée que ces simples mots aient put emmener derrière elle toute une foule l’enivra d’excitation. Elle ne réalisait pas encore bien l’ampleur de sa réussite.
Elle venait de lancer un appel à la guerre, et les Íbúa y avaient répondu en cœur.
Elle se tourna vers Leif, rayonnante. Celui-ci lui lança un regard calculateur, il comprenait maintenant ce qu’elle avait fait, en rendant cette conversation publique, elle avait non seulement fait taire les médisances à son égard mais le choix de partir en guerre pour faire tomber l’Empire, plutôt que de n’établir qu’une route commerciale, était maintenant un choix public, concernant tout le clan. Il ne pouvait tout simplement pas se contenter de repousser l’idée d’un revers de la main.
« Eh bien… soupira Toumet, lançant à Ishta un regard appréciateur. Leif, Bouclier des Íbúa, Ensatt militaire de tous les clans, qu’as-tu à répondre ? »
Leif prit le temps de changer de position sur son siège, pesant ses prochaines paroles.
« Très bien, Ishta, Mère de la foudre, femme de mon clan. J’entends ta proposition. Plus que ça, j’entends ta requête. Si les informations que tu me promets sont aussi bonnes que tu le dis, nous marcherons sur l’Empire d’Or et je te laisserai l’honneur de décapiter son Roi. »
Ishta fut sonnée autant par l’ampleur de l’annonce que par l’ovation du clan. Non seulement elle avait réussi à convaincre Leif mais en plus il l’avait, d’une seule phrase, acceptée comme membre à part entière du clan et lui avait offert un nouveau titre. Un titre choisi d’après SES propres actions et qui effaçait, de fait, celui donné d’après son lien avec l’Empire.
Avant que quiconque ne puisse lui parler, les guerriers d’Ulrik l’encerclèrent, Knut la serra fort dans ses bras. Aucun d’eux ne partageait l’humeur du reste du clan, leurs yeux luisaient encore des cette lueur étrange et elle aurait jurer entendre Askel lui murmurait qu’il était désolé. Dans l’euphorie du moment, elle ne comprenait pas leurs airs graves et sérieux.
Ils la firent sortir du Hovedhuren, en direction de sa petite maison, Vabachea sur leurs talons. Mais elle n’avait pas terminé, il lui restait encore des choses à faire. Elle devait trouver Oda, pour commencer, puis il lui faudrait rejoindre Ulrik.
Elle en parlait aux autres quand Leif les rejoint. L’hostilité des guerriers à son égard était palpable. Bien que reconnaissante, Ishta aurait préféré qu’il en soit autrement, la rancœur ne ferait pas avancer les choses dans la bonne direction. Aussi, elle accueillit l’Ensatt avec un sourire chaleureux.
« Je me rends compte de mon erreur, commença-t-il. Je me suis basé sur des suppositions et je n’ai pas pris la peine de vérifier par moi-même leurs valeurs. Viens manger avec nous ce soir, nous parlerons des ces informations que tu as et de la suite des événements. Ton mariage notamment.
- Prévois la table pour six de plus, ajouta Asvard.
Leif eut un sourire contrit.
« Après ce qu’elle vient de réussir à faire tu penses toujours qu’elle a besoin de garde du corps ?
- Avec toi, on n’est jamais trop prudent, répondit Knut qui n’avait toujours pas lâché Ishta, son bras enserrant ses épaules comme s’il avait peur de la voir s’effondrer à tout moment.
Il l’entraîna à sa suite alors qu’ils prenaient congé de Leif, l’emmenant vers la maison d’Oda, mais elle se retourna vers Leif.
« Ne laisse pas Toumet prendre part aux patrouilles, elle est enceinte. »
Puis elle se laissa emmener par Knut alors que la confusion s’étalait sur le visage de l’Ensatt.
Oda n’était pas encore rentrée du Hoveduren et ils durent patienter un peu. Ishta en profita pour les questionner. Leurs yeux avaient repris une couleur normale mais ils gardaient un air sombre et sérieux.
« C’est quoi qui s’est passé avec Ulrik et vous dans le Hovedhuren ? Avec vos yeux ? »
Petit silence gêné, brisé bien vite par Askel.
« Je sais que ma réponse va être… Culottée, Sjel, après tout ce qui s’est passé… Mais c’est une question que tu devrais poser à Ulrik. »
Son indignation dut se lire sur son visage car il ajouta aussitôt :
« T’inquiètes pas ! Si il refuse de répondre alors on le fera nous, c’est une promesse. Mais laisse-lui une chance de te l’expliquer, lui, en premier, d’accord ? »
La demande n’était pas exagérée, donc elle acquiesça.
« Et Leif ? continua-t-elle. Si vous tout le temps contre lui, je pas réussir à m’entendre avec lui et pourtant, je besoin ! »
Une nouvelle fois, ils prirent un air gêné, sauf Knut, ouvertement en colère.
« Comment tu veux qu’on soit calme et de bonne composition après ce qu’on vient d’apprendre ! »
Il avait levé la voix et Finn lui fit un geste d’apaisement, alors il reprit plus calmement.
« Ce...Lakshan, a accompagné ton carrosse jusqu’à nous. Il a était tout obséquieux et complaisant. Si on avait su ce qu’il venait de se passer, non seulement je lui aurais arraché la langue sur place mais on aurait marché sur le palais de ton père et on l’aurait mis à sac… »
L’idée plut à Ishta mais qu’aurait fait huit hommes contre des centaines de soldats, tout Íbúa qu’ils étaient ?
« Et jamais, jamais on t’aurait laissée toute seule dans ce carrosse pour si longtemps… Quand je pense qu’on t’a trouvé hautaine et condescendante... »
Ishta sourit, elle ne s’était pas trompée… Les choses avaient bien changées depuis son arrivée. Mais Knut n’avait pas fini.
« Et par dessus le marché tu étais morte de trouille en arrivant. Et ça a duré des semaines ! Tout aurait pu être fini en quelques heures si Leif n’était pas aussi buté et Ulrik pas aussi prude. Alors... Ulrik… Il ne voulait que le mieux pour toi et ne savait définitivement pas comme s’y prendre. Mais Leif a beau être un vrai stratège, il a toujours été un abruti fini niveau relation sociale. C’est un miracle que Toumet n’ait pas encore demandé le divorce.
- Divorce ? demanda-t-elle, preplexe, c’était un mot qu’elle ne connaissait pas.
- Quand on ne souhaite plus être marié à quelqu’un, on demande le divorce pour briser les vœux de mariage. C’est rare, mais ça arrive. » expliqua Sigvald.
Encore une nouveauté. Au Saam’Raji, un homme qui ne voulait plus de sa femme la tuait sans se poser de questions. Dans le meilleur des cas il la délaissait au profit d’une des nombreuses autres, la laissant comme amusement à ses gens. Quoi qu’il en soit, les guerriers d’Ulrik étaient dans une position délicate depuis son arrivée et elle n’avait pas arrangé la situation en les pressant constamment.
« Je sais les Íbúa disent pas beaucoup merci et s’excusent pas beaucoup… Mais tout ce que vous êtes là pour moi, j’oublie pas. Ce pas du être facile pour vous avec toutes les questions de moi. Je pas réagi de la meilleure façon. »
Visiblement ses paroles les touchèrent, chacun réagissant à sa manière ; certains disaient que ce n’était rien et qu’ils pouvaient surmonter un peu d’inconfort, d’autres détournaient le regard, gênés, tandis qu’Askel et Asvard le prirent à la rigolade et firent mine de l’étouffer dans un câlin surjoué. Mais pour tous, l’émotion était là, ce qui toucha également Ishta.
Sur ce, Oda apparut à l’angle de la rue et un sourire illumina son visage quand elle vit Ishta. Elle savait exactement pourquoi la jeune femme l’attendait.
Quelques heures plus tard, Ishta et Knut sortirent de chez Oda, suivis de près par Vabachea, les autres guerriers étant retournés à leurs occupations. Les deux femmes s’étaient mises d’accord sur le motif à apposé sur le dos d’Ishta. Oda avait longuement étudié ses cicatrices avant de faire plusieurs propositions, plus ou moins proches du dessin envisagé par son père. La colère d’Ishta refit surface quand elle comprit qu’il avait choisi une rose, le symbole de l’impératrice ne devant être utilisé que par elle et sa descendance. Encore un affront destiné à sa femme qu’elle n’aurait pas laissé passer l’eut-elle appris. En finalité, c’était un miracle qu’Ishta ait pu survivre aussi longtemps.
Elles s’arrêtèrent en finalité sur un symbole très proche de celui d’origine mais avec une influence clairement Íbúa. Non seulement Ishta pensait que l’insulte n’en serait que plus grande, mais aussi parce qu’elle trouvait que c’était ce qui illustrerait le mieux son passage d’une culture à l’autre.
Elle rentra enfin chez elle, épuisée et impatiente de retrouver Ulrik.
Quand elle rentra dans la petite maison, les odeurs familières l’assaillirent et elle se sentie submergée par un sentiment de soulagement, de confort et de sécurité. Elle avait enfin la sensation d’être chez elle.
Seule ombre noire au tableau, Ulrik n’était pas encore rentré.
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