Chapitre 1 - 1/2

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  La pluie tombait sans interruption depuis plusieurs heures et cela ne semblait pas près de se calmer. Le vent avait balayé plusieurs pots de fleurs et d’immenses flaques s’étaient formées dans la cour du manoir. Pour ne rien arranger, l’orage paraissait sur le point de s’inviter à la fête.

  Seth, assis sur son lit, regardait par la fenêtre de sa chambre avec tristesse. Il n’avait jamais connu un été si mauvais et ce n’était pas seulement à cause de la météo.

  Habituellement, il s’entendait à merveille avec son père. Ils passaient beaucoup de temps ensemble durant les vacances et Seth prenait énormément de plaisir à l’écouter parler de son boulot. Zander travaillait au ministère de la Magie. En charge de la régulation et de la protection du territoire, il était aussi Grand Conseiller auprès du roi et devait ainsi se rendre deux fois par mois à la Table du Conseil pour assister à des réunions à n’en plus finir.

  Mais depuis son retour de Castel-Lapis, son père ne lui adressait plus la parole. Les retrouvailles, à la sortie du train à Gerva, avaient été pour le moins glaciales. Zander demeurait silencieux et lui avait simplement jeté un regard de profond dépit. Le trajet jusqu’au manoir s’était fait dans le calme. Seth tenta de lancer la conversation à plusieurs reprises, mais il l’ignorait.

  La fin de l’été approchait et la situation ne s’était toujours pas améliorée. Seth avait hâte de retourner à l’école. Les cours ne lui manquaient pas, bien au contraire, toutefois il en avait assez d’être cloitré dans sa chambre à ne rien faire. Pour éviter la guerre à la maison, sa mère lui avait conseillé de rester hors de la vue de son père. Cette dernière lui apportait donc les repas, qu’il mangeait seul, sur son bureau, et passait un peu de temps avec lui pour rompre la monotonie de son quotidien.

  Il n’avait même pas pu inviter ses amis de toutes les vacances. Il faut dire qu’après les évènements de la fin d’année scolaire, il n’en avait plus beaucoup. Il ne s’en plaignait pas. Il comprenait la réaction des gens. Après tout, il n’avait eu que ce qu’il méritait.

  Seth s’en voulait, jamais il n’aurait dû faire confiance à son père. Il savait pourtant qu’il faisait partie de l’Ordre de la dame rouge, mais il ne l’aurait jamais pensé capable d’une telle chose. À tel point que Seth commençait à remettre son éducation en question. Élevé dans la haine des humains, il avait suivi aveuglément, mais il regrettait à présent. Il n’était pas méchant et il prenait conscience que ce n’étaient pas seulement des railleries au milieu des couloirs. Non, cela pouvait aller plus loin. Beaucoup trop loin.

  Il le savait, il avait eu de la chance qu’Ethan insiste auprès de la directrice pour qu’il ne soit pas expulsé. Seth lui en était vraiment reconnaissant. Après toutes les moqueries et le harcèlement quotidien qu’il lui avait fait subir tout au long de l’année, il ne s’était pas attendu à une telle réaction de sa part. Il avait une dette envers lui. Grâce à Ethan, il avait l’opportunité de changer. De repartir à zéro, modifier sa réputation au sein de l’école et, peut-être, se faire de nouveaux amis. Seul Samus lui restait fidèle et Seth commençait à se demander s’il s’agissait d’une bonne chose.

  Il sursauta et s’éloigna vivement de la fenêtre. Un éclair venait de s’abattre sur un arbre de la cour, l’embrasant sur le coup. L’onde de choc avait été d’une telle violence qu’il avait eu la sensation que le manoir allait s’écrouler.

  Peu après, quelqu’un toqua à sa porte. Ce ne pouvait être que sa mère, qui d’autre lui rendrait visite ?

— Je suis de retour, monsieur.

  Seth se retourna et eut un large sourire en découvrant la tête d’Albert dans l’entrebâillement de la porte. Ses cheveux, coupés courts, semblaient plus grisonnants qu’à son départ.

— Puis-je entrer ? demanda ce dernier.

— Bien sûr ! Tu sais très bien que tu n’as pas besoin de poser la question.

  Albert était le majordome de la famille Haddon depuis aussi longtemps que Seth pouvait s’en souvenir. D’après sa mère, il avait été engagé peu avant sa grossesse. Il s’occupait habituellement de la maison et des extérieurs. Toutefois, il surveillait également Seth lorsque ses parents se rendaient à une de ces soirées mondaines qu’il détestait tant.

  Le garçon était heureux de retrouver le valet. Albert était humain. Le seul qu’il n’avait jamais côtoyé. Étonnamment, il l’adorait. Même s’il avait été élevé dans la haine des humains, il avait toujours traité Albert avec respect et le considérait comme un membre de la famille.

  À la suite des évènements de juillet dernier, il avait fait sa valise et était parti sans dire un mot. Il s’était absenté plus d’un mois.

— Je ne pensais pas que tu reviendrais, lui dit Seth tandis que le majordome s’avançait dans son costume impeccable.

— J’avais besoin de prendre un temps pour réfléchir, monsieur. Quand j’ai appris que votre père était le commanditaire des incidents survenus à Castel-Lapis, cela a été un véritable choc. Je ne l’apprécie pas, c’est réciproque et nous savons très bien pour quelle raison. Même si je n’avais pas de preuve, je me doutais qu’il faisait partie de cet horrible groupe. Néanmoins, savoir que vous l’aviez aidé à votre manière, ce fut un coup de massue.

  Le garçon baissa piteusement la tête.

— Pourquoi revenir, alors ?

— Je mentirais si je disais que la situation qui m’est offerte ici n’est pas confortable. Même si le maître de maison me considère comme un moustique gênant, je savais que je ne pourrais trouver mieux.

  Albert hésita un instant.

— Et puis… Je suis aussi revenu pour vous et votre mère, monsieur ?

— Vraiment ? s’enquit Seth en relevant vivement la tête.

— Je ne suis pas dupe. Ce n’est pas parce que vous me traitez convenablement que j’ignore de quelle manière vous parlez des humains à l’extérieur. Pourtant, à votre retour de l’école, j’ai senti que quelque chose avait changé. Votre regard était différent.

— Tu as raison. Je l’ai aidé. Même si je ne savais pas quel était son véritable objectif, je l’ai aidé. Mais je ne pensais pas à mal.

  Le majordome fronça les sourcils.

— Non, tu as raison… admit Seth. J’ai commencé à embêter Ethan dès la rentrée, je l’ai bien mérité quand il s’est vengé. J’ai voulu surenchérir avec l’aide de mon père et voilà le résultat. Grâce à moi, il a failli tuer un élève et a récupéré un puissant objet magique.

  Seth vira son regard vers la fenêtre et soupira.

— Je savais qu’il faisait partie de l’Ordre, continua-t-il. Même si je connaissais leur objectif, je pensais qu’il s’agissait seulement d’un passe-temps pour mon père. Qu’il n’était pas réellement impliqué dans tout ça ! Mais maintenant…

  Il tourna la tête vers le valet, les yeux brillants de larmes.

— Je suis en train de tout remettre en question, Albert. J’aimerais lui parler. Essayer de la ramener à la raison, mais il refuse de m’adresser la parole…

  Le majordome s’assit à côté de Seth et lui tapota gentiment le dos.

— Je comprends votre désarroi, monsieur, et j’ignore s’il est possible de faire changer votre père d’avis. Néanmoins, le fait que vous envisagiez cette possibilité me conforte dans mon idée. J’ai bien fait de revenir.

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