15. Alec Bates - 23 Avril
Londres - 18h50
Sortir la carte magnétique. La coller contre le boitier. Clic. Ouverture de la porte. S’essuyer les pieds. Une fois… deux fois… trois fois. Vestiaire. Trente pas. Un… deux… Code casier 012210 012210 012210. Enlever le blouson. Le plier et le ranger sur l’étagère du haut, bien centré. Enfiler la redingote. Boutons. Un… deux… trois.
Les yeux rivés sur ses baskets blanches, Alec Bates gagne les salles désertes du musée. Là, il déambule pendant des heures. De temps en temps, il repositionne un bijou antique, réajuste le costume d'apparat d'un obscur sorcier inca, redresse le maxillaire d'un crâne préhistorique. Avant tout, Alec attend, résigné, que l'assoupissement le submerge, avec son cortège d'horreurs et de souffrances.
***
« Cahier 16. Texte 28.
Les étoiles. J'ai flotté dans les étoiles.
Poussière insignifiante parmi des millions de corps célestes, je tournoyais, lentement, dans le silence obscur. Tout à coup, une lueur diffuse a attiré mon attention. Faible au départ, elle est devenue de plus en plus vive, occupant une place grandissante dans l'espace. Est-ce qu'elle se rapprochait de moi ou est-ce moi qui avançait vers elle ?
Alors je l'ai vue. Bleue, blanche, tachetée de marron et de vert. Magnifique, divine !
Mais la vision s'est brouillée, comme sur un écran de télé victime d'interférences. Quand l'image est redevenue nette, la planète Terre était toujours là, face à moi. Dans sa portion gauche, je distinguais une grande partie de l'Afrique, l'Arabie, l'Europe de l'Est. Même un petit bout d'Inde et de Russie.
Soudain, j'ai eu envie de vomir quand j'ai vu que la partie gauche du globe disparaissait sous un déluge de feu. Les flammes s'élevaient dans l'atmosphère, dévorant la sphère petit à petit. Je me disais que c'en était fini de notre planète. J'avais la certitude que, sous mes yeux, se poursuivait l'œuvre destructrice du démon et de son armée. Ceux qui me sont apparus il y a quelques jours.
Au moment où je pensais que toute forme de vie allait disparaître de la surface de la Terre, des espèces de serpentins gigantesques, translucides et colorés, ont commencé à se déployer autour de l'astre rongé par le brasier. Ils virevoltaient en une danse flamboyante. La puissance qui s'en dégageait était presque palpable. Une énergie incommensurable, sacrée, s'étendant jusqu'aux confins de l'Univers.
En un instant, le feu était éteint. J'avais l'impression que notre planète cicatrisait à vue d'œil, retrouvant ses couleurs éclatantes. Les continents exposaient fièrement leurs courbes, leurs forêts, leurs montagnes enneigées. Les océans sommeillaient paisiblement, parsemés de nuages duveteux.
Ce rêve, pour la première fois depuis longtemps, m'a laissé penser que tout espoir n'est pas perdu. Je me dis que, finalement, il existe peut-être une solution. Je me dis que, quelque part, il y a un objet, ou un talisman, ou une personne, ou une formule magique, j'en sais rien. Quelque chose qui pourrait sauver l'humanité et tous les autres êtres vivants, qui pourrait sauver notre mère, la Terre. »
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