Descente aux enfers (2)

5 minutes de lecture

  En quelques enjambées, le trio se retrouva dos à une sorte de camionnette aux roues énormes pour pouvoir se déplacer sans mal dans la neige ou les rochers. Des pots d’échappement sortaient de chaque côté du châssis et d’autre du toit. L’intérieur devait être suffisamment vaste pour une dizaine de personnes. Les vitres du véhicule couvertes de vase ou de poussière, étaient trop opaques pour voir au travers. Sibjorn se baissa pour vérifier qu’il n’y avait aucune mauvaise surprise sous l’engin, fit signe à ses amis qui le suivirent sans dire un mot.

  Un grand coup résonna dans le hangar suivit d’un grincement sinistre. La porte bascula en arrachant des blocs de roche et percuta avec fracas le sol. La lumière et le blizzard se précipitèrent dans la pièce, violant son intimité sans le moindre remord. Rapidement une vague de froid s’y déversa, le sol humide se couvrit lentement de verglas.

  Sibjorn se demanda si c’était simplement le vent qui avait ouvert la porte mais il en doutait. Il jeta un regard à Ogard qui fixait l’entrée sans ciller puis observa Orm qui reprenait doucement des couleurs. Le chef fit un timide sourire à son compagnon pour ne pas l’inquiéter et hocha la tête pour lui dire de regarder ce qu’il se passait.

  Des silhouettes se dessinèrent dans le blizzard. Trois choses d’une taille surprenante s’avançaient sur les marches de l’entrée. L’une posa sa grosse main sur l’encadrement de la porte. La créature n’avait que quatre doigts, des poignets semblant trop petits pour ses mains et ridicules comparés à ses avant-bras d’une longueur disproportionnée. La patte arracha le dormant de la porte – une barre métallique – pour la jeter plus loin. L’acier rebondit et résonna contre le béton, le son agressa les oreilles des trois humains cachés.

  Le cœur battant à tout rompre, Sibjorn avait compris ce qu’étaient ces trois créatures : des titans de glace. Il nota que ce nom n’était pas terrible, enfin il était simple et efficace mais peut-être trop vague. Il estima que ce n’était pas le moment de demander l’opinion de ses amis. Le tatoué tripota nerveusement le manche de sa hache et remarqua que le vieux en faisait autant avec son fusil. Mais aucun des deux ne pensa à bouger, préférant voir ce que faisaient les monstres avant de tenter une attaque. Avec un peu de chance, les titans n’aimeraient pas ce lieu et feraient demi-tour.

  Mais les géants s’avançaient dans le hangar, s’intéressant aux machines et aux véhicules. Parfois l’un d’eux posait ses doigts sur les engins comme pour les inspecter puis il frappait les machines pour voir s’il y avait une réaction. Un autre colla un puissant uppercut à un 4x4 qui bascula sous le choc. Grognant de satisfaction, le titan se dirigeait vers autre chose à démolir. Sibjorn les voyait avancer dans leur direction et craignait qu’ils ne les repèrent à l’odeur. Mais que faire ? Derrière les titans se trouvait la porte menant à l'extérieur et d'autre monstres, mais aussi l'escalier qui les avait conduit là. Un itinéraire trop dangereux, il fallait trouver autre chose. En tournant la tête sur la gauche, il vit le trou dans le sol où l’eau s’était engouffrée. Sauter par là serait du suicide…

  Attendre et espérer qu’ils ne les remarquent pas, ou tenter une attaque surprise ? À regarder le titan qui était le plus proche, sa peau blanche presque transparente laissait apercevoir ses veines violacées ainsi que ses muscles comme si la créature avait été écorchée. Sibjorn estima donc qu’il ne devrait pas être difficile de les blesser mais qu’il devrait faire très attention, leurs forces étaient incroyables, il suffisait de voir l’état du 4x4 ou encore de la porte. Il avala sa salive et observa ses compagnons où il vit dans leurs yeux qu’ils étaient aussi déterminés que lui.

  Sibjorn surgit de sous la camionnette, releva sa hache qu’il fit tourner pour frapper avec force. Le titan eut juste le temps de l’apercevoir que l’arme lui percuta le poitrail. Le colosse ne broncha pas sous le coup alors que la lame s’était enfoncée de plusieurs centimètres dans sa chair, lui brisant au passage quelques côtes. Poussant un hurlement qui résonna dans le hangar et fit vibrer les entrailles du combattant, le titan lui colla un revers qui envoya Sibjorn au sol quelques mètres plus loin.

  Sonné, le chasseur avait le souffle coupé et l’impression d’avoir été percuté par une montagne en mouvement. Il roula pour se mettre sur le dos, sa tête tournait. Il comprit qu’il avait eu tort d’espérer vaincre de tels monstres. Un coup de feu résonna et illumina les alentours s’ensuivit un autre rugissement et un bruit de tôle froissée. Relevant la tête, Sibjorn vit un des colosses poser un genou à terre, une de ses grosses mains sur le ventre qui ruisselait d’un sang vert bouteille. Ogard lui obstrua la vue en se plaçant devant lui, le canon de son artefact encore fumant. Le quarantenaire fouilla dans sa poche pour sortir une de ses munitions spéciales.

 – C’est pas le moment d’être radin… Tu vas bien Sib ?

 – Où est Orm ?

 – Il cherche une sortie. J’occupe ces saloperies pendant que tu te relèves ensuite file vers le gouffre, ordonna l’ancien.

 – Le gouffre ? Vous avez perdu la tête tous les deux ?

  Ogard avait armé son fusil et tourna à peine la tête vers son compagnon, une lueur de démence brillait dans ses yeux.

 – Si comme on le pense, il y a de l’eau en bas. On a une chance. Mieux vaut risquer l’hypothermie que d’affronter ça !

  Le costaud se redressa tant bien que mal et aperçut sa hache qui traînait non loin de lui. Il la ramassa et s’en servit comme d’une canne pour se mettre debout. Sibjorn détourna les yeux juste à temps quand Ogard tira une seconde fois sur le titan. La boule de feu éclaira tout le hangar et fit disparaître la bête sous les flammes. Le monstre hurla de rage et fonça devant lui sans voir où il allait, percutant un véhicule qu’il retourna en frappant dessus. Emporté par l’engin, il tomba avec et se retrouva coincé dessous. Les deux autres géants approchaient déjà en ravageant tout sur leur passage.

  Orm se tenait devant le gouffre, une torche à la main qu’il laissa tomber pour estimer la hauteur et s’assurer qu’il y avait bien de l’eau en bas. Sibjorn attrapa l’épaule d’Ogard pour l’obliger à courir : ce vieux fou cherchait déjà à armer son fusil pour tirer sur un autre colosse. Fixant son chef, le costaud courut dans sa direction, un titan à ses trousses. De sa vie, Sibjorn n’aurait jamais pensé courir aussi vite tout en traînant quelqu’un. Avant même de savoir si la chute serait mortelle ou non, Sib percuta d’un coup d’épaule Orm pour le faire basculer dans le vide. Les trois hommes tombèrent à la renverse pendant qu’un des deux géants agita sa main avide de les attraper. Priant que cette décision ne leur coûtera pas la vie, Sibjorn se permit d’hurler à s’en déchirer la gorge pendant qu’il sombrait avec ses amis dans l’obscurité.

Annotations

Vous aimez lire Isoshi ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0