20. Coïncidence
Six mois plus tôt...
Mitsy roulait sur l'autoroute 30, en chemin pour Arlington. Elle avait une maison à faire visiter, une grosse villa : quatre chambres, autant de salles de bains, piscine, sauna, un véritable palace pour nouveaux riches. Le genre de maison que Cherry et elle n'auraient probablement jamais. Cependant, si elle arrivait à conclure un accord de vente, la commission qu'elle raflerait au passage serait bien juteuse.
Elle était de mauvaise humeur, ayant quitté Irving pour se rendre au bureau à Dallas de bon matin, elle avait à peine passé la porte de l'agence que sa collègue Marla l'alpaguait :
-Mitsy, ma chérie ! s'exclama-t-elle de sa voix de fausset, David est malade, pourrais-tu prendre le relais de son rendez-vous de ce matin ?
Bien entendu, elle le pouvait, tout comme Marla aurait pu l'appeller sur son portable plutôt que de la laisser se coltiner toute la route depuis Irving, alors qu'Arlington en était bien plus proche que Dallas. Elle accepta et s'empressa de remonter dans sa petite PT Cruiser grise.
Heureusement, la journée s'annonçait ensoleillée, Mitsy oublia donc sa mauvaise humeur passagère en roulant, vitre ouverte au son du dernier album de Dylan Scott. Elle sourit à la pensée que si quelqu'un l'entendait écouter de la country, le volume poussé au maximum, il penserait qu'elle était une vraie texane. Elle ne s'était pourtant jamais considérée comme telle, Georgienne dans l'âme, la seule chose qu'elle partageait vraiment avec les gens d'ici était son amour de la musique et son sang sudiste qui bouillonnait dans ses veines.
Elle ne s'était pourtant jamais décidée à quitter le Texas, Colton Matthews y était coincé dans un couloir de la mort, par sa faute. Elle ne partirait sans doute que le jour où elle lirait dans les médias qu'il avait été exécuté. Elle savait pertinemment qu'elle n'aurait pas la force d'assister à l'exécution, même si, quelque part, c'était là qu'était sa place
Elle soupira, voilà qu'une fois de plus Colton venait hanter ses pensées. Souvent, elle pensait à reprendre le contact avec lui, elle suivait même sa page facebook de soutien avec un faux compte.
Mais pourquoi l'aurait-elle recontacté ? Pour s'excuser ? Aucune excuse n'aurait pu racheter les atrocités que Colton vivait à cause d'elle. Elle aurait aimé avoir la capacité de remonter le temps. Son arrivée devant la villa coupa court au réflexions qui la parasitaient.
Elle se gara dans l'allée, devant l'un des deux garages accolés à l'immense maison de briques couleur sable rosé, juste à coté d'une grosse Buick noire.
Elle vérifia son maquillage et sa coiffure d'un coup d'œil rapide dans le rétroviseur. La règle numéro un d'un bon agent immobilier était d'avoir une bonne présentation, un acheteur ne concluait que rarement un contrat avec un vendeur à l'apparence négligée. Sa queue de cheval blonde était soignée, son rouge à lèvres corail n'avait pas débordé sur ses dents et faisait ressortir ses yeux bleus. Elle se sourit à elle-même, elle était encore belle, malgré les années et les épreuves.
Elle sortit de sa voiture et fit quelques pas en direction de la Buick, le client en sortit au même moment, et elle se retrouva face à lui. Il lui tendit la main pour serrer la sienne et Mitsy resta pétrifiée. Ce teint doré, ces yeux couleur d'acier trempé, cette longue chevelure d'un noir aux reflets bleutés, ces fossettes aux coins des lèvres : Colton.
Elle eut un mouvement d'hésitation et cligna des yeux. Elle pensait tellement à Colton Matthews qu'elle hallucinait maintenant ! Pourtant, quand elle les rouvrit, l'homme était toujours là, la mains tendue et était toujours le sosie du condamné à mort. Les rides en plus.
Elle bafouilla des excuse en acceptant la poignée de main.
-Mitsy Duval.
-Ahiga Yazzie, répondit-il d'une voix grave.
Mitsy espéra que l'homme n'avait pas remarqué son trouble. Elle farfouilla dans son sac à la recherche des clés de la maison et l'invita à l'y suivre.
Tout en lui montrant les différentes pièces elle entama la discussion avec lui. C'était une technique de vente, il fallait montrer son intérêt sans sombrer dans la curiosité, pour ne pas mettre l'acheteur potentiel mal à l'aise.
Au détour de la conversation, il lui annonça qu'il débarquait tout juste d'Arizona, où il vivait avec sa famille, mais qu'il était né au Texas.
-J'ai décidé qu'un retour au source ne serait pas plus mal, avoua-t-il, il y a presque trente ans que j'ai quitté le Texas, et ça me manque.
-Tout est plus grand au Texas, plaisanta Mitsy en utilisant le proverbe le plus connu de l'état.
-En effet, et je pense que ma fille cadette se plaira beaucoup ici.
-Quel âge a-t-elle ? demanda Mitsy en repensant à sa sensation de déracinement quand elle avait quitté la Georgie pour le Texas.
-Seize ans, répondit l'homme.
-Vous avez deux enfants ? questionna Mitsy. Vous avez utilisé le mot cadette...
-Non, enfin, si, j'ai un autre enfant, mais je ne l'ai jamais vu....
Mitsy sursauta devant la réponse, Ahiga sembla remarquer son trouble et continua :
-J'ai un fils... Ou une fille... Je l'ignore, j'avais seize ans quand ma petite amie de l'époque est tombée enceinte, elle était blanche et je voulais l'épouser pour que ma famille l'accepte...
Mitsy restait sans voix devant lui, essayant de calculer si son âge pouvait correspondre à Colton.
L'homme sembla remarquer le malaise et conclut :
-Excusez-moi, je parle trop de ma vie personnelle.
Mitsy secoua la tête :
-Au contraire, j'ai connu quelqu'un qui vous ressemblait beaucoup. Il était d'origine Navajo lui aussi et ne connaissait pas son père....
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