29. The Walls.

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Un des gardiens, un type bedonnant arborant une moustache grasse, poussa Reyes hors du fourgon blindé. Bousculé de la sorte, Rey faillit s'étaler en se prenant les pieds dans la chaîne qui reliait ensemble ses cheville. Il retrouva son équilibre de justesse.
Le ciel était gris, cotonneux de nuages fermant hermétiquement l'horizon. Onze ans que Rey n'avait plus pû goûter à l'air libre ailleurs que dans les cages de récréation, et la pauvre quinzaine de minutes à laquelle il avait droit lors de son extraction vers Huntsville était pourrie par un ciel couvert et menacant. Poissard. Jusqu'au bout.

Il s'était arrêté, l'espace d'une seconde pour s'imprégner du monde extérieur, de la liberté. Cela suffisait au garde acariâtre pour lui donner une seconde bourrade dans le dos. Rey tourna la tête d'un geste vif, le regard lourd, la flamme du chef de gang se ralluma au fond de ses pupilles, brillante de haine, consumée par l'envie d'en découdre avec le gros. Bien entendu, ligoté de la sorte et encadré par quatre gardes armés jusqu'aux dents, Rey n'avait aucune chance.

Hijo de puta, tu ignores la chance que tu as, pensa Reyes, sa voix intérieure suintant de rage.

Il fut contraint de quitter le ciel, de suivre ses geoliers à l'intérieur du long bâtiment brun, entouré d'une haute muraille qui lui donnait des airs de fort Alamo et d'où il tirait son surnom : the walls, les murs.

Il se plia aux règles, impossible de se faire la belle, ainsi escorté. Il y avait songé un moment. Profiter d'une seconde d'inattention, sauter sur un garde, lui arracher l'arme rangée dans son holster. La tentation était forte, dévorante. Mais pourquoi faire ? Pour aller où ? Toutes les polices de l'état seraient mises sur le coup, si seulement il arrivait à s'en tirer. Il serait repris à coup sûr. Où tué lors d'une cavale. Il avait de nombreux ennemis, et pas uniquement du coté portant l'uniforme de la justice. Sa fin serait la même. C'était perdu d'avance.

Une poignée de minutes de marche. L'arrivée dans le sas de sécurité. Une gardienne cette fois. Une afro-américaine obèse, serrée dans son uniforme trop étroit. Elle lui ôta ses liens, le somma de se mettre à poil. Penchez-vous en avant, écartez les fesses, toussez ! La rengaine habituelle, l'humiliation. Puis un hall, très court, aucun rapport avec Le Couloir. Huit cellules. Quatre de part et d'autre de l'allée. Différentes, elles aussi, le blindage et le béton remplacé par des barreaux à l'ancienne, exposant les détenus attendant leur date fatidique. Calendrier morbide. La lumière, omniprésente. Un suicide watch de 24 heures sur 24. Pas de nuit noire ici.
Rey entra dans la cellule que la gardienne ouvrit devant lui, y entra sans résistance. Résigné ? Peut-être.

Un seul autre détenu occupait une des cages du couloir, pratiquement en face de lui, pratique pour faire connaissance, et inhabituel. Presque un plaisir comparé à l'isolement intégral de Polunsky Unit.

Rey ne connaissait pas l'autre condamné. À peine la garde éloignée, il tenta une approche.

- Salut, hombre !

L'autre était un latino également, visage jeune, yeux perdus, presque fous. Il fixa Rey, sans lui répondre.

-Hey, mec ! cria Rey, tentant une nouvelle approche.

-Qu'est-ce que tu veux, Reyes ?

Rey afficha un regard surprit : il n'avait jamais vu ce type, n'avait aucune idée de qui il s'agissait, aussi était-il étonnant qu'il l'ait reconnu, surtout que Rey n'était plus qu'un fantôme, l'ombre de lui-même. La date d'exécution, dans six jours, avait pris son dû. Abattant sa force et son courage, grignotant son mental comme une souris hystérique.

-On se connaît ?

-Non, répondit le jeune chicano d'une voix terne. El Verdugo ne connait pas les petites mains dans mon genre, nous ne sommes que de la chair à canon pour vous, n'est-ce pas, Padrino?

Il se tourna et exhiba un tatouage au sigle de Tango Blast sur le haut de son dos.
Un membre du gang, ce visage inconnu ? Rey fut saisi de vertige. Combien étaient-ils dans ce cas ? Des membres anonymes ayant cherché gloire ou protection, tombés sous les balles de la flicaille sans qu'une larme soit versée, ou ayant terminé leur vie derriere les walls, sans même que Rey ne soit au courant de leur existence.
Le sentiment d'injustice et de vide le toucha en plein coeur.
Le jeune gars affichait un sourire emplit d'ironie.

-Reyes, pas la peine de faire connaissance, je pars pour le grand voyage demain.


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