L'âme d'un père
Il ne leur fallut attendre que l’arrêt des soins et la réinsertion dans cette nouvelle communauté pour que le chef en personne vienne constater que deux de ses protégés pouvaient rejoindre ses rangs. Mais malgré l’humeur massacrante de celle qu’il considérait comme sa fille et l’excitation du petit garçon, il ne les laissa repartir qu’à contrecœur.
Il savait pertinemment que celle qu’il avait élevée mettait sa vie en danger simplement en restant aux côtés de cet enfant. Il avait déjà failli lui coûter sa vie et il y avait trop de lui en elle pour qu’il puisse la laisser vraiment libre de tous ses mouvements, surtout s’ils… Non, il ne pouvait pas croire qu’il avait pensé ça. Non, elle ne l’abandonnerait jamais, pas après tout ce qu’il avait fait pour elle, pas après tout ça… Même pour un enfant… Même pour un amour, elle devait rester ici, auprès de lui. Il ne… Il ne pourrait pas la perdre.
Et chaque fois qu’il la croisait au dojo, dans les salles d’entraînement, ou même au bar, cette petite tête blanche aux yeux rouges était là et lui racontait sa journée, ce qu’il avait appris, ce qu’il pensait de ce qu’on lui avait dit, les résultats de son entraînement à l’arc, puisque c’était son arme favorite. Les professeurs faisaient des compliments à Zelda pour avoir déniché un élève prometteur, tandis que l’homme faisait de son mieux pour les éviter, tous. Chaque fois que le chef de cette organisation entendait une voix d’enfant, il se réfugiait dans son bureau, demandant expressément à ne pas être dérangé.
Ce comportement étrange ne trompait personne et encore moins les principaux intéressés. Si la jeune femme ne se faisait pas d’illusions sur la raison pour laquelle il l’évitait, elle préférait ne rien dire à Kazumi. Elle aurait aimé dire que ça ne le concernait pas, mais elle ne voyait pas comment lui expliquer. À vrai dire, elle voyait déjà mal comment l’expliquer à Victoria et Mamoru, qu’elle connaissait depuis douze ans et qui avaient eu un véritable aperçu de l’étrange personnalité du chef, alors elle voyait mal comment un nouveau venu de l’âge de Kazumi prendrait la chose sans douter de leurs liens.
Et puis, il s’en souciait peu, tant il était plongé dans cette révision de l’histoire du monde. Marcus, le bras droit de Zelda, se chargeait de cette matière et racontait à qui voulait l’entendre qu’il n’avait jamais connu personne d’aussi impliqué. Il n’avait pas tort, personne n’aurait pu rivaliser avec sa soif d’apprendre ces dates-clés, ces événements particuliers qui avaient changé le monde, ou ces personnages importants qui avaient parfois malgré eux fait l’histoire du livre dans lequel il vivait. Celle qui veillait sur lui s’étonnait constamment qu’il y trouve le moindre intérêt, elle qui avait détesté cette matière, ne trouvant d’intérêt que dans les détails inutiles.
À l’inverse, l’entraînement physique n’était pas le fort de l’enfant, même s’il était déjà plutôt doué pour son âge. Tirer avec un véritable arc demandait une force qu’il n’avait pas encore, mais il arrivait déjà à tirer assez loin pour faire des bêtises, avait-on rapporté à la jeune femme. Son entraîneuse, Rosie, de son vrai prénom Mia, avait plusieurs fois failli perdre des doigts de pieds alors qu’elle pensait s’être assez éloignée et plusieurs enfants avaient été surpris lorsqu’une flèche avait subitement traversé la salle de part en part pour aller se ficher droit entre deux d’entre eux. C’étaient certes des améliorations, mais on aurait difficilement pu faire plus inégal ou plus surprenant. Tout semblait dépendre des jours, ou du hasard…
Enfin, jusqu’à ce qu’une autorisation de sortie ne parvienne à Zelda et que, pour la première fois depuis plusieurs mois, elle ne soit contrainte de le laisser seul.
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