Acte I
Acte I
Tous les jours c'était la même rengaine, pas franchement de quoi parler pendant des heures en fait. Au début, beaucoup d'appréhension. Et à la fin, un immense soulagement. Des années que ça durait, pourquoi ce soir aurait été différent des autres ?
Pourtant, envers et contre tout, il le fut complètement.
Rien ne laissait présager ce qui allait arriver, le vent tournait toujours d'un seul coup, véritable tempête balayant tout.
Les regards étaient remplis d'une haine débordante. Les gestes étaient d'une violence non contenue. Les coups pleuvaient, et sans qu'un seul cri ne se fasse entendre, l'intensité de leur colère restait tout aussi impressionnante. Tout le monde y était sensible, à cet amour détesté et détestable. Ils entraient régulièrement en confrontation, c'était un duel que chacun tentait de gagner à tour de rôle. C'était un combat permanent qui se jouait pour savoir qui prendrait le dessus sur l'autre. Les gens trouvaient cela à la fois d'une tristesse sans nom, et pourtant, y voyaient avec un sentiment malsain du courage. Leur passion débordante les rendait destructeurs l'un envers l'autre. Il n'y avait pas d'autre mot que celui de danger lorsqu'ils se trouvaient ensemble.
Et cet état d'esprit ainsi que cet amour impossible les amenait irrémédiablement vers ce qui arrivait quotidiennement. Leurs corps se tendaient, et la tension montait jusqu'à atteindre un point au-delà duquel tout apaisement n'était plus envisageable. Comme un feu d'artifice s'élevant dans le ciel, on ne pouvait qu'attendre le point culminant de sa trajectoire, l'instant où il éclaterait enfin, spectaculaire.
Cela mettait du temps à se produire, mais c'était inévitable. Après s'être tournés autour, provoqués ouvertement, ils finissaient par se jeter l'un sur l'autre. Et c'était aussi impressionnant que cela. Des corps qui se rejettent, qui se méprisent. Des esprits qui ne se supportent plus, s'ils se sont un jour seulement tolérés.
Lui voyait ce rapport de force comme nécessaire, c'était une chose à laquelle il ne souhaitait pas déroger. Sans qu'il n'ait chaque jour cette envie soudaine et subite de lui tenir tête, ce n'était plus une chose qu'il redoutait. Il s'y était habitué, et on ne change pas les habitudes.
Elle voyait ce rapport de force comme de plus en plus dérangeant. Chaque jour elle jouait le jeu d'une femme forte, qui ne laisse rien ni personne lui intimer quoi faire, et pourtant elle s'épuisait, c'était autre chose qu'elle recherchait. Et si cela l'avait satisfaite un moment, ce n'était plus le cas désormais.
Lorsque chacun avait terminé de cracher son venin sur l'autre, ils s'accordaient un répit, peut-être était-ce le moment qui leur appartenait le plus, en fin de compte. Ils se rapprochaient, s'excusaient silencieusement de toute cette douleur dont leur affrontement était la cause, et puis tout devenait différent. C'était fort entre eux, hypnotisant. Leur amour devenait pur, dénué de toute trace de haine, et ils s'enlaçaient. Leurs corps ne faisaient plus qu'un, ils se consolaient mutuellement. Leurs peaux en contact permanent frissonnaient au moindre de leurs mouvements. C'était l'apothéose.
Et c'était plaisant pour lui.
Mais indispensable et insuffisant pour elle.
Ils terminaient allongés au sol, épuisés, essoufflés, en sueur. C'était la fin jusqu'à ce que tout recommence.
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