Chapitre 4
21 juillet 2020
Je crois qu’il est deux heure du mat. Je n’arrive pas à dormir. Les cauchemars sont encore pire qu’avant. Cette fois, quand je reprenais connaissance dans la cave, la lumière était éteinte et la porte fermée. Mes mains étaient attachées. Je ne pouvais plus m’en servir pour m’extirper de cette pièce. Dès que j’essayai de bouger, je sentais une présence à côté de moi. Une forme se mouvait dans l’ombre. Elle était tout sauf humaine. L’esprit venait se placer devant mon visage. Il m’étudiait. Il se déplaçais ensuite derrière mes jambes. Mais cette fois, au lieu de me tirer au fond de la cave, il se ne bougeait pas. J’entendais alors le bruit d’une lame qu’on affûte. La main glacée relevait le bas de mon jeans et je sentais une coupure dans ma jambe. Celui-là est de loin le pire de tous. Pourquoi est-ce que ma pensée revient encore et toujours sur cette cave ? Mon cerveau ne peut pas me laisser dormir ?
En plus de ça j’ai l’impression que dès que je ferme les yeux, il vient m’observer. C’est dérangeant. Beaucoup trop dérangeant. Je m’imagine des yeux bleus qui me fixent dans le noir lorsque mes paupières sont closes. Comme si, quand je fermai les yeux, lui les ouvrait. Déjà qu’il hante mes rêves, voilà qu’il se met à hanter ma chambre. C’est plus que je n’en peux supporter. J’aurais aimé pouvoir me changer les idées en jouant sur mon téléphone. Mais il doit être à la cave. Hier en allant dormir, je m’étais dit que je le récupérerai demain matin. C’était vraiment la pire idée que j’aurais pu avoir. Impossible de penser à autre chose que cet esprit. C’est pour ça que je me retrouve à écrire dans mon journal à deux heure du matin. Je n’ai rien trouvé d’autre.
Je vais essayer de me rendormir avec ma lampe de chevet allumée. Mais je ne garantis rien.
*
Je me suis tourné et retourné dans tous les sens mais rien n’y fait. Lumière allumée ou non, impossible de dormir. En désespoir de cause, j’ai décidé de feuilleter le carnet de Brenda. Je ne voulais pas y toucher au départ. C’est vrai, s’il s’était retrouvé ici c’est que l’esprit l’avait amené. Bien qu’il fasse la même chose avec des objets, j’ai toujours couplé ce phénomène avec la cave. Pour moi il ne peut se passer des chose que là-bas. Pas dans ma chambre.
J’ai dû lire des dizaines de page. Mais ça en valait la peine : j’ai trouvé un passage intéressant.
Cher journal,
Ce matin j’ai constaté avec effroi que des objets avaient encore disparu. Cela est déjà le troisième jour que cela se produit. Dieu du ciel ! Qu’est-ce qui peut bien provoquer une chose pareille ? Le démon nous a-t-il pris pour cible ? Les absents sont ma tasse souvenir de Londres et ma boîte à couture. Ils sont habituellement disposés sur ma commode. J’ai les ai cherchés dans toute la maison mais impossible de mettre la main dessus. J’ai demandé à Charlotte et Germaine. Elles m’ont assuré qu’elles ne sont pas rentrées dans ma chambre. Hector ne touche pas à mes affaires personnelles. Cela m’étonnerait qu’il les ait emportés dans son laboratoire. Je suis perdue.
Ce qui me fait le plus souffrir, c’est que ces deux objets me sont très cher au cœur. J’ai acheté la tasse lors de notre dernier voyage à l’étranger, il y a deux ans. C’était ma si petite fille aujourd’hui disparue qui l’avait trouvée. Elle avait été si heureuse de la voir à travers les vitrines ! Je me souviens encore de ses yeux pétillants et de son sourire radieux… C’en est de même avec ma boîte à couture. C’était elle qui m’aidait à raccommoder les pantalons d’Hector. Je lui avais appris à tricoter des habits pour ses poupées. Elle était si douée dans ce domaine… La perte de ses deux objets, d’une manière si mystérieuse, me rend énormément triste. Il me bouleverse plus que de raison.
Après le déjeuner, j’ai résolu d’en parler à mon époux. Il n’a pas eu la réaction escomptée. Il m’a assuré que tout était en ordre. Je l’ai contredit. Je lui ai affirmé qu’ils n’étaient nul par ailleurs, que j’avais cherché dans toute la maison. Je me suis emportée quand il m’a encore contredite. Je lui ai dit que ça ne serait pas arrivé dans notre appartement en ville. Que tous les malheurs du monde s’abattaient sur nous depuis qu’il avait acheté ce domaine. Que la mort de notre fille était de sa faute, qu’il aurait dû mieux regarder la route avant de s’engager dans un chemin escarpé…
Je pleurais à chaude larme quand mes cris se sont arrêtés. Hector m’a prise dans ses bras. Il n’avait pas paru troublé de toute ses accusations. Il m’a calmée rapidement puis m’a conseillée de boire du thé. Il est même allé le faire lui par ses propres moyens. Je l’attendais sur le canapé. Après cela, il m’a conduite dans ma chambre et m’a montré du doigt ma commode. Ma tasse et la boîte étaient là ! Hector m’a dit de me reposer. Il pense que je suis fatiguée, même exténuée. Pourtant je n’ai pas rêvé, je suis sûre qu’ils n’étaient pas à cette place précédemment.
Ce passage m’a fait penser à ma situation actuelle. Mon portable avait lui aussi disparu mystérieusement. Pour elle, sa boîte à couture, pour moi, mon téléphone. Les mœurs avaient bien changé ! J’ai souri un instant avant de me rendre compte de ce que cela signifiait. Si les objets disparaissaient dans la maison, qui plus est la même que moi, c’est que l’esprit de la cave était déjà présent ! Il doit être hyper vieux !
Je me suis replongé dans ma lecture pour voir si d’autres choses similaires s’étaient produites. Mais il n’y avait rien. La femme racontait ses journées plus qu’ennuyeuses. Il n’y avait pas d’autres évocations de la fille morte. Je ne connais toujours pas son prénom. Brenda écrivait juste sa vie quotidienne, où rien ne se passe. Il n’y avait plus eu d’objets qui disparaissent. À croire que l’esprit s’était calmé.
Je vais continuer mais ça commence à me casser les couilles, si je peux me permettre.
*
Finalement je me suis endormi. Ou plutôt je suis tombé d’épuisement. Je n’ai plus aucun souvenir après ce que j’ai écrit. Je devais très certainement être claqué. Je suis resté dans la même position dans laquelle j’étais, c’est-à-dire allongé dans mon lit, la lumière était encore allumée. Le carnet, lui, était sur mon ventre. J’avais perdu ma page. Mais je savais que je l’avais presque entièrement fini avant de m’endormir.
Il ne me reste que trois pages. Je vais les finir. Après, j’irai dire bonjour à mes parents. Ils partent au travail dans peu de temps. Je reviendrais plus tard.
*
Mon père m’a donné mon portable en disant qu’il l’avait trouvé déchargé dans la cave. Je lui ai demandé comment un esprit pouvait jouer avec un téléphone. Je voulais plaisanter avec lui. Mais cela ne l’a pas fait rire. Il m’a dit de ne pas faire de blague sur ce sujet et de ne pas en parler, car, je cite :
« Ta sœur pourrait nous écouter. Je ne veux pas qu’elle en entende parler avant ses treize ans. Maintenant, retourne te coucher. »
C’était limite s’il ne voulait pas m’en mettre une. J’avais ravalé une réplique cinglante. Ma sœur dormait ! Elle est dans la chambre la plus éloignée du salon. Vraiment, mon père s’en fait pour rien. En plus, si je m’étais levé, c’était justement parce que je ne voulais plus dormir. Si je retournai dans ma chambre, ça serait pour traîner sur les réseaux ou jouer sur mon téléphone. Et j’avais d’autres choses de prévu.
Lorsqu’il est sorti, je suis descendu à la cave pour reposer le carnet et en prendre un autre. Même si j’avais connu deux mauvaises expériences, je ne devais pas me laisser dicter ma conduite par la peur. Avec un courage qui m’étonnais, j’étais arrivé devant la porte. Je n’ai pas tardé cette fois-ci. J’ai sonné avant de vite allumer, de me faufiler entre les meuble, de poser le livre, en prendre un autre, d’éteindre la lumière et enfin refermer la porte. Deux minutes top chrono ! C’est un nouveau record.
Je suis remonté avant que ma mère ne s’aperçoive que j’étais descendu. Elle m’aurait demandé pourquoi et je n’aurais pas su quoi répondre. C’est vrai, ces carnets sont là depuis des années et mes parents n’ont pas l’air de les avoir lus. Ce n’est pas à moi de leur expliquer. Je ne saurais pas quoi leur raconter de toute façon. Je n’ai pas vraiment appris quelque chose qui pourrait nous être utile. Je sais juste que l’esprit était là depuis la construction de la maison. En plus de ça, j’avais l’impression que si j’en parlais, tout ce que je découvrirais serait plus réel. Imaginez que tout ce que vous lisez devienne réalité. Ou pire, que mes cauchemars se réalisent… Non, je ne suis pas encore prêt à affronter les choses.
J’étais fier d’avoir réussi à rentrer et sortir aussi vite de la cave. Peut-être qu’à force, cela me ferait de moins en moins peur ? J’ai l’espoir que cela soit le cas. Je viens de poser le carnet sur mon lit. Il est identique à l’autre : reluire en cuir noir et cercle doré au centre. Sur la deuxième de couverture, on peut lire le prénom de Brenda. Il est gravé dans le coin à gauche. Je l’avais ouvert pour vérifier qu’il s’agissait bien de la suite de celui d’avant. Les dates concordaient.
Je voulais reprendre ma lecture mais ma sœur m’a interrompu. Elle m’appelle pour que je joue avec elle. Et je crois bien que je vais y aller.
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