Chapitre 5
28 juillet 2020
Il s’est passé quelque chose de grave. De très grave. Je n’arrive toujours pas à croire ce qu’il est arrivé. Il faut que je vous explique. Je vais commencer par le début.
Durant la dernière semaine, j’ai passé mon temps libre à lire le carnet. Je voulais absolument découvrir de nouvelles choses à propos de l’esprit de la cave. J’avais même refusé de sortir au cinéma avec des amis. D’une part, je n’en avais pas vraiment envie. Mon meilleur ami était toujours à l’étranger. En principe, nous passions tout l’été ensemble. Soit il venait chez moi, soit j’allais chez lui. Nous faisions des aller-retours entre nos deux maisons tous les deux jours.
J’aurais tellement aimé lui parler des carnets ! Mais je ne peux pas. Il n’est pas au courant de ce qu’il se cache dans la cave. Mais il sait qu’il ne faut pas s’en approcher. Bien qu’il ne m’ait jamais demandé pourquoi, je me doute qu’il veuille savoir. Cette cave aurait de quoi intriguer tout le monde. D’autre part, je souhaitai continuer mon enquête. C’était la chose la moins ennuyante qu’il m’était arrivé de tout l’été.
Si au départ j’avais été emballé, au fur et à mesure des jours, je m’étais un peu lassé. Brenda expliquait son quotidien, sans qu’aucun événement mystérieux ne soit arrivé. J’en venais même à regretter de ne pas être allé au cinéma. J’ai peu à peu arrêté de lire. C’était trop ennuyeux pour moi. D’autant plus que Brenda décrivait absolument toutes ses activités. Qu’est-ce que j’en avais à faire du taillage des rosier ?
Quant à mon propre quotidien, et bien… Rien n’avait disparu. Je ne suis pas descendu à la cave. Le carnet que j’avais n’était pas encore terminé. Cela avait été une semaine relativement tranquille, sans rien d’étrange. Tout au contraire, Julie avait fait tout un tas de bêtises. Elle a cassé le vase qui nous venait de notre arrière-grand-mère du côté paternel. Le lendemain, elle a fait un caprice pour avoir de nouveaux jouets. Et hier, ma petite sœur a refusé d’obéir à ma mère. C’était la pire chose à faire ! Ma mère avait été furieuse.
Ce matin, mon père m’avait demandé de m’occuper du jardin. Selon lui, il y avait trop de mauvaises herbes. Il y a toujours eu des mauvaises herbes dans le jardin. C’est juste qu’il ne l’a pas remarqué avant. Si vous voulez mon avis, il voulait juste que je le fasse à sa place. Je ne lui en voulais pas, il avait beaucoup de travail ces derniers temps. S’occuper du jardin n’était pas sa priorité.
Donc, après m’être levé, je suis allé dehors pour arracher les plantes. Je m’étais levé tôt, pour travailler quand il ne faisait pas encore trop chaud. La portion du terrain n’avait pas été nettoyé depuis un moment. Courbée en deux, les genoux dans la poussière, j’y avais passé au moins une heure. En partant, le jardin avait retrouvé un semblant d’ordre. Il restait quelques touffes d’herbe ici et là, mais c’était superficielle.
J’en ai ensuite profité pour faire un tour dans notre propriété. J’étais allé jusqu’à son entrée en passant par un petit chemin en terre. Lorsque j’étais plus jeune, je faisais du vélo sur ce chemin. Il conduit juste à côté du portail. Sur le retour, je m’étais aperçus que des ronces avaient envahi une partie de la propriété. Personne n’était passé depuis en moment dans ce coin. Même moi, je ne me souvenais pas être déjà venu dans ce coin. "Il faudrait que je revienne déblayer tout ça un de ces jours." avais-je pensé.
Le soleil était haut dans le ciel. La sueur commençait à me dégouliner le long du front. Je m’étais dit qu’il faudrait que je rentre pour me changer et prendre une douche. En plus de ça, ma sœur devait s’être levée. C’est moi qui prépare son petit déjeuner. A force de m’attendre, elle devait avoir faim. Je m’occuperai de moi quand je me serais occupé d’elle.
A peine arrivé dans la maison, je me suis dirigé vers sa chambre. Ses volet étaient ouverts mais elle n’y était pas. Me souvenant d’avoir entendu le télé, j’étais allé au salon. La télé était bien allumée mais Julie n’était pas devant les dessins-animés. "Elle s’est peut-être préparer son petit déjeuner elle-même." , avais-je tenté de me rassurer. De plus en plus stresser, j’y étais allé au pas de course.
La pièce était vide.
Je me suis mis à paniquer. Mon cœur avait accéléré d’un seul coup. Je suis retourné dans le salon pour éteindre la télé. Là, j’ai commencé à crier le nom de ma sœur dans toute la maison. Je la cherchais de partout dans le même temps. Elle ne me répondait toujours pas. J’étais mort d’inquiétude. Où pouvait-elle bien être ? J’allais appeler mes parents pour leur dire que Julie était introuvable. Je ne le fis jamais. Au moment où j’allais composer leur numéro, j’entendis des voix.
Je m’étais arrêté de bouger pour écouter. Il y avait deux voix. J’étais certain que l’une d’elle était celle de Julie. Mais la deuxième m’était totalement étrangère. J’avais fermé les yeux pour localiser l’origine du bruit. Avec un frisson d’effroi, je me suis aperçu que les voix venaient d’en dessous. De la cave. Sans attendre, j’ai couru le plus vite possible jusqu’en bas des escaliers.
Ma sœur était devant la cave, la porte grande ouverte. La lumière était éteinte -heureusement sinon je ne sais pas ce que j’aurais fait. Une voix s’échappait du gaufre noir devant lequel était Julie, trop ténu pour que je puisse en saisir les paroles. Je lui ai crié, alors que j’étais encore sur les marches :
« Julie ! Reviens ici tout de suite ! Remonte !
- Mais pourquoi grand frère ? On parle juste…
- Comment ça ? Reviens tout de suite ! Tu avais promis de ne pas descendre.
- D’accord. J’arrive… »
Elle me tourna le dos avant de dire, en direction de la cave :
« Au revoir, à une prochaine fois. »
Ses mots me glacèrent d’effrois. Elle passa devant moi après avoir refermé la porte. Je ne pu faire fonctionner mes jambes uniquement après quelques secondes. Mon cœur battait à dix milles à l’heure. J’avais monté les escaliers à la hâte. Tremblant de tous mes membres, j’avais agrippé le bras de Julie. Je l’ai amené au salon pour que l’on puisse parler. Elle avait désobéi aux règles. Je voulais lui dire de ne jamais plus descendre. J’essayai de me calmer avant d’engager la conversation :
« Pourquoi es-tu descendu ? Tu sais que tu n’as pas le droit, tu me l’avais promis. Tu pourras descendre lorsque tu auras treize ans. En attendant, tu restes en haut.
- Pardon Greg. Je ne voulais pas au début. J’avais faim et elle m’a dit que tu n’étais pas à la maison. En attendant que tu reviennes, elle m’a dit de la rejoindre. Elle se sent seule en bas. Elle voulait juste que je lui tienne compagnie.
- Qui ça Julie ?
- Adélie. »
Je ne comprenais rien. C’était pour ça que je lui avais demandé :
« Qui est Adélie ?
- Mais c’est la fille qui est dans la cave ! Papa doit te l’avoir dit non ? C’est elle qui me prend mes jouets. Elle me l’a dit. Elle s’ennuie beaucoup dans le noir. Elle préfère quand elle a des jouets avec elle. Elle m’a dit qu’elle aimait ton portable. Elle voudrait bien y rejouer un jour.
- Attends, qu’est-ce qu…
- J’ai pas fini, me coupa-t-elle. Elle m’a aussi dit de descendre pour me parler de sa famille. Sa famille lui manque beaucoup.
- Sa famille ? avais-je dit la défensive.
- Oui. Sa maman s’appelle Brenda, son papa Hector et ses sœurs, Charlotte et Germaine. Elles lui ressemblent comme deux gouttes d’eau. Son papa est médecin, il fait plein d’expériences dans le sous-sol. Personne n’a le droit d’y aller. Mais Adélie l’aide parfois. »
Un frisson d’horreur me parcourut le corps. J’avais peur de comprendre :
« C’est elle qui te l’a dit ? Il y a aussi sa famille dans la cave ?
- Non, il n’y a qu’elle. Je pourrais aller la revoir ? Je veux lui donner des jouets. »
Je tombai de haut. J’étais encore en plein effroi quand je lui avais répondu :
« On… On verra. N’en parle surtout pas à papa et maman.
- Pourquoi ? Papa est déjà au courant. C’est pour ça qu’il ne veut pas qu’on descende. Adélie lui fait peur.
- Non, papa ne sait rien. Il vaut mieux qu’il ne le sache pas. Il risquerait de s’énerver contre toi. Tu n’as pas le droit d’aller à la cave. Mais si tu veux aller parler à Adélie, il faut que tu me le demandes avant, c’est compris ? Je t’accompagnerais en bas.
- Oui grand frère. »
Après ça, je lui avais fait son petit déjeuner. Même si je n’avais rien avalé de la matinée, je n’avais pas faim. Les derniers événements m’avaient coupé l’appétit. Julie, elle, ne semblait pas perturbée le moins du monde. Elle agissait normalement, comme si cette matinée était tout à fait ordinaire. J’hésitai sur ce que je devais faire. En parler à mes parents ? Je me souviens encore de la réaction que mon père a eu la semaine dernière. Rien que le fait d’évoquer la cave devant ma sœur est un sujet sensible. Alors lui dire qu’elle y est descendue alors qu’elle était sous ma surveillance, c’est la pire chose à faire. Mieux valait garder le secret.
Je ne sais pas quoi faire des révélations de Julie. Si je comprends tout, Adélie est la troisième des triplées, celle qui est morte dans un accident de voiture. Mais pourquoi se retrouve-t-elle ici ? L’accident avait eu lieu très loin de cette maison. Son esprit avait-il suivis sa famille ? Ou alors il y a une autre explication ? Je n’en sais rien. Il faut que je découvre la vérité. Il faut que je sache tout. Et pour cela, il faut que je redescende à la cave.
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