Les gendarmes ont rapatrié le corps. Quelque part, dans une morgue, un médecin découpe EE. Il regarde ce qui l’a emporté. Je me demande s’il trouvera mon visage dans ses entrailles.

Je n’en peux plus. L’air paraît plus lourd, l’eau plus grouillante, le pain plus granuleux, et les autres ne veulent plus cesser de parler. EE était calme, lui, au moins. EE ne disait rien.

On attend tous. Toujours. Que le soleil se lève, puis qu’il se couche. Que vienne le printemps, puis l’hiver. On attend, on regarde, on patiente. Que les choses se fassent. Que nos corps se meuvent. On provoque à peine les débuts, et on attend que les fins viennent.

Je ne veux plus attendre que les gendarmes viennent m’arrêter. Alors, un jour, je viens à eux. Je leur dis, dans des sanglots que je ne peux pas contrôler, que je l’ai tué. EE.

Ils me regardent avec de grands yeux. Ils ont l’air ahuris. Je les comprends. Je ne semble pas dangereux, au premier abord. Alors, je me répète. C’est moi. J’ai tué EE.

L’un des gendarmes s’approche enfin. Mais il ne me passe pas les menottes. Au lieu de ça, il m’accompagne dans une petite salle triste, il me fait asseoir sur le canapé, et il m’explique doucement que, non, je n’ai pas tué EE. Un accident l’a emporté.

Je n’y comprends rien. Alors je répète mes aveux. Il ne veut pas les entendre. Il est si compréhensif. Je m’emporte. D’autres gendarmes viennent, attirés par le bruit. Je leur crie mon crime, et ils appellent le médecin, parce qu’ils s’inquiètent. On me donne des cachets qui me transforment en liquide. Je coule sur le sol.

Peut-être que je m’évaporerais.