Chapitre 31.3

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— Tu es seul ?

— Pas exactement, mais tu n’as rien à craindre de ce côté-là… Et toi ?

— Seule aussi, lui signala-t-elle avant d'ajouter :

— Trois ennemies à terre.

Elle l’entendit soupirer péniblement.

Puis, il lui apparut armé d’une dague identique à celle des guerrières d’Anat.

Il s’était sûrement attendu à ce que d’autres attaquantes surgissent.

Esmelia remarqua ses yeux bleus encore illuminés par l’ardeur du combat qu’il avait dû mener pour sa survie, ses cheveux en bataille, son teint pâle, et surtout le filet de sang qui coulait sur sa tempe. Elle voulut voir si la blessure était profonde, mais il repoussa sa main.

Il n’y avait aucune agressivité dans son geste.

— Nous avons un problème plus important, s’empressa-t-il de dire.

Il la conduisit au fond de la bibliothèque. Elle vit aussitôt la pile de livre qui bougeait et la lourde étagère qui maintenant celle qui se trouvait dessous prisonnière. Elle était sûrement encore estourbie, mais la guerrière reprendrait vite des forces. Peut-être assez pour se dégager.

— Elle était déjà là lorsque je suis arrivé, expliqua Will. Je pensais qu’elle m’avait pris pour un intrus. J'ai bien essayé de lui expliquer que non, mais elle n'a rien voulu entendre... Mais après ce que tu viens de me dire à propos d’ennemi à terre, je comprends pourquoi.

— Sans blague ? fit Esmelia dans un léger sourire. Et tu as vraiment cru qu’elle avait tenté de t’assassiner juste parce que vous ne vous êtes jamais croisés à bord ?

Puis, retrouvant son sérieux, d’une voix singulièrement détachée, elle demanda :

— Tu as une corde, ou quelque pour l’attacher ? Je pense qu’il y a des gens, ici, qui voudront l’interroger.

— Je vais voir si je trouve quelque chose…

Il ne semblait pas avoir remarqué le changement chez son amie.

Mead’ connaissait suffisamment les lieux par l’intermédiaire d’Esmelia pour savoir qu’il n’y avait pas de cordes, de câbles ou quoi que ce soit d'autre dans le coin, ou même à bord de ce vaisseau, qui permette de retenir une prisonnière sans doute prête à tout pour s'évader.

Elle attendit qu’il soit sorti pour soulever sans efforts apparents la lourde étagère et sortit la femme de dessous les livres en la tirant, sans ménagement, par le bras. Si Will avait été présent, il l’aurait plutôt vue balancer la garde à travers la pièce.

Celle-ci alla percuter une autre étagère, encore debout mais vide. Mead’ lâcha l’étagère sans plus s’en occuper, ramassa la lame à plasma que Will avait posée sur une pile de livres, et s’approcha de la guerrière. Celle-ci était beaucoup plus jeune que les trois autres, mais sûrement pas moins hargneuse. Elle aurait cependant droit à une mort propre et rapide.

D’un geste précis, Mead’ lui fit courber la nuque et y enfonça la dague jusqu’à la garde. La lame traversa le cerveau et le brûla jusqu’à sa totale extinction. Elle devait maintenant se débarrasser du corps avant le retour de Will.

Mead' n’eut pas à chercher un téléporteur très loin, il y en avait un à quelques mètres de la sortie de la bibliothèque. Elle y traîna le corps et le balança dans la cage avant d’appuyer sur le bouton. Heureusement, l’alarme déjà enclenchée ne redoubla pas d’intensité.

Elle revenait vers la bibliothèque lorsque Will ramena des câbles. C’était tout ce qu’il avait pu trouver… Il entra dans son sanctuaire et en ressortit presque aussitôt, paniqué.

— Où est-elle ?

— Elle s’est échappée, mentit une Esmelia désemparée. Je l’ai coursée sur quelques mètres… Jusqu’à ce qu’elle prenne le téléporteur…

Elle se souvenait parfaitement de ces derniers instants. Elle en avait été pleinement consciente comme si elle et Mead' ne faisaient plus qu'une, et cela l'effrayait.

— Aïe, fit Will. Ça va toi ?

Elle devait donner l'impression du contraire. Esmelia se reprit tant bien que mal.

— Comparé à ce qui l’attendait, elle a peut-être eu de la chance, dit-elle.

— Oui, mais je ne pense pas que se retrouver congelée, à dériver dans l’espace jusqu’à ce qu’une étoile vous dévore soit une chance.

L’humanisme de Will, c’était vraiment ce qu’elle aimait dans ce monde. C'était à cela qu'elle devait se raccrocher...

— Ou alors, pour une fois, le téléporteur a bien fonctionné, et il lui a permis de rejoindre le vaisseau de sa maîtresse.

— Alors ça, j’en doute. Mais je sais où il se trouve. Suis-moi ! lui lança-t-il en s’élançant dans les coursives.

Elle n’avait pas vraiment le choix. Surtout si elle ne voulait pas qu'il lui arrive quoi que ce soit de fâcheux.

Elle le suivit jusqu’à l’ère d’appontage situé sous le vaisseau. Il leur fallut une bonne dizaine de minutes pour y parvenir. L’alarme s’arrêta brutalement. Enfin, quelqu’un avait eu assez de sang froid pour y penser…

Ils arrivèrent enfin au pont.

Le vaisseau était bien là, trônant au milieu du hangar, les moteurs allumés, prêt à décoller.

Esmelia se demanda ce qu’il attendait. La réponse lui parvint immédiatement dans le bruit d’une effroyable explosion. L’air ambiant fut propulsé vers l’extérieur. Ni Will ni elle ne purent se retenir à quoi que ce soit jusqu'à ce qu'un champ de protection s'élevât à la limite de l'air d'appontage et contre lequel ils s’écrasèrent sans ménagement, tandis que le vaisseau d’Anat prenait son envol après avoir fait exploser le sas de sortie.

Will jura autant qu’il le pouvait. Elle ne l’avait encore jamais vu aussi en colère.

Même s’il devinait pourquoi la déesse avait voulu les faire assassiner, il voulait une explication, quelque chose qui ressemble à une confirmation de sa part, et qui lui donnerait la possibilité d’une vengeance sans retour sur les conséquences. Surtout, il avait compris que désormais, ils allaient tous devoir surveiller leurs arrières.  Il se sentait frustré.

Elle, elle l’était beaucoup moins. Pour elle, ce n'était pas une découverte depuis l'attaque d'Amaterasu. Mais c'était la première fois que Will était confronté à une attaque. Quelles en étaient les conséquences ? Elle ignorait combien d’agentes Anat avait dépêchées pour accomplir leurs sinistres besognes, mais il y en avait quatre de moins dans son vaisseau, sûrement pas des moindres, et aucune n’était parvenue à accomplir sa mission.

Du moins, elle l’espérait… Qu’en était-il de Baal ?

Will et elle venaient à peine de se relever lorsque les premiers labirés arrivèrent à leur tour sur le pont. Une escouade de guerriers armés, conduits par un officier se dispersa devant l'écran de protection. Si certains d'entre eux ne montrèrent aucune émotion, d'autres tiquèrent en apercevant le trou béant dans la cloison.

Grama arriva juste derrière eux et s'approcha de will et d'elle.

— Quelqu’un avait verrouillé les portes des quartiers dans la nuit, expliqua-t-il. Tous nos forces se sont retrouvées bloquées.

— Oui, mais pas nous, fit remarquer Will.

Ils comprenaient tous les trois ce que cela impliquait. En les éliminant, Anat aurait non seulement mené à bien sa vengeance, mais elle aurait pu prendre possession du vaisseau et de ses habitants, tous promis à une mort certaine s’ils ne se soumettaient pas en lui jurant fidélité.

— Avez-vous pu voir Baal ? lui demanda Esmelia.

— Il va bien. Il m’a demandé de vous trouver. Il veut vous voir immédiatement.

Will haussa les épaules. Mieux valait ne pas fâcher le maître du vaisseau. Avec tout ce qui venait de se passer, il allait être d’une humeur massacrante.

— On y va, dit-il simplement en tirant Esmelia par le bras.

— Pas elle, le prévint Grama. Il a ordonné vous, seulement.

— Moi ?

— Immédiatement, confirma le Second avec une pointe d’impatience dans la voix.

Will en fit aussi surpris qu’elle, mais venant de l’ancien dieu, après tout…

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