Le Drægan qui venait de parler à Baal était plus grand que les deux autres, et paraissait plus âgé. Il avait l’apparence d’un jeune homme aux traits fins, bien dessinés, sur un visage allongé.

Ses cheveux noirs étaient maintenus au sommet de sa tête et retombaient jusqu'au milieu de son dos. Ils cachaient partiellement une grande épée maintenue dans son fourreau.

Il était vêtu d’une sorte de kimono composé de plusieurs types d’étoffes, toutes dans un camaïeu de fuchsia et de turquoise.

Un vrai bonheur pour les maux de tête, songea Emelia.

Il devait être le plus expérimenté du trio en matière de négociations, ou bien il se plaisait à le croire.

Après son bref échange avec Baal, il fondit sur le batracien.

Celui eut du mal à ne pas cacher la crainte que lui inspirait ce jeune Humanoïde et qu'il sentait beaucoup trop versatile à ses yeux. Ceux de son espèce ne devaient décidément pas être faits pour s’entendre avec des Drægans. Il connaissait quelques histoires sur le sujet. Le genre d’histoires que racontaient les anciens pour effrayer les plus jeunes.

il n’y avait rien d’agréable chez ces deux hommes et cette femme. À force d’y regarder de plus près, même celle-ci finissait par donner l’impression d’être corrompue.outait une touche de rouge.

Il ne semblait pas armé, mais il était difficile de le confirmer. Qui savait ce que pouvaient dissimuler les larges manches dans lesquelles il avait enfoui ses mains. Ou encore, les plis nombreux de son kimono aux couleurs incendiaires ?

Il était resté en retrait des deux autres, le regard aux aguets, comme s’il surveillait leurs arrière.

La femme, elle, ressemblait à l’une de ces fragiles petites poupées au teint diaphane, presque translucide. Sa fragilité était accentuée par son kimono rose pâle qui l’enserrait comme un écrin parfaitement ajusté.

Son visage pâle, d’un parfait ovale, était peu maquillé. Ses cheveux étaient ramassés en trois chignons. L’un, simple, au sommet de sa tête, était maintenu par une barrette de nacre rose. Les deux autres reposaient sur sa nuque et, de part et d’autre, de grosses perles blanches contrastaient avec le noir profond de sa chevelure comme les étoiles d’un ciel nocturne.

À elle seule, elle illuminait l’estrade.

Tout, dans son attitude, laissait paraître une jeune femme douce et effacée mais, comme William MacAsgaill, Esmelia avait senti qu’il ne s’agissait que d’un atour bien arrangé. Elle était infiniment plus dangereuse que les deux autres réunis.

Il n’y avait rien d’agréable chez ces deux hommes et cette femme malgré leur beauté physique. À force d’y regarder de plus près, même celle-ci finissait par donner l’impression d’être corrompue.

Ces êtres étaient faits d’un marbre aussi parfait que glacial et impénétrable. Drægans comme Baal, ils n’avaient pourtant rien de commun avec ce dernier, à première vue.

Esmelia croisa le regard de la jeune femme et y lut de la convoitise.

Elle sonda son esprit. Ce qu’elle y perçut confirma son interprétation et la glaça.

Ce que Baal possédait, ou désirait, elle souhaitait, plus que tout, le lui arracher tant elle le haïssait.

C’était plus qu’un sentiment. C’était inscrit au plus profond d’elle-même, dans ses gènes.

Pourquoi ? Que lui avait-il fait pour mériter une telle haine de sa part ? Et cette sorcière, que savait-elle de lui ? De sa destinée ? Que savait-elle de sa mission ?

Rien.

Pourtant, une colère sourde grondait en elle.

Esmelia sentait toujours ce froid glacial qui l’avait saisie un peu plus tôt.

Elle ne pénétra pas plus loin dans l’esprit de la Dræganne.

Celle-ci ne remarqua rien de l’intrusion psychique. Néanmoins elle s’interrogeait sur les deux Humains.

Pourquoi Baal tenait-il particulièrement à eux ?

Elle avait dû suivre le manège de Baal et de Will depuis le début.

Cependant, elle ne savait rien des cartes de MacAsgaill, apparemment. Ses deux acolytes avaient le même objectif qu’elle. Ils voulaient mettre la main sur les Terriens uniquement parce qu’ils savaient que cela obligerait leur ennemi à les affronter. Et parce qu’ils imaginaient que son intérêt pour les Humains cachait quelque chose. Ils cherchaient à savoir quoi.

Baal avait été plus rapide qu’eux.

Ils tentaient maintenant de reprendre la main.

Peut-être par un échange ?

S’ils parvenaient à l’avoir elle, alors ils proposeraient une transaction. Ce n’était pas très clair dans leur esprit.

Quelque chose échappait encore à Esmelia.

La pondération leur dictait que la diplomatie était le meilleur moyen d’obtenir ce qu’ils désiraient. Mais ils n’en étaient pas coutumiers et leur haine envers Baal était beaucoup plus forte que la raison.

Quant à Baal, il paraissait évident qu’il ne leur laisserait jamais les terriens.

Elle en aurait presque sauté de joie en le sentant.

— Ils ont l’air tellement humain.

— Ils le sont, du moins en apparence, répondit Will MacAsgaill. En réalité, je ne suis pas certain qu’ils le soient vraiment. Je ne crois pas que qui que ce soit ait essayé de le savoir… Qui cela intéresserait de risquer sa vie pour le savoir ?

Elle réfléchit un court instant, puis répondit avec un léger sourire :

— À part vous ou moi, je ne vois pas, effectivement. Vous imaginez ? Cela représenterait la fin de la solitude de l’Humanité. Non seulement, elle découvre qu’elle n’est plus la seule espèce pensante dans l’univers, mais en plus l’une de ces espèces lui ressemble comme deux gouttes d’eau.

— Parce que vous croyez qu’il n’y a que l’AMSEVE à le savoir sur la Terre ? Et puis, même deux gouttes d’eau peuvent donner l’impression d’être semblables et être très différentes l’une de l’autre. On dit, par exemple, que les Drægans ont de très nombreux pouvoirs, notamment celui de prendre différentes apparences.

Cela pouvait expliquer pourquoi elle n’avait pas remarqué le trio plus tôt.