Chapitre 12.4

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Alors qu’elle réalisait cela, Baal, Will MacAsgaill et elle furent bousculés, ballottés, réunis quelques secondes avant d'être de nouveaux séparés.

Esmelia sentit quelque chose glisser lentement sur sa joue. Elle s’essuya machinalement le visage, et vit que ses doigts étaient maculés de sang. Pourtant, elle ne ressentait aucune douleur.

Si elle n’avait pas été blessée, alors cela pouvait être MacAsgaill ou Baal. Elle les avait perdus de vue...

Il y eut une monstrueuse panique autour d’elle. Des individus grimpèrent sur l’estrade pour tenter de fuir les tirs, ignorant que c'ėtait l'endroit où il fallait justement éviter d'être..

D’où sortaient toutes ces personnes, ces créatures ?

Elles hurlaient, s’agitaient dans tous les sens, paniquées.

Esmelia pouvait lire la terreur sur leur visage et plus encore la ressentir.

Elles ignoraient tout des armes terriennes, des armes à feu.

Doherty ne pouvait pas avoir envoyé une nouvelle équipe de sauvetage…

Qui d’autres que les hommes de l’AMSEVE pouvaient avoir des armes à feu dans un monde aussi archaïque que celui-ci ? Ceux du CENKT ? Des envahisseurs ? D’autres Drægans ? Des mercenaires ? Ou des individus qui auraient travaillé pour l’AMSEVE, comme cette Jor POnyl ? En quittant la Terre, elle avait emporté divers objets. Il était fort probable qu’il y ait eu des armes dans le lot. Celles-ci avaient très bien pu être reproduites afin d’équiper une bande d’assassins ou une armée. POnyl pourchassait Baal. elle avait peut-être appris qu'il se trouvait ici.

Il y avait encore d'autres possibilités.

Qui savait si l’AMSEVE était la seule sur les rangs de la conquête spatiale et de l’exploration de planètes ? L’AMSEVE avait peut-être des jumeaux inconnus en Chine, en Russie, en Corée, ou même dans les pays les plus inattendus de la Terre. Qui savait comment leurs armes avaient pu tomber entre les mains d’extraterrestres belliqueux qui auraient pu y trouver un avantage sur d’autres espèces ? Une éventualité, non dénuée de fondement.

Les Terriens eux-mêmes n’étaient pas exempts d’un désir de conquête

Elle vit d’autres colosses vêtu de kimonos aux couleurs du trio grimper sur l’estrade. Plusieurs labirés de Baal en firent autant. Sans s’occuper des tirs autour d'eux, ils combattirent les uns contre les autres.

Un autre cri suivi d’un bruit métallique attira son attention. Il provenait de l’endroit où se tenait le trésorier quelques instants plus tôt. Elle s'agenouilla autant pour se protéger que pour voir, à travers la forêt de jambes de diverses couleurs et formes et d’autres appendices qu’elle ne chercha pas à identifier, une sorte de patte crochue baignant dans une bouillie verte. Elle se redressa écœurée.

Il était clair que la mante religieuse ne profiterait jamais de sa commission…

Des opportunistes cherchaient à s’emparer des quelques bourses que le trésorier avait abandonnées sur la table, dans sa vaine tentative de fuite, se mêlant aux combattants.

Il fallait vraiment être aux abois, ou certain de sa chance pour risquer sa vie pour quelques centaines de pièces.

Elle ne vit pas la cassette. Probablement envolée, elle aussi.

Esmelia laissa passer les voleurs devant elle, puis se fraya un chemin à coups de coudes pour rejoindre MacAsgaill qu'elle venait de repérer et s’extraire de la cohue.

Arrivée au bord de l’estrade, elle le chercha du regard. Elle entendit un cri derrière elle, comme une interpellation. Elle se retourna et aperçut alors Ame-No-Uzume.

La Dræganne marchait vers elle sans s’occuper de ce qui se passait autour d’elles.

Esmelia vit le poignard dans sa main. De couleur or, il brillait entre ses longs doigts délicats.

Fière et imperturbable malgré les obstacles, l’ancienne déesse avançait inéluctablement vers sa proie.

Une nouvelle salve éparpilla les combattants hors de l’estrade, et quelques-uns sur les rebords. D’autres gisaient, gémissants ou morts.

N’y restait plus qu’Ame-No-Uzume, debout, en son centre. Elle s’était arrêtée en plein milieu de la scène et affichait une expression de pur étonnement. Elle baissa la tête sur sa poitrine.

Esmelia suivit son mouvement et vit une tache écarlate s’épanouir telle une fleur, en accéléré, sur son kimono rose pâle.

Ame-No-Uzume s’écroula sur les genoux, avant de glisser au sol sur le côté.

Elle eut alors l’air d’une jeune fille endormie à même le sol.

La scène avait un aspect théâtral et irréaliste.

La suite, nettement moins.

Esmelia entrevit clairement une goutte rouge perler entre ses lèvres, tandis que de l’une de ses narines s’écoulait un liquide blanc et épais qui se mêla au sang et se répandit sur le plancher de l’estrade, se mêlant à celui de différentes couleurs des autres victimes.

Susanoo et Omoïkané tentèrent de se précipiter vers leur compagne, mais les balles qui pleuvaient autour d’eux les en empêchèrent.

Ce fut les derniers tirs qu’elle entendit.

Esmelia secoua sa tête qui lui faisait un mal de chien.

Elle tourna sur elle-même en titubant. Ce n'était pas le moment d'avoir une absence. Il fallait qu’elle retrouve Baal. Ou MacAsgaill, car lui seul pouvait l’aider si elle perdait à nouveau le renégat…

Une fois qu’elle les aurait repérés, elle ne devrait surtout plus les perdre de vue. De toutes les façons, les destins de ces deux êtres étaient liés. Même eux devaient le savoir, inconsciemment.

Quelqu’un tira sa tunique en arrière et la fit basculer hors de l’estrade. Elle se retrouva le derrière sur le sol terreux. Celui qui l'avait attrapée avait essayé d'amortir le choc, mais il s'y était mal pris. Elle se redressa aussi sec et fit face à l’un des labirés de Baal. Elle le reconnut à ses couleurs. Pourtant, physiquement, il ne leur ressemblait pas. Il était grand et athlétique, certes, mais ses traits étaient plus… européens. Sa peau était pâle, ses yeux bleus et ses cheveux comme sa barbe étaient châtain clair.

Les labirés de Baal, pour autant qu’elle ait pu le constater, étaient physiquement plus comparables à d’Anciens Égyptiens ou à d'autres peuples antiques du Moyen-Orient dont ils tenaient leurs lointaines origines : la peau mordorée couverte de tatouages, les yeux noirs, une taille qui avoisinait les deux mètres et surtout, ils étaient caractérisés par une totale absence de pilosité.

Le labiré lui agrippa le poignet et la tira vivement vers lui.

Et s’il était un soldat ou un mercenaire ayant volé l’uniforme de l’un des labirés de Baal ?

Elle se redressa prête à se défendre.

— Oh, non ! Pas de ça avec moi, ou je vous assomme. Je suis certain que mon maître n’y trouvera rien à redire.

Surprise par son avertissement qu'elle comprit parfaitement, car exprimé dans sa propre langue, elle se figea.

Sans ajouter un mot, il la souleva et la balança sur son épaule comme si elle n’était rien de plus qu’un sac de farine ou de graines.

Malgré sa charge, il était décidé à quitter les lieux au pas de course.

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