Chapitre 12.3

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Le trésorier ouvrit la cassette avec d’infinies précautions comme si, lui aussi, craignait un mauvais coup de la part du Drægan le plus recherché de toutes les galaxies sans deviner un seul instant que ce dernier était plus proche de lui qu'il ne l'imaginait. D'un autre côté, un client restait un client, surtout s'il était aussi fortuné que celui-ci.

Il ne se passa rien en dehors du petit "click" émis par la serrure lors de l'ouverture du coffret.

Le négociateur commença à compter les pièces qui se trouvaient à l’intérieur avec la ferme intention de prélever sa commission et de mettre les voiles le plus vite possible. L’endroit lui paraissait de moins en moins bénéfique pour ses affaires.

Lorsqu’il fut assuré que la somme intégrale de la vente devait intégralement se trouver dans le coffre, le trésorier eut un signe d’assentiment en direction du marchand d’esclaves et du négociateur. Ce dernier vint aussitôt prendre possession de sa part. Lui non plus ne comptait pas s’éterniser sur les lieux, comme s’ils craignaient que la suite vire à l’orage.

Au passage, il n’oublia pas de palper quelques pièces et, même, d’en porter quelques-unes à sa bouche pour en vérifier l’authenticité.

Près de Will et Esmelia, Baal ne se préoccupait plus des commerçants.

Son attention était, de nouveau, dirigée sur le trio qui se trouvait à l’autre bout de l’estrade, et dont les échanges verbaux et gestuels étaient de plus en plus animés.

— Maintenant, les choses sérieuses vont commencer, lâcha Baal à l’intention des deux Terriens.

Ni l’un ni l’autre ne comprit ce qu’il voulait exactement dire. Que pouvait-il arriver maintenant ? Que pouvait faire le trio face à quelque chose qu’ils avaient eux-mêmes choisi, mais n’avaient pu maîtriser ? En même temps, comment ne pas perdre la face devant des individus, certes moins nombreux que durant la négociation, qui ne les quittaient pas des yeux ?

Comme une réponse à leurs interrogations, venu de la foule, un hurlement de femme déchira soudain le silence qui s’était installé autour de l’estrade une fois la vente achevée.

La foule qui commencait à se disperser dans le village, vers les débits de boissons, ou vers les charrettes attendant qu’on les ramène à leur ferme, se figea.

Cherchant l’origine de ce cri, Esmelia tendit le cou. Elle vit un géant en kimono pourpre fendre la foule à coups de sabre et se ruer dans leur direction.

Il était vraiment très grand avec une énorme panse qui semblait rebondir au rythme de sa course.

Son visage rond et replet virait à un rouge de plus en plus violent au fur et à mesure qu’il approchait de l’estrade, ce qui contrastait avec son crâne imberbe et blanc. Il donnait l’impression de porter un masque qui s'accordait fort bien avec sa tenue

Esmelia distinguait à peine ses yeux en amande tellement ils étaient petits, contrairement à ses poings qui ressemblaient à deux grosses massues.

Un labiré aux ordres du trio sans aucun doute.

Baal n’était visiblement pas le seul Drægan à avoir sa garde rapprochée.

Le molosse sauta sur l’estrade avec une agilité que sa taille et son poids ne laissaient pas soupçonner. Il fonça ensuite tout droit sur Baal.

Pour la première fois depuis qu’elle était sur cette planète, Esmelia eut peur. Pas pour elle, mais pour Baal. Dans le même temps, elle sentit l’effroi de MacAsgaill.

Il aurait été blessé, ou pire, si le Baal ne l’avait pas poussé sur le côté, tandis que lui-même s’écartait prestement de la trajectoire de son agresseur.

Dans le mouvement, elle fut bousculée et se trouva hors de sa portée. Si la situation avait été toute autre, elle aurait pu en profiter pour s'enfuir... Elle ne le fit pas. Elle devait rester aussi proche de l'ancien dieu qu'elle le pouvait. Elle le sentait. C'était même plus qu'un sentiment : une obligation, un devoir.

Un bref instant, Esmelia croisa le regard de l’ancien dieu. Elle y lut tour-à-tour de l’inquiétude, de la colère et de la détermination.

Plus proche de MacAsgaill, il n’avait pu que l’atteindre et le pousser, mais elle avait été trop loin d’eux pour qu’il puisse en faire de même pour elle. Craignait-il de perdre son investissement ?

Déjà, ses labirés s’étaient précipités sur l’agresseur. L’un d’entre eux le maintenait au garde-à-vous, le tranchant d’une large lame longue d’une trentaine de centimètres posé sur sa gorge. Les autres désarmèrent l’inconscient, mais un mot de Susanoo et il n’hésiterait pas à se sacrifier pour lui en allant jusqu’au bout de sa mission qui était probablement d’assassiner Baal.

Celui-ci toisa Susanoo.

— Juste à titre d’information, combien je vaux ?

— Combien vous… commença son adversaire surpris, moins par la question que par le calme et la froideur avec laquelle elle avait été posée.

Esmelia le vit échanger un regard incertain avec Ame-No-Uzume.

— Mort ou vif ? demanda-t-elle avec le même calme, la même froideur que l’ancien dieu phénicien.

— J’imagine que mort, c’est moins que vif, ironisa celui-ci.

Susanoo qui s’était ressaisi répondit avant elle :

— Pas exactement. Cinq cent mille unités triastes, ou une planète si nous ramenons votre tête au Comptoir des Sécurités Galactiques, et un quart seulement si vous êtes en vie.

Baal ricana.

— Personnellement, je pense que ce n’est pas cher payé, sauf pour la planète et ses habitants. Je me demande ce qu'ils ont pu faire pour mériter cela. Vous donner une planète, ça revient à supprimer tout ce qui y vit sans se salir les mains. Et c’est moi que l’on accuse de planéticide ?

Il décida de pousser la provocation plus loin.

— Je vaux beaucoup plus que cinq cent mille UT, car je suis extrêmement difficile à tuer. Vous devriez le savoir.

— Ça se vérifie.

— Une seule fois, répondit le Drægan avec un sourire carnassier qui ne laissait rien présager de bon pour celui qui s’y essaierait.

Esmelia douta que le message soit passé du côté du trio.

Il y eut soudain une série de claquements secs.

Le colosse en profita pour envoyer valser ses gardes lorsque quelque chose le frôla. Baissant les yeux, il regarda la longue traînée sanglante sur son avant-bras, surpris.

Quoi que cela puisse être, cela ne lui disait rien de bon.

Ses ennemis étaient si près qu’il aurait pu se saisir d'eux et les tuer à main nues. Son cerveau, probablement conditionné par des années d'esclavage ne lui en insuffla pas le moindre désir. Il préféra se porter au secours de ses maîtres.

Il n’y parvint pas.

Il fut l’un des premiers à tomber lorsqu’une pluie de projectiles s’abattit sur eux.

De son côté, Esmelia comprit instantanément qu'ils étaient mitraillés. Il ne s'agissait pas d'un tir de semonce. Ces derniers étaient destinés à tuer.

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