Chapitre XIV. Souvenirs

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Vendredi 02/12/22, au petit matin dans l'appartement de Reeve

Le réveil sonna, Reeve n’arrivait pas à émerger. Des cauchemars avaient tapissé sa nuit. Son âme était douloureusement meurtrie. Trop de questions effleuraient son esprit et malmenaient son enthousiasme. Milord allongé au pied du lit avait veillé sur son sommeil, l’animal avait ressenti sa souffrance. Quand elle découvrit son museau posé sur le bord du lit, elle caressa cette boule de poil, son oasis de bonheur en ce matin pluvieux.

La jeune femme posa les pieds sur le sol glacé pour reprendre contact avec la réalité trop souvent fragilisée depuis quelques jours. Elle remplit la gamelle du chien avant de filer sous la douche. L’eau apaiserait ses angoisses, l’effet fut tout autre alimentant ses frissons. Le liquide chaud ruisselait sur sa peau, cette ondée qu’elle appréciait tant fit remonter des images terrifiantes. Elle s’appuya à la paroi de la douche et se laissa glisser pour s’asseoir le visage enfoui dans ses mains. Elle revoyait la première scène qui l’avait effrayée, Sarah était derrière elle la poussait dans le vide avec un sourire angélique. Reeve avait crié en silence pour appeler Etienne qui n’avait pas réagi. Après avoir retrouvé ses esprits réalisant qu’elle était au fond de son lit, elle avait sombré dans un demi-sommeil l’emportant dans les tréfonds de ses peurs. Elle se revit la lettre dans les mains et deux bras qui la saisissait par la taille voulant abuser d’elle. Elle se débattait pour échapper à cet homme à qui elle avait accordé toute sa confiance. Cette fois, ce fut le chien qui l’avait sortie de ce cauchemar en venant lécher son visage inondé de larmes.

Une sonnerie retentit, son portable chantait sur le lavabo. Il ne manquait plus que Pierre pour achever son moral. Lors d’une soirée entre filles, son amie s’était amusée à choisir un thème musical pour personnaliser les numéros de son répertoire. Ce n’était en rien une bonne nouvelle que d’entendre le souffle de Dark Vador. Elle attrapa la serviette posée sur le radiateur et se blottit au chaud dans la douceur du coton qui enveloppait son corps. Un nouveau flot d’images accompagnèrent ce geste du quotidien, des instantanés d’une matinée qu’elle avait adorée et qu’elle voudrait pouvoir revivre. Etienne l’avait rejointe dans cette petite cabine pour jouer un deuxième acte des plus torrides. L’eau était devenue la partenaire sensuelle de leurs ébats. En quelques heures, son charmant voisin avait offert plus de plaisir à son corps que ce pauvre Jules en plusieurs nuits communes.

La jeune femme songea tout à coup qu’elle pourrait se rendre à la boulangerie, elle avait encore une heure avant de partir au boulot. Prendre l’air, même sous une pluie battante serait bienfaisante. Et surtout Milord avait besoin de se dégourdir. Peu de chance de croiser qui que ce soit dans les couloirs. Cela devenait un vrai casse-tête de passer incognito, jusqu’à présent elle avait réussi à cacher la présence de l’animal. Sa seule crainte venait de Sarah qui se chargerait de mettre les pieds dans le plat. Reeve songeait sans mal que cette femme devienne une bonne amie de la concierge. Elles étaient faites du même sang, ayant rempli leurs poches de transfusion de méchanceté.

Dans son sac, elle trouva le double des clés de l’appartement d’Etienne. Il les avait glissés hier soir avant qu’elle ne parte. Pourquoi ? songea-t-elle. Il n’avait aucune raison. Elle enfila un jean qui mettait en valeur ses jambes et un pull par-dessus son chemisier de soie. En passant devant le porte-manteau, elle saisit au vol son bonnet, une écharpe et s’emmitoufla dans sa doudoune. Milord s’impatientant tout autant qu’elle. Elle ouvrit la porte, jeta un coup d’œil pour s’assurer que personne n’errait dans les allées et fit un petit signe de la main au chien qui s’empressa de la rejoindre. Une fois dans la rue, elle soupira, la mission était encore une fois assurée. Elle n’avait pas le choix et appréciait particulièrement la présence de cet animal. Elle avait appelé l’hôpital pour s’assurer que l’on prenait bien soin de son ami. Elle avait obtenu la confirmation que Marc resterait une semaine en observation.

De retour, elle repassa par son appartement, prépara un café qu’elle transféra dans un thermo afin qu’il reste au chaud. Il était hors de question de réveiller son prince, le docteur avait été clair, il avait besoin de repos. Elle attrapa un panier en osier qu’elle avait conservé lors de son dernier déménagement. Henry et elle l’avaient si souvent utilisé quand il faisait des virées sur l’île de Ré. Le pique-nique avait une place de choix dans leur après-midi de flâneries les pieds dans le sable. Encore une fois, à son contact des diapositives de son adolescence déroulaient devant ses yeux. Elle se revoyait marchant l’un à côté de l’autre, se racontant tout ce que la nature leur inspirait, ce souffle de bien-être qu’elle diffusait en eux. Ces sorties, elle les attendait et s’était toujours assurée d’être présente quelles que soient les difficultés rencontrées. Maintenant, plus rien n’était possible pourtant elle ne voulait en garder que les bienfaits. Peut-être qu’elle pourrait proposer à Etienne de partir en virée ce week-end, le grand air iodé pourrait recharger ses batteries.

En arrivant devant l’appartement, elle hésita avant de rentrer. Elle n’entendait aucun bruit, les deux occupants devaient dormir profondément. Elle glissa la clé dans la serrure et poussa la porte délicatement pour ne pas les réveiller. La jeune femme se dirigea vers la cuisine, posa le panier sur le plan de travail. Avant de monter, elle avait déposé un mot dans sa boite : « Je sais que tu as besoin de te reposer. J’aurai tant envie de pouvoir me lover dans tes bras pour t’offrir un peu de ma force et de réconfort. Je ne veux pas être la source de ton épuisement aussi je ne repasserai pas avant dimanche. Je ne veux pas croiser Sarah qui m’a fait comprendre que j’étais en trop et peut-être que c’est elle qui a raison. Par contre, accepte s’il te plait mon invitation, dans trois jours je t’emmènerai marcher au bord de l’océan. Je t’offre un tendre baiser. Reeve »

La porte de la chambre de son charmant voisin était entrouverte, elle voulait juste s’assurer que son sommeil était plus apaisé que l’avait été sa propre nuit. Dans la pénombre de la pièce, elle découvrit deux corps enchevêtrés sous le drap. Sarah était calée dans son dos, les mains sur son torse. Reeve referma le battant, plus aucune échappatoire, un cauchemar éveillé venait de la terrasser. La garce et ce salaud sans rendre compte venaient de la mettre KO. Devait-elle se battre, finalement Etienne n’avait pour l’heure besoin d’elle, pas autant qu’elle le désirait. Elle n’abandonnerait pas si facilement. Elle voulait être celle qui le rendrait heureux. Peut-être que son avenir serait avec l’inconnue du Pont Neuf ? Des pensées l’assaillirent de part en part, elle s’empressa de quitter l’appartement pour aller se réfugier à l’abri du sien. Elle tremblait, bientôt elle n’aurait plus assez de larmes pour soulager sa peine. Reeve ne savait plus où elle en était, plus rien n’avait de sens. Elle se berçait d’illusions. Figée devant son entrée, incapable de pouvoir ouvrir la porte, elle manquait d’air. De l’autre côté, Milord commençait à grogner. Derrière Reeve, juste dans son dos, des mains se posèrent sur sa taille. Quand elle se retourna, il était là, elle voulut crier quand il posa sa main sur sa bouche.

*A.R*

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