2.
Ils montent tous les deux dans la voiture d’Albert. Le village surplombé par une colline, se trouve non loin de la mer. Le ciel d’un bleu limpide semble se fondre avec l’immense étendue d’eau ; les embruns étincèlent comme une pluie de diamants sous les rayons du soleil. Mais ni l’un ni l’autre des occupants du véhicule ne paraît intéressé par le superbe panorama. Plus la voiture s’approche du sommet de la colline, plus Lilly s’agite. Elle remue continuellement, fait claquer la poignée de la porte et commence à trembler. Albert s’aperçoit de son malaise.
— Du calme. Bientôt tout sera fini.
Elle inspire et expire longuement en fermant les yeux.
— Et si c'était une erreur ? Si ce n'était pas... questionne prudemment Lilly.
Albert l’interrompt brusquement avec un ton de reproches, sans pour autant quitter son regard de la route, concentré sur sa destination.
— Tu oublies l’enfer que tu as vécu ? Il ne s’est pas posé de questions, lui. N’oublie pas le mal qu’il t’a fait.
Lilly ne réplique pas et détourne les yeux en direction du paysage qui défile au travers de sa fenêtre.
Finalement, ils gagnent les hauteurs de la colline. Albert arrête le moteur non loin du portail d’une magnifique petite villa, où par-delà le jardin, on voit la mer. Lilly scrute la propriété, sans prononcer un seul mot. Albert s’approche du portail, lit le nom du résident sur l’interphone et sourit du coin des lèvres. Il est enfin devant la maison de celui qu’il s’est juré de retrouver pendant toutes ces années. Lilly ne prête guère attention à son sourire, le regard tourné vers la villa. Elle continue de l’examiner sous tous les angles de ses grands yeux bleus. Lorsqu’il a fini sa petite inspection, Albert se tourne vers elle.
— C’est ici qu’il habite. Jolie maison pour un monstre, pas vrai ?
Il ajoute à voix basse, s’adressant à lui-même :
— Ça y est, je t’ai enfin retrouvé après tout ce temps…
Il s’interrompt en entendant Lilly s’approcher de lui.
— Il n’y a personne, lui dit-il, on reviendra le moment venu.
Sur le sentier qui conduit à la villa, une moto s’avance à toute vitesse, croisant la voiture d’Albert et Lilly. Elle s'arrête devant le portail de la villa. Un jeune homme en descendit, il suit la voiture du regard en retirant son casque.
— Qui ça pouvait bien être ? Je ne les ai jamais vus avant.
Il hausse les épaules pensant que ce sont sûrement des touristes. Il entre dans la villa, mais la maison étant vide, il repart sur sa moto à vive allure.
De retour dans leur appartement, Lilly s'est assise sur un rocking-chair et se balance d’avant en arrière, le regard perdu dans le vide. Les yeux de la jeune femme, clairs, eau de mer, contrastent avec ses cheveux noirs coupés très courts.
— On attend, lui répond Albert lorsqu’elle s’informe auprès de lui de ce qu’ils doivent faire à présent. Ils iront de nouveau à la villa le lendemain. Il l'encourage à aller dormir.
Il retire son imperméable, une autre de ses étranges manies : qu’il fasse chaud, comme ici, ou froid, Albert ne quitte jamais ce long imperméable couleur beige, ce qui le rend encore plus mystérieux. Lilly est assise sur sa chaise, le regard fixé sur le mur droit devant elle, pensive. Ce que lui a dit Albert dans l’après-midi lui revient dans les pensées.
« — Tu oublies l’enfer que tu as vécu ? Il ne s’est pas demandé s’il faisait une erreur, lui, quand il a tué tes parents. »
Plus tard dans la nuit, Albert recouvre Lilly d’une légère couverture en s’apercevant qu’elle s'est endormie sur sa chaise. Il lui susurre à voix basse :
— Oui, bientôt tout sera fini.
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