Chapitre 3

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La suite

Léandre se réveilla en sursaut, haletant. L’air de la chambre semblait oppressant, comme si les ombres s’étaient épaissies durant la nuit. Il porta une main à son front, sentant la moiteur de sa peau et les battements frénétiques de son cœur. Ses joues étaient humides. Des larmes. Mais pourquoi ?

La voix résonnait encore dans son esprit, aussi claire que troublante :

"Je dois partir, Léandre. Ce n’est pas ton choix, c’est le mien." C’était Lise. Il en était certain. Cette voix, cette tonalité teintée de tristesse, était gravée dans sa mémoire. Ce rêve, ou peut-être cette vision, était si vif qu’il peinait à croire qu’il ne s’agissait que de son imagination. Lise, assise près d’un lac noir, ses mains effleurant une eau stagnante, un reflet tremblotant autour d’elle. Et ce regard. Si intense, si lourd de sens.

Il secoua la tête, cherchant à se débarrasser des images. Ce n’était qu’un rêve. Rien de plus. Pourtant, une partie de lui savait que ce n’était pas si simple. Il se leva, incapable de rester allongé, et se dirigea vers la cuisine.

La machine à café gronda doucement, remplissant la pièce de son bruit familier et du parfum apaisant du café. Léandre s’assit à la table, sa tasse entre ses mains, et fixa la vapeur qui s’en échappait. Ses pensées se perdaient dans les volutes qui dansaient sous la lumière tamisée de la lampe au plafond.

Il pensait à Lise, à son regard, à ses paroles. Depuis combien de temps n’avaient-ils pas parlé réellement ? Pas ces conversations rapides et distantes, mais une vraie discussion, où ils auraient partagé leurs pensées. Pourquoi n’ai-je pas appelé hier ? Cette question tourna en boucle dans son esprit. Peut-être que ce rêve était une sorte de signal, un appel à faire ce qu’il aurait dû faire depuis longtemps. Pourtant, une autre voix, plus cynique, lui soufflait que ce n’était pas si simple.

Son regard dériva vers le salon, et son souffle se suspendit un instant. Le livre. Il était là, posé sur la table basse, aussi sombre et intrigant que la veille. Une tension diffuse se glissa dans sa poitrine. Était-ce ce livre qui avait déclenché ce rêve ? Non, c’était absurde. Mais il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il y avait un lien.

Léandre s’approcha du livre, l’ouvrit lentement, et retourna aux pages déjà lues. Tout semblait en place, mais il s’attarda sur des détails qu’il n’avait pas remarqués la veille. Une description de la vallée, si précise qu’il pouvait presque entendre le bruissement des feuilles : des arbres immenses dont les branches semblaient former un toit impénétrable, des lacs sombres reflétant un ciel étoilé, et des montagnes "toujours sur le point de s’effondrer, mais ne le faisant jamais."

Il passa une page et tomba sur un passage qui attira particulièrement son attention. Presque instinctivement, il se mit à le lire à voix haute.

"Au cœur de la vallée, là où même le vent s’égare, se trouve un lac sans nom. Sa surface est noire comme la nuit, et son reflet est trompeur. On dit que quiconque s’y regarde perd son ombre."

Sa voix trembla légèrement en lisant ces mots. Pourtant, il continua, sa curiosité l’emportant sur son malaise.

"C’est là que l’Ombrageuse veille, invisible mais toujours présente, prête à tisser son histoire dans les ombres des vivants."

Léandre releva les yeux, s’arrêtant un instant. Les mots flottaient dans l’air, comme s’ils résonnaient plus longtemps qu’ils n’auraient dû. Il tourna lentement une nouvelle page, découvrant une illustration : une vallée baignée dans une lumière crépusculaire, ses ombres étirées jusqu’à se confondre avec les arbres environnants.

Une silhouette floue semblait se cacher parmi les ombres, à peine discernable, mais indéniablement là. Sous le croquis, une phrase attirait son attention :

"Quand la lumière s’éteint, elle marche parmi nous."

Il lut ces mots à voix basse, presque en chuchotant, comme s’il craignait que quelqu’un d’autre les entende. Une étrange tension lui serra la poitrine. Lorsqu’il retourna aux pages précédentes, il remarqua des annotations dans la marge qu’il ne se souvenait pas avoir vues.

"Fermez les yeux, et vous entendrez son murmure."
"Elle connaît vos ombres. Elle attend."

Les phrases semblaient griffonnées à la hâte, dans une écriture fine et tremblante. Léandre fronça les sourcils, passant un doigt sur l’encre, cherchant presque à vérifier si elle était récente. Une autre phrase, plus en retrait, attira son attention :

"Ne laissez pas vos ombres s’attarder trop longtemps."

Il referma brusquement le livre, son cœur battant plus vite. C’était là hier ? Il n’en était pas sûr. Mais il n’aimait pas ce qu’il ressentait.

Cette nuit-là, Léandre rêva à nouveau de Lise. Elle était toujours près du lac sombre, ses mains effleurant la surface noire. Cette fois, elle semblait plus fatiguée, son teint plus pâle. Ses lèvres bougèrent doucement, comme si elle murmurait quelque chose, mais il n’entendit rien d’abord. Puis, lentement, les mots lui parvinrent :

"Je dois partir, Léandre. Ce n’est pas ton choix, c’est le mien."

Elle se leva, ses mouvements hésitants, presque fragiles. Elle tourna la tête vers lui, et ses yeux, si clairs d’habitude, semblaient voilés. Une silhouette floue se dessinait derrière elle, indistincte, se mêlant aux ombres des arbres.

Léandre tendit la main vers elle, voulant l’appeler, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Le lac reflétait son propre visage, mais quelque chose clochait. Il se réveilla en sursaut, le souffle court, des perles de sueur coulant sur son front.

En tournant la tête, son regard se posa sur le livre. Il était de nouveau là, posé sur son lit, fermé cette fois.

Les jours suivants, Léandre tenta de trouver une explication rationnelle. Peut-être était-il stressé. Ces rêves récurrents et ce livre étrange n’étaient probablement qu’une coïncidence. Mais une part de lui savait que ce n’était pas si simple.

Il envisagea d’appeler un psy. Ces visions, ces annotations qui semblaient changer… Peut-être que tout cela était dans sa tête. Mais chaque nuit, il se réveillait avec la même angoisse, et chaque jour, le livre semblait l’attendre, comme une entité silencieuse et patiente.

Un soir, alors qu’il feuilletait à nouveau ses pages, une phrase en marge sembla s’adresser directement à lui :

"La lumière est votre seule amie. Mais elle ne suffit pas toujours."

Cette fois, il referma le livre plus fort. Quelque chose se passait. Il devait comprendre. Mais par où commencer ?

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