Jameson -Troisième jour
« Accompagné de son nouveau et fidèle compagnon, le jeune et fringant prince se rendit dans la plus grande bibliothèque qu’il n’ait jamais vu. Certes, les livres étaient abandonnés, tels de pauvres hères, mais l’odeur du savoir aux accents de cuivre et d’or, qui virevoltaient dans l’air, était extatiques.
Pour parvenir à ce paradis perdu, les deux jeunes gens durent prouver leurs valeurs. Le chemin était truffé de pièges et d’énigmes. L’intelligence du prince et la force brut d’Herwin leur permirent de faire florès. Le prix en valait la chandelle. De magnifiques schémas d’une scrupuleuse précision renfermaient des connaissances qui pourraient faire la renommée de son royaume. Pour accompagner ce festin de l’esprit, les deux compères en firent un de victuailles à faire rougir les plus insatiables.
Alors que leurs esprits s’imprégnaient de ce lieu magique, l’indigène renseigna au prince l’existence d’un lieu de pratique du savoir. Lui promettant de s’y rendre dès le lendemain, ils continuèrent à découvrir d’autres demeures, sans toutefois trouver plus de satisfaction qu’ils n’en avaient eu dans la bibliothèque. »
De retour dans sa chambre après avoir laissé Herwin, Jameson laissa tomber sa plume sur sa page, frottant son visage entre ses paumes. Depuis qu’ils étaient revenus dans l’hôtel, fébrile, il revoyait derrière ses paupières semis-closes les images trouvées dans les manuscrits. Son estomac s’en retourna une nouvelle fois et il se força à ne plus y penser. Boyaux et autres joyeusetés de ce genre lui étaient insupportables. Il se consolait en songeant que l’asile psychiatrique, qu’il avait trouvé sur le plan de la ville, serait une formidable source d’inspiration pour son livre et, peut-être, la clé du mystère de ce village.
Il avait refusé les pêches en conserve que son ami lui avait trouvé dans une vielle épicerie désaffectée. L’odeur âcre de l’urine de rat, les tâches suspectes au sol et sur les murs, l’air lourd et piquant lui avaient tout simplement coupé l’appétit. Ils étaient rentrés à la tombée de la nuit, éreintés. Jameson n’avait alors pas cessé de parler. Son ami, une main sur l’épaule, l’avait raccompagné à l’entrée de sa chambre pour aller se coucher, lui lançant un regard à la fois réconfortant mais empli de reproches en arrière-plan… Et il ne pouvait que le comprendre.
S’installant dans son lit après avoir refermé son manuscrit, il repensait à sa principale mission et un sourire s’étira sur ses lèvres pâles. Son héros avançait à grand pas dans l’acquisition de son nouveau royaume, même si ce village n’était pas des plus resplendissant pour commencer. Cela lui apporterait d’autant plus de fierté et de reconnaissances… La pensée que, peut-être, la lettre du fou qu’il avait dérobée rapportait en fait la vérité de ce lieu, lui procura un frisson glacé à l’échine. Un soupir plus tard, il tentait de s’endormir, son sourire se perdant dans les draps, laissant place à une mâchoire crispée au souvenir de cette journée.
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