Herwin -Quatrième jour
Au petit matin, réveillé par un soleil froid, Herwin fixa ses rideaux en se demandant s’il ne les avait pas fermés la veille au soir…. Avec un sentiment d’incertitude, il se rendit dans la chambre de Jameson et tira son ami du lit. Ils se dirigèrent rapidement en direction de l’hôpital psychiatrique de la ville.
Jameson souligna avec justesse qu’il n’était pas à l’écart de la ville, mais plutôt au centre. Herwin préféra ne pas relever.
Foutue ville, foutu hôpital…
Devant l’entrée, il plissa le front et craqua ses doigts pour se donner du courage. Plus que de l'inquiétude, c'était de la peur qu'éprouvait ce grand gaillard à la vue de l'établissement psychiatrique délabré.
Alors que Jameson s'engouffrait avec enthousiaste dans le bâtiment, Herwin jura avoir entendu un cri strident dans les entrailles de ce lieu. Le vent s'engouffrait dans les fenêtres, le froid et la pluie avaient rouillé les escaliers de fer, la nature avait déserté ce lieu. L'homme qui sentait la chair de poule courir de son échine à ses oreilles se rapprocha de son ami journaliste.
- Tu sais que toutes les histoires d'horreur commencent comme ça? Tu le sais hein? Je ne veux pas aller plus loin. C'est malsain. Même dans l'air on sent qu'il s'est passé des choses horribles ici...
- Herwin.... Tu sais que tous les froussards de ton genre sont les premiers à mourir? Répliqua l’écrivain avec un sourire de provocation
Le rire clair de Jameson se mit à rebondir sur les murs carrelés alors qu'il entrainait son compagnon par le bras.
- Ne t'en fais pas. Ici, il ne nous arrivera rien. Après tout, nous ne sommes pas les méchants. Et puis, nous avons une enquête à mener. Allez ! Plus vite on aura ce que l'on veut, plus vite on sera sorti.
Herwin sentait ses pieds s'enfoncer dans le sol. Il sentait des yeux le guetter, des oreilles les écouter et quelqu'un ou quelque chose les suivre...
Faisant un effort suprême pour monter les premières marches, il n’aurait jamais, pensé que le soir, il écrirait en tremblant dans son journal.
Ce fut la main agitée, les pupilles dilatées et la sueur au front, il inscrivit frénétiquement :
Jour 3 : On n’a pas compris que le truc visqueux sur le sol signifiait qu’il y avait un être quelque part. Pas un être en fait. Non. Une créature. Le diable !
On a tout visité. C'était long, pénible. Je ne le sentais pas cet endroit. Vraiment pas. Quand on a franchi la porte d'une salle sombre, une odeur métallique nous a prise aux narines. Elle s'est engouffrée dans ma gorge et j'avais l'impression d'avoir du sang collé au palais. On aurait dû faire demi-tour. James a perdu quelques couleurs en voyant le sol tâché de sang. Je suis sûr que c'était du sang. Qui irait mettre du ketchup ou de la tomate séchée par terre hein ? Personne. Donc j'ai raison.
Je l’ai dit à Jameson d'un ton léger en plaisantant : "regarde, de l'art moderne". Je sais, c’était une blague nulle mais j’étais mort de trouille et je ne voulais pas le montrer. Ma vue s’est troublée quand j’ai montré à Jameson une forme allongée sur la chaise de consultation au centre de la pièce sombre et humide, les moisissures à chaque joint de carrelage fendu. La chose s’est levée et Jameson a crié. Il a voulu s'enfuir. Il a glissé et m'a emporté dans sa chute. C’est qui le peureux là hein ? Hein ?
La porte derrière nous a claqué. Le noir nous a entouré. J'ai senti des griffures alors j'ai donné des coups partout. Jameson a crié aussi. Plusieurs fois. Je pense que j’ai crié aussi. J'ai pu l'attraper par le col et je nous ai sorti de là en défonçant la porte de mon épaule. Maintenant je me la suis remise en place.
On était en sang. On sentait la présence de cette forme proche de nous. On a couru sans se retourner, la peur au ventre, nous retournant les entrailles. Et pourtant, j’en ai vu des choses… J'avais le souffle court. Elle est apparue de nouveau d'un coup devant nous. On a hurlé ensemble. On ne pouvait pas s’en détacher.
C’était une silhouette décharnée, des yeux blancs globuleux, des pustules suintantes sur tout le corps, des lambeaux de peaux qui tombaient au moindre mouvement et cette odeur… Cette odeur de viande morte, décrépite et moisie où les vers viennent grouiller. Jameson a tourné de l'œil, j'ai dû le porter. J'ai hésité à le prendre. J'avais peur pour ma vie et mon épaule était disloquée. Je ne sais pas pourquoi ni comment je suis sorti vivant, avec lui.
On est de nouveau dans l'auberge. Jameson fait de grands mouvements en hurlant, encore inconscient. Moi je ne peux pas fermer l’œil... Pitié. Que quelqu'un nous vienne en aide...
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