Chapitre 1 : Défonce-moi !
— Vas-y plus fort !
Son bassin claque déjà violemment contre ses fesses rebondies. Il ne voit plus que son cul qui tremblote à chaque poussée. Elle a presque disparue sous les oreillers. Seule sa chevelure ondulée brune dépasse de sous le tissu. Pourtant il continue de l’entendre geindre comme si elle était juste à côté de son oreille. Sa voix a une portée phénoménale.
— Plus fort, vas-y plus fort ! hurle-t-elle en cambrant encore plus le bas de son dos, pour lui offrir son arrière-train.
Il ne peut pas envoyer plus fort. Il est déjà à fond.
Qu’est-ce qu’elle veut ? Que je la défonce ?
— Défonce-moi !
Ah bah oui, apparemment.
Erwann s’en donne physiquement à cœur joie, même s’il n’est pas sûr de réussir à satisfaire cette partenaire insatiable. Ses gémissements se confondent avec des plaintes. Il ne sait plus si elle apprécie ce qu’il lui fait ou si elle morfle. Comme elle en redemande sans arrêt, il présume qu’elle aime ça, ou à défaut, qu’elle aime souffrir. Tout en conjecturant des états d’âme de madame, il met toute sa rage contenue depuis de mois dans ses coups de butoir. Pourtant, il a beau s’acharner, il ne semble pas réussir à taper dans le fond. Cette meuf est un tunnel.
— Vas-y, envoie tout !
Bon, puisqu’elle insiste...
Il met le peu d’énergie qu’il lui reste encore à disposition dans ses derniers assauts et, en quelques coups bien envoyés, se libère de sa semence, rassuré par la présence de la capote qui enserre son membre comme un élastique trop petit.
— Ah, j’adore, Erwann, j’adore quand tu jouis en moi. Donne-moi tout, vas-y, balance la purée.
Heureusement qu’il avait déjà réussi à aller jusqu’au bout. Pas sûr qu’avec ce genre de commentaires il n’aurait pas perdu ses moyens. Y aurait-il une possibilité qu’il la bâillonne la prochaine fois ? Avec un peu de chance, c’est une soumise qui acceptera tout ce qu’il lui demandera.
Erwann délaisse le cul de sa partenaire pour retirer le préservatif qui lui étrangle la verge. Pourquoi oublie-t-il toujours de ramener les siens quand il vient ici ? Il commence à le savoir pourtant qu’elle n’a pas de capotes « grandes tailles » dans le tiroir de sa commode. Il saisit le petit sachet usagé, qui fait triste mine maintenant, fait un nœud au bout, emprisonnant ses derniers restes de lui et le balance dans la poubelle. Cette dernière est toujours à la même place et toujours remplie à ras bord. Il commence à connaître la chambre de son hôte aussi bien que ses goûts en matière de sexe maintenant.
— Reviens par là, dit-elle, alanguie sur les oreillers.
— J’arrive, répond-il à contrecœur. Je peux fumer ici ?
— Bien sûr. Tu m’en passes une ?
— Tiens.
— Merci, chou.
Erwann déteste qu’elle l’appelle comme ça. Il faudrait la bâillonner pendant et après aussi, en fait.
— Pourquoi tu as toujours l’air triste une fois que t’as joui ? demande-t-elle, en allumant sa cigarette.
— Je ne suis pas triste, je suis juste… normal.
— Mais avant, ça va encore. Le pire, c’est toujours quand on a fini. Comme si tu regrettais.
— J’y peux rien. Je suis comme ça.
— T’aimes pas quand on se voit ? insiste-t-elle en soufflant des volutes de fumée dans sa direction.
— Si, c’est sympa, répond-il sans conviction, en tirant sur sa clope.
— Sympa ? Eh bah cache ta joie !
— Je t’avais prévenu que j’étais… dans une mauvaise passe.
— Mais on couche ensemble depuis des semaines ! Et tu es toujours dans une « mauvaise passe ».
— Je suis pas sûr d’avoir envie d’avoir cette conversation maintenant. On peut pas juste… être tranquille ? Profiter…
— Profiter de quoi ? J’ai pas joui, moi !
— Ah ?
C’est bien le cadet de mes soucis, tiens.
— Non. J’ai pas joui parce que tu me lèches jamais. Tu me touches à peine en bas d’ailleurs. Tu me doigtes juste pour que je mouille avant de me pénétrer mais pas plus. Les préliminaires passent complètement à la trappe. Tu m’expliques ?
— J’aime pas ça, c’est tout, déclare-t-il en haussant les épaules.
Le mensonge éhonté !
Bien sûr qu’il aime ça. Il adore ça au contraire. Il ne pourrait même faire que ça. Il l’a fait d’ailleurs. Avec la bonne personne.
— Tu pourrais faire un effort.
— Je croyais que tu prenais ton pied pendant l’acte, se défend Erwann, agacé. Comme tu n’arrêtes pas de gueuler, je pensais que ça te convenait.
— Je gueule pas, j’exprime mon contentement. Je t’encourage. J’adore quand tu me baises brutalement comme tu viens de le faire. Mais j’aime aussi le reste. J’arriverai jamais à jouir si tu t’occupes pas de moi. Avec tes doigts ou ta langue.
— Tu es trop lisse pour moi.
— Hein ? Comment ça trop lisse pour toi ? Tu veux dire que je ne suis pas assez excentrique ? Pas assez fofolle ?
— Non, rien à voir. C’est juste que…tu es trop épilée. Trop lisse quoi.
— Eh bah… j’aurais tout entendu ! Tu aimes les…
— C’est bon, arrête, dit-il en levant une main. Je sais ce que tu vas dire, pas la peine de te lancer sur le sujet. J’aime les femmes, pas les petites filles, désolé. Maintenant, je ne te reproche rien et je ne te demande pas de changer quoi que ce soit, mais je t’explique juste que moi, ben ça m’attire pas, c’est tout !
— Ok, ben j’ai bien fait de poser la question… au moins je sais pourquoi maintenant. T’aurais pu m’en parler avant, quand même, je peux essayer de… faire un effort. Si on veut que ça fonctionne, il faut communiquer Erwann. J’aimerais bien que notre relation évolue, tu sais, qu’on soit un peu plus intime…
— On l’est déjà, il me semble. J’étais en toi y’a cinq minutes, crache-t-il en même temps que son halo de fumée.
— Pas intime comme ça.
— Intime comment ?
— Ben tu sais, en couple quoi…
— Désolé, mais je ne cherche pas à me caser.
Le jeune homme se braque et écrase sa clope dans la coquille Saint-Jacques qui sert de cendrier. En observant la coquille sale, pleine de cendres et de mégots, un souvenir lui revient comme un flash. La randonnée avec Manon-Tiphaine à Noël dernier. C’était au cours de cette semaine en vadrouille avec sa fille sur le GR34, qu’il avait pris la décision de rompre avec sa solitude. Une solitude pesante pour lui, comme pour son adolescente de quinze ans, qui s’inquiétait de plus en plus pour l’avenir de son père. En revenant de leur périple, il avait décidé de faire des efforts et de s’ouvrir davantage au monde, de chasser l’ermite qui vivait en lui. Une belle romance lui avait alors été donnée de vivre, avant qu’un malheureux concours de circonstances ne vienne tout gâcher. Le rêve avait pris fin avant même de commencer.
— Ça te dit pas qu’on s’engage un peu plus l’un envers l’autre ?
Plutôt crever.
— Qu’on sorte ensemble à l’extérieur ? Qu’on fasse des trucs de couple, quoi.
Même pas en rêve.
— On se voit qu’ici ! Jamais chez toi, en plus. T’habites où ?
Nulle part.
Erwann se lève brusquement du lit et commence à se rhabiller. La conversation tourne au vinaigre et son moral est en chute libre. Mieux vaut partir de suite avant que les choses ne dégénèrent.
— T’es célibataire pourtant il me semble, non ? le questionne-t-elle en s’avançant sur le lit à quatre pattes dans sa direction.
— Je suis… peu importe ce que je suis, dit-il en se glissant son jean. Je ne cherche pas à me mettre en couple avec quelqu’un. Je suis bien tout seul.
Il attrape ses chaussettes et son haut en bouchon, vestiges de son déshabillage express quelques heures auparavant. Puis file hors de la chambre.
— Alors ça rime à quoi ce qu’on partage depuis un mois ? couine-t-elle en le suivant à poil dans le couloir.
Elle revient sur ses pas et attrape sa nuisette sur le dossier d’une chaise, avant de le poursuivre, tandis qu’il s’échappe déjà vers l’entrée. Tout en terminant de réajuster son tee-shirt, il déclare en soupirant :
— À rien.
Assis sur le banc du vestibule, Erwann enfile ses chaussettes, ignorant l’air revêche avec lequel elle le dévisage. Mécontente, elle se glisse dans sa nuisette telle une anguille et constate :
— En fait, on ne se voit que pour le cul, sans aucun autre type de relation possible, c’est ça ?
— Pour le moment, je n’ai rien d’autre à offrir. Désolé si cela ne te convient pas, mais c’est tout ce que j’ai en stock. Si tu préfères qu’on arrête de se voir, je comprendrais.
— Je peux te poser une question, Erwann ?
En se relevant, le jeune homme croise le reflet de son visage dans le miroir accroché au vestiaire. Cette tête, c’est pas possible, il ne s’y fera jamais, pense-t-il, en caressant le chaume de barbe qu’il affiche désormais.
Il a dû dire adieu à sa longue barbe brune striée de fil d’argent, autrefois si fournie, mais devenue ingérable depuis son…
— Alors, répond ! vocifère son hôtesse, au bord de la crise de nerf.
La jeune femme se tient droite, les bras ostensiblement croisés sous sa poitrine opulente.
— Vas-y, souffle-t-il, complètement blasé, alors qu’il lace ses sneakers, le pied posé sur l’assise du banc en bois.
Les épaules en arrière, le menton haut et des éclairs dans les yeux, elle l’interroge, furieuse :
— Qu’est-ce qui t’es arrivé pour que tu sois devenu un tel connard ?
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